PAUL BIYA SE COMPORTE COMME S’IL N’AVAIT RIEN À PERDRE

Paul Biya, contrairement aux huit candidats, n’a pas eu besoin de se faire voir. Il n’est passé sur aucune chaîne de télévision. Sa parole, comme toujours, est restée rare et secrète. Il se comporte comme s’il n’avait rien à perdre. Et les autres, comme s’ils avaient tout à gagner. Ainsi va le Cameroun.

Vu l’âge de monsieur Biya, faire semblant n’est plus trop son fort. Courber l’échine devant des pauvres populations qui ne savent même pas dans quelle sauce elles vont bientôt être mangées par le FMI, non merci. Paul Biya veut bien organiser les élections, mais qu’on ne lui demande pas d’aller embêter les populations avec ces histoires de bilan et promesses.

Biya sait qu’il tient son pouvoir. Il a avec lui les élites éparses du pays, il a avec lui l’armée, il est respectueux et bienveillant à l’égard de ses partenaires étrangers, que peut-il craindre si ce n’est le vent humain de la mort ? Nul ne peut le battre par voie électorale. Ce serait un non-sens.

Mais le Cameroun souffre probablement plus d’une absence de penseurs, de véritables intellectuels, que de la longévité de monsieur Paul Biya. D’ailleurs cette longévité sans effusion catastrophique n’est que le reflet d’une société civile sans tête, sans idées, sans force motrice.

Il n’y a pas de figure intellectuelle camerounaise qui ait accompagné les populations camerounaises dans leur éternelle pente, leur éternelle débrouillardise. De figures qui, non seulement, ont toujours tenu tête, mais qui ont essayé d’éclairer continuellement quelques masses, afin de constituer pour l’avenir un bataillon de blindés, une masse hautement critique et constructive. De figures qui ont essayé de créer quelque chose de nouveau, de figures qui ont tenté d’orienter des étudiants en chômage, des jeunes en errance, des débrouillards en état de fatigue, des vieux en situation de retrait(e).

Ayant eu leurs diplômes avec félicitations du jury, après maints efforts et maintes recherches, lorsqu’ils ne se réfugient dans quelques universités d’ailleurs et d’ici, les intellectuels militent ouvertement en faveur du régime. Ou encore, ils écument les plateaux de télévision, avec une relative et délétère neutralité, qui voile à peine leur instinct de conservation ou de courtisanerie.

Mon avis, dans tout ce bazar, dans tout ce cafouillage verbeux et démocratique, dans un contexte de guerre civile dans ses balbutiements (Nord-Ouest et Sud-Ouest Cameroun), est de ne point gaspiller ses forces sur le terrain du parti au pouvoir, le terrain des élections. Ce mois d’Octobre, la révolution n’aura pas lieu au Cameroun.

Charles Tsimi
Source: Jeune Afrique

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