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Savez-vous pourquoi tant d’apatrides exilés sombrent dans la mélancolie profonde ? C’est parce que l’exil ne tue pas d’un coup : il ronge lentement, silencieusement, l’âme et l’identité. Être arraché à sa terre, interdit de retour, c’est vivre dans une cage sans barreaux, dont la clé reste à jamais hors de portée.

Prenez l’exemple d’un homme de Galgouli à qui l’on interdit de poser le pied à Namounou. Cette simple interdiction, fait naître en lui une irrésistible envie d’y aller. Pourtant, sans cet interdit, il aurait pu mourir sans jamais penser à ce lieu. C’est là toute la tragédie humaine : l’interdiction attise le désir, elle donne du goût à l’interdit.

Un roi moaga, que l’histoire a retenu pour sa sagesse, m’a un jour confié son unique tourment : il y a, dans son palais, une porte par laquelle il lui est interdit d’entrer ou de sortir tant qu’il est en vie. C’est par cette seule ouverture que, le moment venu, son corps sera porté hors du monde. Cette règle, imposée par la tradition, le hante. Il brûle d’y passer un jour, de son vivant. Il m’a avoué être parfois tenté d’y aller la nuit, seul, comme pour tromper l’ordre du monde.

L’écrivain Louis-Ferdinand Céline a su traduire cette vérité avec des mots justes :
« C’est cela l’exil, l’étranger, cette inexorable observation de l’existence telle qu’elle est vraiment pendant ces quelques heures, lucides, exceptionnelles dans la trame du temps humain, où les habitudes du pays précédent vous abandonnent, sans que les autres, les nouvelles, vous aient encore suffisamment abruti. »

L’exil est un entre-deux : plus vraiment d’ici, pas encore de là-bas. C’est un temps suspendu, une existence sans ancrage, où l’on regarde le monde comme un spectateur dont le billet n’a jamais été validé. Soyons patriotes afin d’éviter l’exil !

Tingin-biiga, communicateur pro-RPP

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