

(édito)
La campagne des élections présidentielles du mois d’octobre 2025 au Cameroun va marquer un tournant
de la jeune histoire d’un pays dont les héros de l’indépendance ont été froidement exécutés par les forces
armées coloniales.
En effet, la France s’est enfin résolue à reconnaitre cette guerre sanglante qui a traumatisé tout un peuple
par sa violence et son atrocité. Les séquelles sont toujours présentes. Cette guerre trop longtemps occultée
et maintenant déclamée changerait-elle le destin d’un pays trop longtemps écrasé par une gouvernance
sans ambition et accrochée à ses privilèges ?
Cette question lourde de douleur interroge à la fois les dirigeants camerounais et son peuple. De
nombreux éléments peuvent expliquer les raisons pour lesquelles les camerounais ne parviennent pas à
changer ses dirigeants après quarante années de règne sans partage de Paul Biya :
- Les structures du pouvoir sont verrouillées : contrôle des forces de sécurité, des institutions
judiciaires et des appareils électoraux qui rendent toute alternance impossible ; - La répression et la peur : les intimidations, les arrestations des opposants politiques empêchent
l’expression libre et la mobilisation ; - Le clientélisme et la redistribution des richesses sont bien ciblées et dissuadent le changement ;
- La pauvreté et la précarité rendent la survie quotidienne difficile. Il est très risqué et couteux de
s’engager politiquement ; - La manipulation identitaire : le tribalisme, le régionalisme et le discours ethnique sont exploités
pour diviser et affaiblir l’opposition ; - Le contrôle de l’information : les médias sont muselés, la désinformation et le manque d’accès à
une information viable limitent la formation d’un choix éclairé et objectif.
Un autre élément majeur est à mettre dans le compte de la désinformation. Il s’agit des facteurs
externes qui légitimisent les dictatures : les appuis des puissances occidentales aux régimes en place et le
silence de la communauté internationale qui consolident les régimes.
Il est en conséquence difficile de provoquer un changement pacifique. Cependant, la résilience de la
jeunesse laisse entrevoir beaucoup d’espoir pour le Cameroun. Elle s’affirme de plus en plus. Pour
éliminer les candidats qui feraient de l’ombre au pouvoir en place, une nouvelle astuce voit le jour :
certains candidats sont déclarés inéligibles. Le plus emblématique est Maurice Kamto, ennemi déclaré du
pouvoir qui voit en lui un homme et un adversaire redoutable.
Dans un combat inégalitaire, l’opposition démocratique dispose d’autres moyens : - Renforcer la société civile par des associations, des syndicats, des ONG et des mouvements de
citoyens qui doivent travailler pour le changement ; - L’éducation civique peut et doit former les citoyens aux droits, au fonctionnement de l’Etat et aux
mécanismes électoraux où la fraude est massive ; - Construire une coalition large de l’opposition ;
- Préparer la population aux campagnes de désobéissance civile ;
- Mobiliser la diaspora pour un plaidoyer international et participer activement au financement
médiatique de leur campagne électorale.
Le changement prend du temps. Mais l’âge de Paul Biya et de son équipe sont devenus des handicaps
insurmontables. L’opposition saisirait-elle cette opportunité pour une alternance pacifique en 2025 ?
Parmi les douze candidats déclarés et en liste, Cabral Libii a une carte à jouer. Sa jeunesse pour mettre fin
au règne des gérontocrates, sa compétence et surtout sa maîtrise des dossiers stratégiques et sensibles en
font un outsider désigné. Pour y parvenir, il a besoin de Maurice Kamto et de tous les opposants pour une
union que tout le monde appelle de ses vœux.
L’histoire nous apprend que les transformations pacifiques sont possibles même sous les dictatures les
plus féroces quand les citoyens sont organisés, unis et solidaires autour des objectifs clairs et non violents.
L’espoir est une condition de l’action.
Par Michel Lobé Etamé,
Journaliste Indépendant, Essayiste et romancier