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Ce que j’appelle la détermination de notre idéal féminin ou masculin, c’est à dire la construction et la structuration dans l’esprit de l’homme ou de la femme, de ce que pourrait être l’idéal sentimental, se construit en chacun de nous, en fonction de notre histoire personnelle, de notre lieu de vie…

Dans cet ordre d’idées, la première femme qu’on aime est notre propre mère, ou le premier homme qu’on aime est souvent notre propre père. Cet amour sera à l’adolescence remplacé par cette autre forme d’amour qui procèdera d’une vraie démarche sentimentale qui est LE PREMIER AMOUR .

Ce premier amour est souvent chez l’Homme un amour structurant, en ce sens qu’il magnifie, célèbre et idéalise un phénotype masculin ou féminin donné. Les éléments subliminaux qui forgent cet amour peuvent être la façon de sourire, le poids, la taille, la couleur de la peau, l’aptitude à célébrer l’amour dans une langue maternelle que partagent les deux amoureux…

Le comportement amoureux de demain ou les choix amoureux postérieurs, peuvent ainsi être tributaires de cette envie de reproduire ou retrouver l’amour d’hier. Il est donc possible que ceci se conjugue avec une certaine expression culturelle, une façon de parler, de sourire, de s’exclamer, de célébrer l’amour… On pourrait donc sans même s’en rendre compte, avoir ce faible là pour cet amoureux qui savait si bien vivre l’amour en Bassa, Douala, Bafang, Yambassa, Ewondo, Moundang, Foulbé… C’est ainsi que des peuples sur la terre entière trouvent souvent l’amour dans leur environnement géographique et culturel immédiat…

En revanche, la célébration de l’entre-soi ou la promotion de l’exclusion de l’autre ethnie ou race du champ de l’amour c’est du tribalisme, de l’ethnicisme ou du racisme. On passe de la distinction à la différence, et de la différence à la discrimination.

DE LA DISTINCTION A LA DIFFERENCE ET DE LA DIFFERENCE A LA DISCRIMINATION

Si la différence est majorée, poussée à l’extrême, nous allons trouver le différentialisme qui consiste à majorer l’écart entre les tribus, les cultures et on va s’orienter vers des formes de communautarisme qui consistent toujours à majorer les différences et à les considérer comme irréductibles.

Pourtant, la distinction est une nécessité de la pensée : ne pas rester dans l’indifférenciation, dans l’informe ; on ne peut pas empêcher quelqu’un de penser ou de constater que tel peuple a une excellente culture des arts musicaux, que tel autre a une culture du travail et de l’entreprenariat, que tel autre cultive dans ses traditions, un sens aigüe de l’honneur et de l’intégrité… On ne peut pas vivre et penser sans introduire des distinctions. Mais les distinctions peuvent devenir des catégories immuables, alors qu’elles sont toujours historiques ; c’est pourquoi il faudrait aussi réunir, établir des relations entre ce que l’on distingue, entre des termes qui habituellement ne vont pas ensemble.

Dans la discrimination, il y a l’idée de dévalorisation, de supériorité qui se conjugue avec un rejet de l’autre qu’il n’y a pas dans la différence. La parole et le langage ne sont fondés que sur la différence, la distinction, un jugement de valeur, un positionnement hiérarchique, un refus de l’autre.

Ce n’est pas la distinction en elle-même, ni même la différence en elle-même qui crée de la discrimination. C’est une espèce de crispation sur la distinction qui va finir par exclure. À force de classer, de catégoriser, de distinguer, on sombre dans le grotesque, le ridicule. Tout est séparé, mis dans des rayons, et ce que l’on n’arrive plus à faire, c’est relier .

L’ARME CONTRE LES DISCRIMINATIONS AU MARIAGE C’EST L’HÉTÉROGÉNÉITÉ, C’EST LE MÉTISSAGE

Plutôt que de figer les groupes dans des différences irréductibles, insurmontables, pour l’éternité : les bassa avec les bassa, les foulbé avec les foulbé, les bamiléké avec les bamiléké, les pygmées avec les pygmées etc, il faut s’ouvrir intellectuellement, il faut sortir de la discrimination qui célèbre la distance et génère l’exclusion.

Plus fortes que les différences, il y a l’appartenance à notre commune humanité qui n’est pas homogène. Elle se décline, se diversifie et il n’y a pas une culture première, antérieure ou supérieure. Pour que la différence soit une valeur, il faut qu’elle émerge de ce qu’il ya de commun, en partage, qui n’est pas du consensus, mais au moins cette volonté de continuer à vivre ensemble et c’est à ce niveau que le politique doit prendre toute sa place.

Mais attention, l’ennemi, c’est le particulier et le général. C’est quand il y a de la particularité ethnique ou même régionale très prononcée et cette opération logique de la généralisation que, sans s’en apercevoir, nous introduisons de la violence dans la pensée et dans les rapports humains. Le métissage est toujours pris entre deux tentations, celle du différentialisme et celle d’un faux universalisme. En clair, tout n’est pas forcément compatible, « mélangeable », on doit passer du mélange au métissage. Si par exemple, on mélange tous les sons de nos musiques traditionnelles, on obtient du bruit. Si on mélange toutes les couleurs, on obtient du gris. Le métissage doit donc être la conjugaison de notre désir de vivre ensemble car la différence n’est jamais absolue, totale…

Le retour aux traditions ne doit pas provoquer une crispation. Au contraire, on doit être capable de vivre entre le Mangambeu, le Makossa, l’Assiko et le rock, entre le ndop et l’obom, entre la gandoura et le costume, le sandja et le kaba… Ce n’est pas l’un ou l’autre, c’est l’un et l’autre, mais pas dans la simultanéité. Dans la simultanéité, on tombe dans l’ambivalence et non dans l’ambigüité de l’alternance et de l’oscillation.

En fait, la discrimination est une peur de soi-même. La différence, ce n’est pas l’autre, c’est une certaine forme de rapport aux autres. Or l’humanité se conjugue toujours au pluriel, c’est la condition même de la démocratie et du vivre ensemble. Nous ne tenions pas assez compte de la transformation des autres en les isolant dans un statut définitif qui est la figure détestée de soi.

En conclusion, je voudrais adresser au footballeur camerounais, Martin HONGLA, ce message fraternel : il ne faut pas avoir peur ; un peuple comme les bamiléké, qui voyage beaucoup, qui s’installe partout en Afrique et dans le monde, est un peuple convaincu de la capacité qu’ont les Hommes à aller vers leurs semblables, de vivre ensemble, de s’aimer.

Amédée Dimitri TOUKO TOM

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