(Texte)

A votre avis, quel lien existe-t-il entre Le Pape Jean-Paul II, le premier ministre Britannique Rishi Sunak, la décolonisation du continent africain et ce bateau derrière moi ?

Vous ne voyez toujours pas ?

Vous ne voyez pas le lien entre la prospérité de la Chine et ce petit bateau en bois derrière moi ?

Je vais tout vous expliquer.

Installez-vous bien dans votre chaise en bambou de raphia rembourré de feuille de bananier.

Quand j’étais petit, nous étions si pauvres que le plus grand confort pour la chaise ou le lit était justement une chaise et un lit en bambou de raphia et les feuilles de bananier faisaient office de matelas, pour amortir la dureté du bambou.

C’est quoi le lien avec l’histoire que je vais vous raconter ?

Ne soyez pas pressés, mais observez bien le bateau, il est aussi un bateau de pauvre, complètement en bois, sans aucun confort apparent. Mais vous allez voir que de la misère va émerger quelque chose de très grand, à condition que l’intelligence y participe, à condition que le cerveau soit sollicité pour y participer.

Donc, vous demander de vous installer dans votre fauteuil ou votre chaise en bambou de raphia, n’est pas une insulte. Au contraire.

Reprenons un p ar un les personnages cités plus hauts et voyons le lien avec notre petit bateau en bois.

Commençons par le Pape Jean-Paul II.

Qu’a-t-il de particulier ?

Nous sommes le soir du 16 octobre 1978. Il est 18 h 43 : une fumée blanche s’échappe de la Chapelle Sixtine au Vatican, à Rome. C’est le symbole qu’un nouveau Pape vient d’être désigné. Apparait le cardinal Felici qui dit en lain : “Habemus papam… Cardinalem Wojtyla… ” (Nous avons un nouveau pape, il s’appelle Wojtyla). Le cardinal polonais Karol Wojtyla vient d’être élu pape. Il prend pour cela le nom de Jean-Paul II.

Question : Pourquoi en pleine guerre froide, l’église catholique désigne-t-elle non seulement le premier pape polonais et slave de toute l’histoire du catholicisme, mais pire, nomme le premier pape non italien depuis le pape néerlandais Adrien VI en 1522, c’est-à-dire, depuis 455 ans ?

La réponse à cette question est donnée dès le lendemain, par le quotidien italien de Turin, La Stampa du 17 octobre 1978 qui titre à la une :

“Les Russes auraient préféré voir Soljenitsyne (transfuge russe en occident) devenir Secrétaire Général de l’ONU plutôt qu’un Polonais devienne Pape !”

Comme ce sont les slaves de Russie qui se sont unis à d’autres slaves d’Europe de l’Est pour incarner l’opposition au système capitaliste de l’Occident, la meilleure façon de lutter contre le communisme soviétique ne s’est pas limité avec l’instrument économique, de l’économie de guerre dénommée « la guerre des étoiles » que le président américain Ronald Reagan avait imposé à l’Union Soviétique pour l’appauvrir économiquement, mais il fallait compléter cette bataille, par la guerre idéologique et quoi mieux que la religion pour combattre le communisme ?

Et comment y parvenir de la manière la plus efficace sinon en coptant un Polonais, c’est-à-dire, le pays dont la capitale Varsovie est le nom du pacte militaire du bloc communiste opposé à l’autre bloc militaire de l’Otan : le Pacte de Varsovie ?

Résultat des courses : A partir de 1990, Jean-Paul II, est aussi appelé « le pape qui a vaincu le communisme ».

Question : Pourquoi l’organisation du Brics a intégré l’Afrique du Sud et non le Nigeria qui était déjà la première puissance économique de l’Afrique ? Pourquoi ont-ils intégré l’Egypte et l’Ethiopie et toujours pas le Nigeria ?

Réponse : Parce que le Brics est construit en opposition au bloc occidental, qui met au cœur de sa bataille idéologique, la religion, le christianisme. Il s’agit de lutter pour échapper à un système qui transforme tous les autres pays non occidentaux en périphérie du monde. Et ils y parviennent à utilisant aussi l’instrument de la propagation du christianisme qui neutralise des peuples entiers et remplace leur bataille pour émerger en mettant au cœur de leurs batailles la recherche prioritaire de leurs intérêts au fatalisme passif de l’attente d’un sauveur, Jesus.

En d’autres mots, un dirigeant africain ne peut pas dire qu’il lutte contre la spoliation de l’Afrique et en même temps revendiquer sa fierté d’être chrétien catholique ou chrétien presbytérien. L’Afrique du Sud a été intégrée au Brics parce que contrairement au Nigeria, ses dirigeants ont appris les leçons de notre petit bateau en bois là derrière mois. J’y reviens plus loin.

Rishi Sunak, de Religion Hindouisme né le 12 mai 1980 à Southampton (Hampshire, Angleterre), est le chef du Parti conservateur, et surtout, il est Premier ministre du Royaume-Uni depuis le 25 octobre 2022. Ses parents sont tous deux originaires de l’Inde et tous deux indouiste. Il a épousé, Akshata Narayan Murty (née en avril 1980 à Hubli en Inde), femme d’affaires et créatrice de mode indienne.

Rishi Sunak est le premier Britannique non-Blanc à devenir Premier ministre du Royaume Uni.

Mieux, devenu Premier Ministre à 42 ans, il est alors le plus jeune chef de gouvernement britannique depuis Robert Jenkinson en 1812.

Question : Qu’avait-il de si spécial, pour que les politiciens du Royaume Uni choisissent comme Premier Ministre un Indien d’origine, aussi jeune et surtout, sans expérience politique, puisqu’il n’a jamais recouvert aucune fonction dans un quelconque gouvernement britannique ?

La réponse à cette question ne peut pas venir sans se poser une autre question :

Est-ce que vous croyez possible, un premier ministre britannique avec les mêmes caractéristiques que Sunak, mais d’origine chinoise ou russe ?

Moi non !

Tout simplement parce que ces deux-là, ont bien retenu la leçon de ce petit bateau en bois derrière moi. Je vais y revenir. D’ici-là, constatons plutôt l’épilogue de la nomination de Sunak au poste de Premier Ministre.

L’Inde se démarque de plus en plus au sein du Brics.

Lors du dernier sommet en Afrique du Sud la semaine dernière, elle était la seule opposée à l’accueil de nouveaux membres du Brics. La raison invoquée est qu’elle ne veut pas que le Brics se transforme en une organisation contre l’Occident.

Dans son livre intitulé “India Is Broken: A People Betrayed, Independence to Today” (L’Inde est brisée : un peuple trahi, de l’indépendance en 1947 jusqu’à aujourd’hui en 2023), publié le 14 février 2023, l’auteur Ashoka Mody 67 ans qui a grandi en Inde et a travaillé pour la Banque Mondiale et le FMI, affirme dans ce livre que « les dirigeants successifs après l’indépendance, à commencer par son premier Premier ministre, Jawaharlal Nehru, n’ont pas réussi à affronter les véritables problèmes économiques de l’Inde, recherchant plutôt des solutions faciles ».

Solutions faciles !

Puisque l’Inde est un pays démocratique, on nous dit, le pays le plus démocratique du monde, l’horizon de vision pour les politiciens ne peut pas dépasser 4 ou 5 ans, le temps d’un mandat électoral. L’Inde est ainsi prise au piège de vouloir en même temps plaire à l’Occident et de mener les vraies batailles d’intelligence économique qui nécessiteraient forcément la collision avec les intérêts économiques financiers des multinationales occidentales qui applaudissent l’Inde, pour l’opposer à la Chine, comme alternative.

Et le piège se referme sur le pays avec une frustration populaire grandissante, à cause de « la croissance économique de l’Inde exclusivement reposant de plus en plus sur une finance non réglementée », affirme Ashoka Mody.

Mais contrairement à la Chine, cette finance non réglementée de l’Inde plait à l’Occident qui peut même donner en gage le poste de Premier Ministre du Royaume Uni, comme contribuant à la campagne de séduction de l’Occident qui intègre désormais l’Inde dans toutes ses nouvelles organisations qui peuvent servir de levier contre la Chine. Mais tout cela n’est possible que parce qu’il manque à l’Inde les leçons de notre petit bateau en bois ici derrière moi.

Et la décolonisation de l’Afrique ?

La colonisation et la décolonisation ne sont pas que des mots qui peuvent s’interchanger en passant d’une époque à l’autre ou d’une décennie à l’autre ; encore moins d’une génération à l’autre. Aujourd’hui, on peut constater que la plupart des pays africains ont raté leur décolonisation, parce que la colonisation n’a jamais pris fin. Elle n’a pas pris fin, parce que l’acte de coloniser un pays, un peuple est un acte de guerre et on n’y met pas fin sans passer par un autre acte de guerre et cette guerre prend avant tout la forme d’idéologie.

Beaucoup d’intellectuels africains ont cru par erreur que dès le matin de l’indépendance, ils étaient libres et qu’ils pouvaient dès lors librement choisi leur destin.

Ce qu’ils oublient est qu’un pays comme la France qui a gouté aux plaisirs et aux privilèges de la spoliation coloniale ne va jamais y mettre fin d’elle-même. Le croire une seule seconde c’est ignorer les fondements-mêmes du capitalisme.

Histoire de ce petit bateau !

Vous vous rappelez dans la dernière leçon à Shanghai où nous étions en juillet 1921 dans un dortoir pour filles avec 15 participants à la première réunion pour la création du parti communiste chinois dont 13 chinois et deux russes ?

Comme je vous disais, lorsqu’un inconnu est entré dans la salle, ils ont pris peur qu’ils avaient été découverts par la Police coloniale française.

Ils se sont ainsi séparés de leurs camarades russes trop visibles comme étrangers, dans une Shanghai colonisée au milieu des chinois en train de faire copain-copain ! Hum, trop risqué, pour se faire arrêté ou par les britanniques ou par les français.

Alors, ils vont prendre la direction de Hangzhou, une localité à l’ouest de Shanghai.

Ici, pour faire encore plus discret, ils ne vont pas s’arrêter dans la ville, mais prendre un bateau pour se rendre sur cette île où je me trouve et dont je vous parlerai une autre fois. Et une fois arrivés ici, ils se sont installés dans ce bateau en bois, mais suivi par une corvette, pour fuir au cas où ils seraient démasqués par la police coloniale française.

Et c’est dans ce bateau que la réunion va continuer et surtout, c’est ici qu’on va adapter le nom du Parti, le Parti Communiste Chinois.

On ne se bat pas contre des colons sans se doter d’un organisme doté d’une idéologie opposée à celle des colonisateurs, des oppresseurs, des impérialistes.

Pour cela le plus important n’est pas d’arriver au pouvoir, mais d’y arriver pour durer et réaliser un vrai projet à long terme.

Nous sommes en juillet 2021. Le parti communiste chinois ne prendra le pouvoir qu’en 1949, c’est-à-dire 28 ans plus tard.

Pendant ce temps on fait quoi ?

On a parlé de quoi ?

On a mené quelles luttes prioritaires et nécessaires avant l’arrivée au pouvoir.

Retournons un instant à Shanghai avant que la Police coloniale française n’arrive.

Les 15 délégués s’étaient déjà mis d’accord sur 3 directions pour le nouveau parti :

Commission Edition, Commission Information et Commission Organisation.

Le travail de la commission Edition était celui d’éduquer la population, en traduisant tous les livres des révolutionnaires, qui devaient sortir le peuple de la passivité entretenue par le christianisme pro-coloniale et le communisme anti-colonial.

Il fallait enseigner aux Chinois l’idéologie anticoloniale. C’est-à-dire une nouvelle école, celle de la libération, celle de la liberté et de l’émancipation contre une oppression.

C’est sur ce bateau qu’on va débattre de l’idéologie : le Marxisme Léninisme.

C’est quoi la différence ?

Karl Marx est témoin de son temps. Il conçoit une idéologie en combinant ensemble les trois courants de pensée hégémoniques en son temps et appartenant aux 3 pays qui dominaient la scène internationale de l’époque : la philosophie allemande, l’économie politique britannique et le socialisme français issu de la Révolution française. Il propose que les prolétaires s’allient aux bourgeois pour renverser l’aristocratie.

Commençons par ce que Karl Marx a tiré de la Philosophie Allemande : Hegel, Kant etc.

Nous verrons dans la prochaine leçon, pourquoi le colonisé ne doit pas débuter à combattre son colonisateur sans avoir pris le temps de bien comprendre la philosophie qui a forgé le désir de domination du colonisateur.

Karl Marx part de « la dialectique du maître et de l’esclave » développée par Hegel pour mettre en garde le plus démuni du rapport du dominé et du dominant qui existe entre lui et autrui, tant qu’il ne prend pas conscience que c’est cela le « désir » d’exister et d’être reconnu qui caractérise l’humain.

Dans la prochaine leçon sur la suite de mon voyage au coeur de l’histoire de la naissance du Parti Communiste Chinois, nous verrons comment Lénine va plus loin pour nous dire que jamais le colonisateur ne sera jamais l’ami du colonisé, car c’est naturel que le capitalisme ait son évolution finale vers l’impérialisme. Et pour le colonisateur, l’Empire est un signe de réussite et non d’échec. Pour le colonisateur, son empire colonial pour la soumission et la spoliation de l’autre est un motif d’orgueil et de fierté et non de honte, de pudeur, d’embarras ou de culpabilité, comme le croirait la victime, le colonisé.

Nous verrons aussi, pourquoi les intellectuels chinois rompus à l’idéologie de Lenine ne font pas de bruit comme les intellectuels africains, pour ne pas sombrer dans la catégorie peu enviable réactionnaires qui ne sont selon Mao que des tigres de papier et que moi j’appelle les chiens sans dent dont personne n’a peur, parce qu’ils ne peuvent pas mordre.

Nous verrons comment Lénine classe les intellectuels en deux catégories : ceux qui étudient pour eux-mêmes et leur carrière personnelle et les vrais intellectuels qui à la fin de leurs études rentrent dans leurs pays pour transformer l’enfer en paradis.

Et Comme le gouvernement chinois suit l’idéologie de Lénine, offre des bourses d’études aux Africains. Ces bourses d’étude deviennent pourtant l’objet d’incompréhension idéologique entre la Chine et certains étudiants africains bénéficiaires, qui à la fin de leurs études en Chine, ne veulent pas rentrer en Afrique donner leur contribution à la prospérité de leurs pays, et ne comprennent pas pourquoi la Chine met fin à leur titre de séjour en Chine à la fin de leurs études.

Certains mécontents, choisissent de continuer vers l’Occident où ils seront des salariés à vie, très souvent au plus bas de l’échelle sociale.

A suivre…

sur www.pougala.net

Jean-Paul Pougala

Mercredi le 06 Septembre 2023

Related Posts