

(édito)
Dans le contexte social actuel au Cameroun, personne n’est en mesure de faire un diagnostic complet
de l’état de la nation. Ce qui frappe aux yeux du visiteur est l’état de délabrement total des
infrastructures, l’indiscipline civique, la pauvreté galopante et le désespoir du citoyen marqués par la
renonciation. Ce référentiel suffit à lui seul de tirer des conclusions, certes non exhaustives, d’une fin de
règne calamiteuse et un juste aperçu d’un pays abandonné à lui-même.
Sans chercher à pénétrer dans les méandres du désordre actuel, un constat frappant et récurrent
interpelle les autorités. Qu’ont-ils fait de notre beau pays ? Ce questionnement nous entraine
inéluctablement vers une étude de l’existant. Le constat est sévère. Le pays manque de tout et le pouvoir
politique est incapable d’apporter des solutions aux difficultés quotidiennes du citoyen.
Les causes sont multiples. Mais le quotidien nous conduit à une galère constante :
- L’énergie est devenue une denrée rare ;
- L’eau ne se boit plus au quotidien. Elle est livrée par intermittence et elle est insalubre ;
- De nouveaux impôts impopulaires frappent sans distinction l’entreprise privée ;
- Les prix des produits alimentaires flambent ;
- La violence urbaine réduit les déplacements ;
- Le logement est hors de prix ;
- Le chômage atteint toutes les couches sociales ;
- L’apprentissage par l’école s’est dégradé, etc.
Ce constat ne tient pas compte de l’impact moral, social et psychologique du citoyen qui est livré à lui-
même. Il ne croit plus en ses dirigeants gangrenés par une corruption et un manque d’ambition
chronique.
Le Cameroun est entré dans une logique d’équilibrisme où les femmes et les hommes du pouvoir ont
perdu la raison et le respect du bien public.
Les élections présidentielles d’octobre 2025 peuvent-elles changer l’avenir d’un beau pays que tout
destinait à l’émergence ? Dans les discours en cours qui annoncent une prise de conscience collective,
des voix s’élèvent pour dénoncer la gabegie qui a mis le pays en ruine. Mais le doute s’installe aussi. En
effet, qui pour remplacer Paul Biya et pour quelles politiques ?
Les débats sur les plateaux de télévision et dans les réseaux sociaux sont louables. Paul Biya est le
principal responsable de l’incurie en place. Ces échecs peuvent-ils réveiller les esprits après quarante
ans de démagogie et de règne sans partage ? L’équation n’est pas simple. Il n’est pas facile de changer
les habitudes acquises depuis des décennies. Le citoyen a été roulé dans la « farine » et il a du mal à le
reconnaitre. Il lui est plus difficile d’entrer dans une nouvelle ère où il pourra s’exprimer et libérer enfin
ses énergies. Car il faut le reconnaitre, le citoyen lambda est agonisant et a toujours peur. Les stigmates
de la violence des forces de sécurité ont marqué tout le monde. Seule une thérapie de vache peut sortir
de l’insomnie les forces endolories pour de nouvelles aventures.
Le futur président a du pain sur la planche. Il lui faut préparer un long breuvage pour « décontaminer »
tous ceux nombreux qui ont bu la potion magique d’aliénation du système Biya et qui ne sont plus en
mesure de porter un nouveau costume.
Le bateau Biya a commencé à prendre l’eau. Les défections vont se poursuivre. Tous les rats et pique
assiettes devront rendre des comptes. Il ne suffit pas de rustine pour boucher les trous d’un navire qui
coule. Cette débandade est irréversible. Il faut penser à une succession saine avec des femmes et des
hommes dynamiques dont l’objet éminemment supérieur est de sortir le Cameroun de son costume de
perdant désabusé et ramener à la lumière les campagnes invisibilisées.
De l’échec cuisant du régime actuel dans tous les domaines à la multiplication des intimidations, le
peuple a raison d’espérer une ère nouvelle pour mettre fin à la dégradation affirmée de tous les leviers
économiques. La jeunesse résiliente voit enfin venir son heure.
L’opposition a les cartes en main. Elle peut briller de mille feux car on ne peut faire pire que le régime
des autocrates incapables de se réinventer. Cette opposition est-elle prête ? Est-elle capable de
mutualiser ses forces et vaincre le spectre de la division ?
Par Michel Lobé Etamé
Journaliste indépendant, Essayiste, romancier.