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Depuis quelques jours, la toile est inondée par une affaire de mœurs. Entre dénonciations et accusations, la Commission des droits de l’homme et les avocats au Barreau du Cameroun demandent au procureur près du tribunal de première instance de Yaoundé de s’autosaisir du dossier pour l’ouverture d’une enquête.

L’on se croirait dans un des épisodes de la série culte New York unité spéciale, mais que non !  Les événements qui sont dénoncés sur la toile ne sont pas de la fiction mais des faits réels qui se déroulent dans les villes de Douala, Yaoundé, Kribi, Buéa et Limbé. Tout est parti d’un poste de dénonciation anonyme à plus d’une soixantaine pour tenir en haleine la population camerounaise et africaine. La gravité des faits racontés anonymement pour certains, par les hommes et femmes, se présentant comme des victimes ou proches des victimes suscite, colère, émoi et désolation.

Les témoignages qui convergent tous vers Hervé Bopda, opérateur économique et Jet-setteur bien connu des arcanes de la ville de Douala. Ce dernier aurait séquestré et violé certaines filles pendant plusieurs jours, tandis que d’autres seraient tout simplement portés disparus après qu’elles aient croisées le chemin de ce présumé prédateur. Il faut dire que la divulgation quotidienne des témoignages met sur la table de discussions l’épineuse question du harcèlement sexuel et des violences faites aux femmes.

L’implication de figures importantes comme des pseudos-influenceurs ou artistes rappeurs dans ce scandale sexuel, soulève des questions non seulement sur la protection des victimes et la lutte contre l’impunité au Cameroun, mais aussi sur le phénomène des influenceurs qui tend à gagner du terrain chaque jour un peu plus dans la vie de la jeunesse africaine. Car, il faut relever que dans ces différents témoignages, les victimes ont reconnu avoir été incité ou conduit par certains influenceurs. Les jeunes rêvent d’une vie luxueuse et parfaite comme celle qui est brandie sur la toile par ces influenceurs qui sont au-devant de la scène. Ces derniers par leur renommée, attirent ces jeunes gens à qui ils font des propositions indécentes. Et parfois, ces prédateurs étant des hommes roulant carrosse, organisent des concours de beauté et prennent comme égéries ou jurys, ces influenceurs qui leur fourniront ces jeunes gens comme trophée. Tout simplement parce que le concours de beauté ou le recrutement des hôtesses n’étaient qu’un prétexte pour introduire le loup dans la bergerie.   

Si au tout début de cette affaire, les internautes étaient quelque peu sceptiques quant à la véracité des faits, aujourd’hui l’opinion publique est convaincue qu’il y a effectivement anguille sous roche. Car, à en croire les différents témoignages, cet opérateur économique ne serait que la face visible d’un immense iceberg. En complicité toujours avec des influenceurs, selon les témoignages, des opérateurs économiques, des hauts gradés du pays et les « Pinky Monkey » qui sévissent dans la ville de Buéa, il aurait bâti au cours de ces deux décennies un vaste réseau de proxénétisme avec de solides complicités aux sérails.

Si l’on a coutume de dire que la prostitution est le plus vieux métier au monde, il faut également dire que dans ce contexte, il s’agit plutôt des cas de viol, de séquestration et de menaces à main armée. D’après le dictionnaire Robert, le viol est un acte par lequel une personne force une autre à avoir des relations sexuelles avec elle par violence.

Conséquences juridiques

Le viol est une infraction à la loi pénale. Il est prévu et réprimé par l’article 296 de la loi du 12 juillet 2016 portant code pénal: “Est puni d’un emprisonnement de cinq (05) à dix (10) ans, celui qui, à l’aide de violences physiques, ou morales, contraint une personne, même pubère, à avoir des relations sexuelles.”

Qu’en est-il de l’infraction de menaces sous conditions?” Cette infraction est punie d’une peine privative de liberté comprise entre 10 jours et 03 mois. A cette sanction s’ajoute les peines pécuniaires. Dès lors, une amende allant de 5.000 Fcfa à 50.000 Fcfa est infligée à “celui qui, avec ordre ou conditions, menace autrui, même implicitement de violences ou de voie de fait.” L’alinéa 02 de cet article précise : «Si les violences ou voie de fait devaient constituer des infractions punissables de mort, ou de l’emprisonnement à vie, la peine est : a) de six (06) mois à trois (03) ans d’emprisonnement et d’une amende de dix mille (10.000) à deux cent cinquante mille (250.000) Fcfa, en cas de menaces par écrit ou par images; dans ce cas, la juridiction peut également prononcer les déchéances de l’article 30 du présent Code.”

L’infraction de détention et port d’arme est prévue et réprimée par les articles 237 et  238 de la loi du 12 juillet 2016 portant Code pénal :” (1)Est puni d’un emprisonnement de trois (03) mois à un (01) an et d’une amende de cinquante mille (50.000) Fcfa à trois cent mille Fcfa ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui, sans autorisation légalement requise, fabrique, exporte, importe, DETIENT, cède, ou vend une arme ou des munitions. (2) Les peines sont doublées en cas de port d’arme hors du domicile. (3) Est considéré comme complice, celui qui remet ces armes ou ces munitions à un tiers, sans s’assurer que ce tiers est autorisé à les détenir.”

En outre, le harcèlement sexuel, l’arrestation et séquestrations, sont des infractions prévues et réprimées respectivement par les articles 302-2, et 291 du code pénal.

Dans une vidéo en circulation sur les réseaux sociaux, sieur Bopda est célébré au travers des honneurs militaires, à lui servis par les éléments de la garde présidentielle. Cette vidéo pourrait servir d’éléments à charge contre ce dernier. A cet effet, sieur Bopda sera attrait par devant les juridictions répressives pour répondre des faits présumés d’usurpation d’un titre. Aux termes des dispositions de l’article 219 du code pénal, “Est puni d’un emprisonnement de trois (03) mois à deux (02) ans, et d’une amende de cent (100.000) à deux millions (2.000.000) Fcfa, ou de l’une de ces deux peines seulement, celui qui fait usage sans droit, d’un titre attaché à une profession, légalement réglementée, d’un diplôme officiel ou d’UNE QUALITE dont les conditions ont été fixées par l’autorité publique.”

Bien plus, dans l’hypothèse où les allégations liées aux menaces sous conditions étaient avérées, l’accusation liée à l’infraction de trafic d’influence, au moyen de cette vidéo, n’est pas à exclure. Aux termes des dispositions de l’article 161 du Code pénal, “(1)Est puni des peines de l’article 160 du présent Code, celui qui, par voies de fait, menaces, dons ou promesses, corrompt une personne ayant une influence réelle ou supposée pour obtenir de l’autorité publique ou privée, un avantage quelconque…”  L’alinéa 02 de cet article prévoit des sanctions identiques à l’égard des fonctionnaires ou agents publics rendus coupables des mêmes faits.

C’est donc au regard de ces dispositions de loi et des allégations qui étendent de la culpabilité de Hervé Bopda, mais aussi des célébrités, des artistes, des opérateurs économiques et des Hauts gradés de la sécurité nationale, que la Commission des droits de l’homme et un collectif d’avocats ont exigé l’ouverture d’une enquête judiciaire. Par ailleurs, la Comsmission a mis à la disposition du public un numéro vert pour recueillir les dénonciations des potentielles victimes. Face à cette tempête médiatique et à la multitude de dénonciation, un hashtag stop Bopda a gagné du terrain. Ralliant au passage des stars internationales comme Ayra Star et l’animateur Claudia Siar pour appeler à des actions concrètes contre le présumé coupable et ses complices.

Si jusqu’ici le gouvernement avait gardé le silence, c’est au travers d’un communiqué du ministre de la Promotion, de la femme et de la famille qu’il est sorti de sa réserve en appelant les éventuelles victimes à rompre le silence pour aider la manifestation de la vérité. Bien que la ministre de la Promotion de la femme et de la famille dise se tenir aux côtés des victimes pour leur apporter l’assistance nécessaire, la question de la prise en charge des victimes de viol au Cameroun demeure.  Parce qu’il faut dire que dans certaines familles, des jeunes filles et garçons violés vivent sous le même toit que leur bourreau. Qu’est-ce qui est fait au niveau de ce ministère pour accompagner les victimes de viol ? Quelles sont les mesures de sécurité qui ont été prises pour inciter les victimes qui craignent pour leur vie à dénoncer les sévices qu’elles ont vécu et porter plainte contre le mis en cause ? Il est donc clair, que l’affaire Bopda demeure un triste rappel des défis persistants en matière de droits de l’homme et de justice sociale au Cameroun. Car, malgré tout le tapage médiatique qui est fait autour de cette affaire, Hervé Bopda est toujours en liberté.

Carole NOUKWA, journal « Confidentiel »

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