Dieudonné YEBGA, curieux prédateurs.

(texte)

Curieux prédateurs

Par Venant Mboua

Le rejet de la candidature de Maurice Kamto par ELECAM agit comme un signal de fête chez de bien curieux prédateurs politiques. Les cris de joie non étouffés, les sourires satisfaits, les petites phrases mesquines qui circulent dans les coulisses disent tout : la bête est à terre, chacun espère en dévorer un morceau.

Premiers à exulter ne sont pas les rivaux du RDPC. Kamto devrait pourtant être leur principal obstacle : depuis 2018, il est celui qui résiste aux compromissions d’après élection, celui qu’on ne parvient pas à amadouer dans les deals nocturnes sur fond de partage de silence complice. Le voir écarté par ELECAM – une institution qu’ils tiennent fermement – leur assure un peu de répit dans leur quête d’hégémonie sans partage.

Mais la jubilation la plus énorme et la plus curieuse vient de…l’opposition. Oui, certains au SDF et au PCRN y voient une opportunité stratégique : avec Kamto hors jeu, un espace électoral se libère, des minutes précieuses de visibilité se gagnent, des marges de négociation post-électorales se dessinent. Ils savent pourtant que même en coalition, ils ne représentent pas une menace sérieuse pour le régime. Mais l’absence du MRC leur permet d’espérer une illusion d’ascension.

Pendant ce temps, les candidats venus du septentrion jouent une autre partition. Ils ne cherchent ni à remplacer Kamto, ni à le discréditer. Leur enjeu est ailleurs : rompre le lien Biya-Région du Nord, et reconstruire une légitimité politique enracinée localement. Eux seuls continuent de considérer Kamto comme un interlocuteur stratégique, qu’il soit candidat ou non.

Ce rejet de candidature est moins une défaite qu’un révélateur. Il expose la peur qu’inspire Kamto, non pour ce qu’il dit, mais pour ce qu’il incarne : un leadership politique non négociable, une vision de rupture dans un système fondé sur les arrangements entre initiés.

Dans cette jungle politique où chacun pense avoir gagné un espace, peu réalisent qu’en tentant d’abattre Kamto, c’est la crédibilité même du jeu démocratique qu’ils affaiblissent.