

(texte)
l’exemple du Dieu colonisateur au Cameroun et du Sénégal.
La civilisation d’un peuple a son fondement dans sa culture, dans sa spiritualité. Un peuple sans spiritualité est un peuple sans civilisation.
Pour justifier sa prétendue Mission Civilisatrice vers l’Afrique, l’Europe devait avant toute chose détruire ce qui fait la civilisation, ce qui fonde la fierté d’un peuple, sa spiritualité. Et une Afrique sans spiritualité devenait par conséquent, une terre sans passé, un terre sans avenir et en définitif, une terre sans horizon. Le colonisé devient comme une plante dans la nature à subir pluie et soleil sans manifester la moindre opposition.
Le sommet de la perversité de la violence coloniale européenne en Afrique est symbolisée à mes yeux, par le fait de réduire le colonisé, la victime africaine de la colonisation à un état tellement végétatif, incapable de réfléchir qu’il finit par remercier son bourreau et tous ses complices africains.
Monsieur Philippe Stevens est un citoyen belge, est né en 1937 à Quaregnon, en Belgique. Et envoyé au Cameroun à l’âge de 28 ans, en 1965, pour contribuer à la guerre engagée par l’Europe, pour la destruction d’une identité autonome africaine, de la spiritualité africaine.
Il devient évêque du diocèse de Garoua de 1995 à 2014.
c’est durant cette période qu’il écrit de Tokombéré, le 21 Février 1999 une prière que tous les camerounais doivent réciter tous les jours pour implorer Jesus d’inspirer le Pape à Rome afin qu’il nomme le premier Saint Cameroun. Le Saint Baba Simon, Baba pour Papa, Père.
Voici l’intégralité de la prière intitulée :
Prière pour obtenir la béatification de Baba Simon
Dieu, toi qui es notre Père,
tu veux rassembler tes enfants pour qu’ils participent tous à ton travail de création.
Pour cela, tu envoies aux hommes des témoins de ton amour.
Tu as choisi Simon Mpecke au milieu de ton peuple
et tu en as fait un prêtre de ton Fils.
A l’écoute de ta Parole et par amour de ses frères il a laissé sa famille
et ses amis pour annoncer la Bonne Nouvelle
dans nos montagnes du Nord-Cameroun.
Au milieu de nous il a découvert que ton Esprit
travaille au cœur de tous les hommes de bonne volonté.
Avec patience et sans compter, il a donné toute sa vie
pour que la Parole de Jésus retentisse au cœur de nos traditions.
Fais, nous t’en prions, qu’un jour l’Église toute entière
chante ta gloire en Baba Simon.
Qu’elle proclame saint et bienheureux celui qui,
avec nous et pour nous,a ouvert le chemin de la Vie Nouvelle.
Nous te le demandons par Jésus Christ, ton fils et notre frère
pour les siècles des siècles.
Mais qui est-ce Simon Mpecke ?
Mpecke est né sous l’administration coloniale allemande, en 1906 à Log Batombé, petit village situé à 4 kilomètres de la ville d’Edéa au Cameroun.
A la fin de la 1ère guerre mondiale, les allemands défaits cèdent la place aux français et aux britanniques.
Parti un colon arrive un autre, oui mais c’est plus approprié de dire : Parti un colon avec son Jesus, arrive un autre avec un autre Jesus, pour tenir et soumettre les populations. Ainsi, à la fin de la colonisation allemande du Cameroun, les « Pères Pallottins allemands », cèdent leur place aux « Pères Spiritains français ».
Le 14 août 1918, Mpecke a 12 ans, lorsqu’il est baptisé à Édéa par le père de la congrégation des « Spiritains » Louis Chevrat, qui lui donne désormais le nom de SIMON Mpecke.
SIMON Mpecke devient ainsi le premier prêtre catholique camerounais, ordonné prêtre avec pour mission principale d’utiliser Dieu, Jesus, pour plier la très longue résistance du peuple Kirdi d’abord contre l’Islam et ensuite contre la colonisation allemande, et maintenant, française.
Cette histoire démarre en 1705, en France. Le royaume de France est en pleine activité d’esclavage à travers la déportation des victimes africaines d’abord vers Nantes, Bordeaux, Dunkerques, ensuite vers l’Amérique.
Pour autoriser ce trafic odieux, le Pape à Rome a donné sa bénédiction en prétextant que les Africains n’ont pas d’âme et donc, ils peuvent être vendus et employés aux travaux champêtres comme les bœufs, comme les ânes, sans aucune distinction.
Mais à cause de nombreuses révoltes des esclaves, il faut trouver une parade pour les calmer. C’est la naissance de ce qui deviendra la Congrégation religieuse des Pères Spiritains ou du Saint-Esprit.
Le 27 mai 1703, jour de la Pentecôte, naît le séminaire du Saint-Esprit, créé par le jeune aristocrate breton, Claude Poullart des Places (1679-1709). Le but officiel affiché est celui d’assister les « Pauvres » de France, d’abord et les Pauvres des colonies ensuite.
Vous remarquerez au passage que pour ce qui est des colonies, le mot « esclave noir » est volontairement remplacé par « pauvre », pour ne pas heurter la sensibilité des généreux donateurs sollicités pour financer les razzias esclavagistes en Afrique et qui seraient choqués par les vocabulaires atroces, même si plus véridiques.
Le 2 novembre 1789, à la Révolution française, l’Assemblée Nationale française décrète que tous les biens de l’Eglise Catholique sont désormais propriété de la nation française.
Le 18 août 1792, l’Assemblée Législative post-révolution supprime les congrégations religieuses, dont celle du Saint-Esprit. Tous les biens de toutes les congrégations religieuses sont saisis, les maisons confisquées.
Les bibliothèques et les archives religieuses deviennent les « Archives Nationales ».
Le 14 février 1794 la Convention, au nom des droits de l’Homme, abolit l’esclavage dans les colonies françaises.
Mais en 1802, Napoléon Bonaparte le rétablira. Mais Napoléon 1er a besoin des religieux pour relancer l’esclavage et la colonisation. Il va revenir sur l’expropriation de l’Eglise notamment à travers son décret impérial, le 2 germinal an XIII (23 mars 1805). L’ordonnance royale du 3 février 1816 re-donne tous les droits à la congrégation du Saint-Esprit et surtout lui donne mandat de : « recruter et former le clergé colonial ».
C’est à ce titre que Napoléon lui redonne son ancien siège historique situé à la rue des Postes à Paris.
La Congrégation du Saint-Esprit devient ainsi le principal centre d’où partiront les missionnaires catholiques pour toutes les colonies françaises.
Parmi ces missionnaires, un nom nous intéresse : Libermann.
Jacob Libermann est né le 12 avril 1802 et décédé le 2 février 1852. C’est un juif converti au catholicisme, il devient : François Paul Marie Libermann. Prêtre du diocèse de Strasbourg, il est fondateur de deux congrégations religieuses missionnaires pour l’évangélisation de l’Afrique, la Société du Saint-Cœur de Marie et la Congrégation du Saint-Esprit.
Jacob devenu François Libermann, est le fils du rabbin de Saverne (en Alsace, en France), et sera rejeté par son père rabbin à cause de sa conversion au catholicisme. C’est pour cela qu’il ne devient Prêtre que l’année de la mort de son père.
Parallèle à la Congrégation des Pères Spiritains, il fonde sa propre congrégation, la société du Saint-Cœur de Marie, exclusivement destinée à neutraliser la rébellion des Noirs d’Afrique et des esclaves devenus libres dans les îles de Saint-Domingue (Haïti) et Bourbon (La Réunion).
La technique de manipulation des victimes africaines de la colonisation française se résume en un seul mot : l’hypocrisie ! Pour Libermann, il faut faire croire aux africains qu’on les adore, qu’on aime leur culture, qu’on aime leurs dieux, mieux encore que les blancs sont leurs serviteurs, leurs esclaves.
Il suggère à ses missionnaires envoyés en Afrique ni plus ni moins que de « devenir Nègres parmi les Nègres ». Ou plus précisément, voici ce que dit la phrase de sa lettre adressée à ses prêtres au Sénégal et au Gabon le 19 novembre 1847 :
“Soyez nègres avec les nègres afin de les gagner à Jésus-Christ.”
« Faites-vous Nègres avec les Nègres pour les former comme ils le doivent être, non à la façon de l’Europe, mais laissez-leur ce qui leur est propre; faites-vous à eux comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres… »
Voici en détail la lettre pleine de condescendance et de paternalisme sur les africains comme des mineures qu’on sauve de leur barbarie animalière :
« Ne jugez pas au premier coup d’œil, ne jugez pas d’après ce que vous avez vu en Europe, d’après ce à quoi vous avez été habitués en Europe ; dépouillez-vous de l ‘Europe, de ses mœurs, de son esprit ; faites-vous nègres avec les nègres, et vous les jugerez comme ils doivent être jugés ; faites-vous nègres avec les nègres pour les former comme ils le doivent être, non à la façon de l’Europe, mais laissez-leur ce qui leur est propre ; faites-vous à eux comme des serviteurs doivent se faire à leurs maîtres, aux usages, au genre et aux habitudes de leurs maîtres, et cela pour les perfectionner, les sanctifier, les relever de la bassesse et en faire peu à peu, à la longue, un peuple de Dieu. C’est ce que saint Paul appelle se faire tout à tous, afin de les gagner tous à Jésus-Christ.»
Oui, vous avez bien lu, il faut « pour les perfectionner, les sanctifier, les relever de la bassesse et en faire peu à peu, à la longue, un peuple de Dieu ».
Il faut les relever de leur bassesse, parce que leur nature est une nature proche de l’animale, leurs divinités sont des divinités sans valeur. Heureusement qu’il a dit de ne pas juger les africains, mais il a déjà décidé vers où il faut les conduire.
Mais qu’en pense un intellectuel africain qui est passé par ce système de l’école coloniale version Saint-Esprit ? L’académicien français et président du Sénégal, Léopold Sédar Senghor ?
Il s’exprime dans la préface du livre : « Libermann 1802-1852, une pensée et une mystique missionnaires » de : Paul Coulon et Paule Brasseur, paru le 20/06/1988 aux éditions : Cerf
Voici ce qu’il écrit pour justifier la condescendance de Libermann :
« En somme, ce que demande Libermann à ses missionnaires, partis dans les colonies d’Afrique noire, c’est de se faire colonisés avec les colonisés, plus concrètement, « nègres avec les nègres ». Mais surtout, qu ‘on ne s ‘y trompe pas, Libermann ne met rien de péjoratif dans le mot. Il précise, en effet, que les missionnaires « doivent se faire à leurs maîtres, aux usages et aux habitudes de leurs maîtres », à leur « négritude », comme nous disons aujourd’hui. Mais, passant des civilisations terrestres, laïques, aux civilisations célestes, du moins chrétiennes, Libermann conseille de « perfectionner », « sanctifier » et « relever de la bassesse » la civilisation négro-africaine. »
Pour Senghor, il est d’accord avec Libermann qu’il faut :
« relever de la bassesse » la civilisation négro-africaine. »
Amen !
CONCLUSION PARTIELLE
Senghor est le résultat de ce que recherchait Napoléon : un nouvel être africain qui renonce à être lui-même pour espérer devenir le clone du français modèle, catholique. Senghor, comme Baba Simon, Jean-Marc Ela au Cameroun, sont tous des fruits du formatage voulu par Napoléon 1er, qui a du mal à comprendre pourquoi on a aboli l’économie esclavagiste des européens contre les africains.
L’Africain de Napoléon doit être en quête perpétuelle de la civilisation chrétienne européenne. Devenir chrétien, doit devenir pour lui un point d’arrivée, un accomplissement, d’achèvement, de réussite.
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EVANGILE SELON SAINT POUGALA
Jean-Paul Pougala
Vendredi le 20/11/2020
(Evangile republié dimanche le 03/08/2025)