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« Le politique ne travaille pas pour le peuple, mais pour sa famille, ses amis, ses intérêts. Le discours public n’est qu’un voile. »
Vilfredo Pareto, dans son livre “Traité de sociologie générale” publié en Italie en 1916.
En ce moment, depuis le mois de mai 2024, en Russie, en guerre contre l’Otan en Ukraine, depuis presque quatre ans, ce sont les économistes qui dirigent le ministère de la défense et non les militaires.
Andreï Belooussov, remplaçant Sergueï Choigou à la tête du ministère de la défense, est un économiste. Il est aidé par un autre économiste comme lui, Oleg Saveliev, au poste de ministre adjoint. Il était ministre adjoint du Développement économique il y a une dizaine d’années, et il était avant cette nomination, à la Cour des comptes de la Fédération de Russie.
Question : Pourquoi nommer des économistes à la tête du ministère de la défense au lieu de militaires alors que le pays est en guerre ?
Réponse : La guerre, comme les hôpitaux, les écoles, les routes, la police est avant tout, une question des économistes. Pour bien mener la guerre, construire et gérer les routes, les hôpitaux, les écoles, vous avez besoin des économistes pour coordonner la machine industrielle de la Défense, des hôpitaux, des écoles qui fonctionnent sur commande publique. Surtout parce que les ressources à disposition sont limitées alors que les besoins sont illimités. C’est pour cela que le président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, pour justifier ce choix de remplacer les militaires par les économistes au ministère de la défense, avait dit qu’il fallait “trouver l’équilibre entre les armes et le beurre”.
Andreï Belooussov, ministre de la Défense sert surtout pour renforcer l’efficacité économique et l’innovation dans la conduite de la guerre, plutôt que de privilégier une approche strictement militaire. Ce choix reflète une volonté d’optimiser les ressources et d’intégrer davantage le complexe militaro-industriel dans la stratégie globale.
Au numéro 4 de via Pascoli à Pérouse en Italie, le bâtiment où je suis allé à l’école en Italie abritait deux facultés : en entrant, à gauche la faculté de Sciences Politiques et à Droite, la faculté d’économie et Commerce où j’ai bénéficié pendant des années.
Le premier jour du cours appelé Science des Finances traitant des finances publiques, le professeur a tenu un discours d’introduction qui m’est resté mémorable jusqu’aujourd’hui, près de 40 ans plus tard.
Pour introduire sa leçon, il nous a dit : en face de nous, sur la forme des politiciens. Ce sont ceux qui font des promesses électorales, sans jamais tenir compte des moyens qui manquent pour les réaliser. Et ici nous formons les économistes qui vont tempérer les ardeurs des politiciens.
En face, on forme les politiciens de demain qui vont promettre d’offrir des hôpitaux gratuits à tous les citoyens, des autoroutes sans péage, des écoles gratuites à tous les enfants. Et ici nous vous formons, pour trouver les ressources, qui vont servir pour offrir non pas les hôpitaux gratuits, mais les centres de santé fonctionnels et qui tiennent debout sur le long terme, parce que l’équilibre budgétaire est atteint. Ici, nous formons les économistes non pas qui diront aux politiciens où trouver l’argent pour offrir l’autoroute sans péage, mais qui expliqueront aux politiciens, que développer le train pour transporter l’essentiel des marchandises, c’est supprimer les camions de la route, et supprimer les camions de la route, c’est réduire les coûts d’entretien de la route, et donc, réduire le montant des péages routiers.
Mais pour y arriver, il fallait entrer dans la psychologie des politiciens et anticiper les demandes les plus impensables qu’ils feront aux économistes.
Nous avons ainsi étudié plusieurs penseurs italiens qui ont inventé la discipline moderne des finances publiques.
Il s’agit de Antonio De Viti De Marco dont nous parlerons une autre fois, mais surtout de Vilfredo Pareto qui fait l’objet de la leçon d’aujourd’hui.
Vilfredo Pareto, dit Wilfried Fritz Pareto à la naissance, est né le 15 juillet 1848 à Paris (son père un exilé politique de la guerre pour l’unité d’Italie) et mort le 19 août 1923 à Céligny (Suisse), était un sociologue et économiste italien. Il a enseigné l’économie à l’École polytechnique de Turin en Italie et à HEC Lausanne en Suisse.
Il a influencé les économistes contemporains comme Joseph Schumpeter, Alfred Marshall, ce dernier à son tour a influencé John Maynard Keynes.
La théorie développée par Pareto est un conseil donné à tous les économistes qui conseillent les politiciens dans un système dit démocratique libéral :
Avant toute chose, Pareto dit que le politique agit d’abord pour sa famille plutôt que pour le peuple. Ensuite, le discours pour le peuple n’est qu’une manière de rendre l’objectif plus romantique, plus acceptable moralement.
Pour expliquer sa théorie, il en donne quatre motivations :
- Théorie des actions non logiques
Pareto distingue les actions logiques (rationnelles, fondées sur des faits) des actions non logiques (motivées par émotions, traditions, intérêts personnels). Il affirme que la majorité des actions humaines, y compris politiques, ne sont pas logiques. Pour cette raison, le politicien peut rationaliser ses décisions comme étant « pour le peuple, mais en réalité elles servent des intérêts privés : sa famille, ses alliés, son statut.
- Critique du discours politique
Pareto est sceptique face aux justifications morales ou idéologiques des politiciens. Il pense que les discours sur le bien commun ou la justice sociale sont souvent des résidus (des justifications superficielles) pour masquer en réalité des intérêts concrets, mais pas ceux du peuple.
- Circulation des élites
Selon lui, les élites politiques ne servent pas éternellement le peuple : elles cherchent en priorité à préserver leur pouvoir, à rester le plus possible au pouvoir, très souvent en favorisant leur entourage. Quand une élite devient trop corrompue, impopulaire ou inefficace, elle est remplacée par une autre, mais le mécanisme reste le même. Car le système politique dit de démocratie libérale en son sein un système très efficace de régénération des élites. Il n’y a jamais de vide qui dure longtemps.
- Vision réaliste (voire cynique) de la politique
Pareto adopte une posture anti-idéaliste : il ne croit pas que les politiciens soient guidés par l’altruisme. Il écrit que les hommes politiques agissent comme tout autre individu : pour leur propre avantage, et celui de leur cercle le plus proche, qu’on peut reprendre en Afrique, en clan tribal, cercle ethnique.
Il conclut sa pensée avec une phrase devenue célèbre :
« Le politique ne travaille pas pour le peuple, mais pour sa famille, ses amis, ses intérêts. Le discours public n’est qu’un voile. »
Un exemple en littérature : le livre intitulé : “La Ferme des animaux” de George Orwell dont je vous ai déjà parlé dans le passé.
Rappel :
Les animaux contestent le gouvernement des humains et finissent par faire une révolution qui réussit, puisqu’ils renversent les humains pour créer une société égalitaire. Mais dans cette nouvelle société, les cochons, censés représenter les dirigeants révolutionnaires, finissent par accaparer le pouvoir et vivre dans le luxe, trahissant les initiaux concernés.
Question : C’est quoi le lien avec la théorie de Pareto ?
Réponse : L’auteur du roman, Orwell montre que dans le système démocratique, même les coups d’État, les révolutions finissent par produire de nouvelles élites, qui agissent pour elles-mêmes. Cela a traduit la fameuse troisième théorie de Pareto, celle sur la circulation des élites chères à Pareto qui peut se résumer ainsi : les noms changent, mais les mécanismes restent les mêmes.
En conclusion, pour Pareto, si les politiciens agissent avant tout pour leur famille ou leur entourage, cela remet en question l’idéal démocratique.
Et si l’idéal démocratique est remis en question, c’est à l’économiste d’être particulièrement rigoureux pour tempérer toutes les bonnes intentions que le politicien présentera comme pour le bien du peuple. Dans le discours démocratique, la notion de « bien commun » n’est très souvent qu’un simple masque rhétorique.
La conclusion de tout ce qui précède est ce qui va prendre le nom en fiscalité de “Principe de Pareto” ou “optimum de Pareto”.
De quoi s’agit-il ?
Puisque nous savons que si un politicien lance la construction d’une route, c’est avant tout pour donner un marché public à sa famille ou à ses amis, il ne faut pas l’encourager pour endetter les générations futures soi-disant pour le bien du peuple. Il ne faut plus non plus taxer le peuple, sous prétexte de le faire pour son bien, parce qu’il y aura une route qui sera construite.
Il faut donc réaliser trouver les mécanismes pour imposer une fiscalité permettant de trouver l’argent pour construire la route, sans que l’amélioration de la qualité de vie que cela va acheter ne lèse outre mesure ceux qui cont payent les impots pour cette. C’est cel’optimum de Pareto.
Le principe de Pareto, est donc, un concept d’économie selon lequel une allocation est optimale si aucune n’est possible sans qu’au moins une personne soit lésée.
Appliqué à la fiscalité, cela signifie que l’économiste doit :
1) Minimiser les distorsions économiques : éviter que les impôts ne découragent le travail, l’investissement ou l’innovation. Si cela ne dépendait que des politiciens, il devrait taxer tout le monde tous les jours. Mais l’économiste contrôle des modèles économiques qui montre que si on décourage avec l’impôt les travailleurs, les investisseurs ou la recherche et l’innovation, cela n’aura servi à rien. Puisqu’on sait que mathématiquement, le montant de l’impôt qu’on va encaisser au bout d’un certain temps sera inférieur à ce qu’on espérait.
2) Maximiser le bien-être collectif : redistribuer les ressources sans pénaliser excessivement les plus productifs. Pareto explique que l’état encaisse beaucoup d’impot lorsque les citoyens sont convaincus que c’est utile, parce qu’ils comprennent ce qu’on fait concrètement de leur argent. Si les citoyens ont l’impression que leur contribution à l’impôt servira uniquement à la famille des politiciens et non à l’intérêt général, ils vont multiplier mille stratagèmes pour ne pas payer les impôts et c’est l’État qui en sortira perdant, même en multipliant le nombre des inspecteurs sur le terrain.
3) Simplifier les règles : un système fiscal clair réduit les coûts de conformité et les risques d’évasion. Pour embrouiller les citoyens et leur cacher la destination finale des impots, les politiciens ont une fâcheuse tendance à complexifier les lois fiscales, au point où il faut nécessairement recourir à un spécialiste qu’il faut payer si on veut être en règle avec les impôts. Pareto explique que c’est une arme à double tranchant. Car plus le système fiscal est compliqué et plus ces spécialistes vont trouver des parades, à conseiller aux citoyens pour contourner les impôts.
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Jean-Paul Pougala
Mardi 7 octobre 2025