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Puissance Maritime de l’Occident contre Puissance Terrestre et Spatiale de la Russie et de la Chine, Ou Quand dans le Pacifique la Chine dame le pion aux Etats-Unis, empêtrés en Ukraine

A travers ses deux principaux ouvrages, “The Influence of Sea Power upon History” traduit en français en 1900 par le capitaine de vaisseau français, Boisse, avec le titre : « L’influence de la puissance maritime dans l’histoire – 1660-1783 » et “The Influence of Sea Power upon the French Revolution and Empire”, l’amiral Américain Alfred Mahan (1840-1914) apporte la preuve du fait qu’une flotte maritime puissante reste à l’époque moderne, l’élément décisif dans les rapports de force internationaux.

Ce qui a fortement contribué à façonner une conception occidentale de la vraie puissance des Nations qui ne peut être que maritime. D’où l’utilité, de priver la Russie de l’accès à la mer, pour réduire sa puissance et empêcher la Chine de se déployer en Mer de Chine, pour espérer stopper sa montée en gamme, pour devenir une puissance globale.

Dans son premier des deux livres, Alfred Mahan fait la différence entre « Puissance maritime » et « maîtrise des mers » qui pour lui, sont deux notions très différentes. Selon Mahan, ‘’le terme de « seapower » a un sens très général qui couvre tout ce qui fait la force et la richesse d’une nation sur la mer, que les moyens soient civils ou militaires’’.

Alors que ‘’la maîtrise de la mer (en anglais : « Command of the Sea », « Mastery of the Sea », ou en américain : « Sea Control ») n’est que la possibilité, pour une nation, d’utiliser la mer à son profit, même localement et temporairement, tout en déniant cet usage à son adversaire’’.

« Utiliser la mer à son profit, tout en déniant cet usage à son adversaire » !

C’est la théorie de Mahan qui est le fil conducteur des Occidentaux dans leurs relations contre la Chine et contre la Russie. La France est libre de posséder des territoires à des milliers de km de l’Europe, en Polynésie ou en Nouvelle Calédonie, mais pas la Chine, avec Taiwan qui est son propre territoire, tout simplement pour nier à cette Chine, tout ce qui peut lui concéder une puissance maritime.

C’est la même situation, pour la guerre en Ukraine.
Observez bien que jamais les Occidentaux ne disent qu’ils vont aider l’Ukraine pour gagner la guerre contre la Russie, mais toujours la même rhétorique : « empêcher la Russie de gagner ».
En d’autres mots, ce qui compte n’est pas en soi le sort de l’Ukraine, mais le jeu de rôle de puissance que l’occident veut nier à la Russie.

Hier dimanche 17 mars 2024, en Russie même, le peuple approuve la politique de Vladimir Poutine et lui donne sa confiance avec un score de près de 90% (87,97%) de vote pour le réélire au poste de Président de la Fédération de Russie.

C’est parce que cette population est consciente des enjeux et de l’humiliation que l’Occident veut infliger à leur pays. Ce score de 10 points de plus qu’il y a 6 ans, est sans détour, l’adhésion de la population russe au bras de fer imposé par l’Occident à la Russie, pour l’empêcher de se projeter comme une puissance globale au delà des mers, en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud.

John Mearsheimer, né le 14 décembre 1947 à New York, est professeur de relations internationales à l’Université de Chicago aux Etats-Unis. Il appartient à l’école de pensée dite “réaliste”.

Il publie dans le très prestigieux mensuel français « Le Monde Diplomatique » du mois d’Août 2023, avec le titre :
“Pourquoi les grandes puissances se font la guerre ?”

Sous-titre : “À en croire les discours dominants, la politique étrangère occidentale consisterait à exporter la démocratie libérale et le droit dans le reste du monde. Or les rapports entre puissances obéissent moins aux idéaux qu’à des considérations stratégiques”.

Il y a une mention qui non seulement a attiré mon attention sur cette analyse, mais qui m’a même temps intrigué. En effet, le mensuel français précède l’analyse de John Mearsheimer, d’un avertissement pas du tout habituel dans la profession journalistique en Europe, surtout venant d’un journal officiel, lu par les plus grands dirigeants.

Et cet avertissement c’est :

“Une analyse censurée par les médias européens”

Qu’est-ce que le professeur John Mearsheimer a donc pu dire de si grave pour être censuré par les médias européens ?

Alors le découvrir dans l’introduction même de son analyse, nous expliquant pourquoi, loin des déclarations officielles, les grandes puissances se font la guerre.

John Mearsheimer écrit :

“Les changements intervenus dans la politique internationale ces dernières années ont marqué une dégradation de la position de l’Occident. Que s’est-il passé ? Où va-t-on ? Répondre à ces questions réclame une théorie des relations internationales qui donne du sens à un monde chaotique et incertain, un cadre général permettant d’expliquer pourquoi les États agissent comme ils le font.

La théorie dite du « réalisme » constitue le meilleur outil disponible pour comprendre la politique internationale. Quels sont ses postulats ? Les États coexistent dans un monde dépourvu d’une autorité suprême capable de les protéger les uns des autres. Cette situation les contraint à prêter attention à l’évolution des rapports de forces, car la moindre faiblesse peut les rendre vulnérables. Être en concurrence sur l’échiquier des pouvoirs ne les empêche pas cependant de coopérer lorsque leurs intérêts sont compatibles.

Toutefois, de manière générale, les relations entre États — et plus particulièrement entre grandes puissances — sont fondamentalement assujetties au principe de compétition. Dans la théorie du réalisme, la guerre représente un instrument de gouvernance parmi d’autres, auquel les États recourent pour consolider leur position stratégique. Ainsi s’explique la fameuse formule de Carl von Clausewitz sur la guerre, « simple continuation de la politique par d’autres moyens »”.

L’Occident est cette équipe qui durant un match de football, a marqué un but à la première mi-temps, mais lorsque l’arbitre a sifflé la fin de cette première mi-temps, s’est tellement mise à célébrer son but qu’elle a oublié qu’en réalité, le match n’était pas terminé.

Et lorsque l’arbitre revient sur le terrain et siffle pour la reprise de la deuxième mi-temps, il prend la balle, la confisque et refuse de jouer en accusant l’équipe adverse de tricher et prétend qu’elle devrait reconnaitre sa défaite.

L’Occident a tout simplement oublié qu’entre grandes puissances la compétition ne finit jamais, comme avec les nations faibles.

Une fois que la France a battu le Cameroun, dans la guerre pour l’indépendance, les Camerounais ont fait profil bas et se sont rangés derrière la domination perpétuelle de la France sur le Cameroun. Mais à la fin de la première mi-temps avec la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’Union Soviétique, les pays Occidentaux conduits par les Etats-Unis, ont traité la Russie comme s’ils avaient à faire au Cameroun, à la Libye ou à la Syrie. Ils ont oublié qu’ils avaient à faire à une grande puissance, avec qui, dit John Mearsheimer, la compétition ne se termine jamais, pire, la deuxième mi-temps du match avec la Russie a à peine commencé le 24 février 2022 en Ukraine.

Et cette fois-ci, la Russie ouvre un nouveau front et impose un nouveau grade de puissance, le spatial, lorsque les concurrents américains n’ont plus la capacité ni d’envoyer un homme dans l’espace, encore moins de placer des satellites en orbites par ses propres moyens.

Dans cette deuxième mi-temps, le peuple russe vient d’accorder sa confiance à Poutine pour un nouveau mandat de 6 ans à la fin duquel, Poutine né le 7 octobre 1952 a aujourd’hui 71 ans, aura 77 ans, c’est-à-dire que dans 6 ans, il aura l’âge actuel de Donald Trump, l’âge auquel, il est en train de postuler pour devenir président des Etats-Unis.

Donc, dans 6 ans, Poutine aura l’âge actuel de Trump et pourra prétendre à un nouveau mandat de 6 ans encore. Avec son score de près de 90% aux élections d’hier dimanche 17/03/2024, Vladimir Poutine peut théoriquement rester au Kremlin jusqu’en 2036. Je ne vois pas par quel miracle, il peut dégringoler de 87,97% à moins de 50% lors des prochaines élections présidentielles en Russie.

Cela veut dire qu’il a aujourd’hui en théorie, 12 ans devant lui, pour jouer la fameuse deuxième mi-temps. Alors qu’en face, aucun de ceux qui avaient fêté à la fin de la première mi-temps ne sera plus là. C’est une des faiblesse du modèle démocratique occidental dans la compétition avec la Russie et la Chine.

C’est dans ce contexte que jeudi 14 mars 2024, se tenait au Kremlin, siège de la présidence de Fédération de Russie, en présence du président Vladimir Poutine, un conseil des ministres du gouvernement russe pas comme les autres.

Selon l’agence d’information russe Interfax, à prendre la parole, c’est le vice-Premier ministre et ministre russe de l’industrie et du commerce, Denis Manturov, qui fait un discours pour présenter à Poutine, le futur de ce que sera l’industrie russe dans 10, 20, 30 ans.

Manturov s’adresse à Poutine et dit :

“Чтобы укреплять наш суверенитет в этой сфере, по вашему поручению формируется новый национальный проект. Из его основных направлений хотел бы отметить разработку и производство перспективных ракетоносителей, в том числе, многоразового использования, создание транспортных модулей на основе ядерной энергетической установки и, конечно, строительство российской орбитальной станции”.

(Afin de renforcer notre souveraineté dans ce domaine, sur vos instructions, un nouveau projet national est en train de se constituer. Parmi ses principales orientations, je voudrais noter le développement et la production de lanceurs prometteurs, notamment réutilisables, la création de moyens de transport des modules basés sur une centrale nucléaire et, bien sûr, la construction d’une nouvelle station orbitale russe)

Selon toujours Interfax, le président de la Fédération de Russie Vladimir Poutine a complété les propos de son ministre de l’industrie Denis Manturov en disant :

“Вы сейчас упомянули о некоторых направлениях, в которых у нас есть хорошие компетенции и, больше того, даже есть такие заделы, которыми мы можем гордиться, на которые мы можем рассчитывать в будущем. Например, ядерная энергетическая установка, о которой вы упомянули, для работы в космосе”.

(“Vous venez de mentionner certains domaines dans lesquels nous avons de bonnes compétences et, en outre, nous avons même des bases dont nous pouvons être fiers et sur lesquelles nous pouvons compter à l’avenir. Par exemple, la centrale nucléaire que vous avez mentionnée pour ces travaux dans l’espace”).

Avant d’ajouter :

“Финансировать нужно вовремя”.
(« Nous devons le financer à temps. »)
Source : https://www.interfax.ru/russia/950470

Cette réunion de l’ensemble du gouvernement russe, sur l’espace peut sembler anodine, mais, c’est l’épilogue de l’opération militaire spéciale en Ukraine qui vise essentiellement à rétablir et compléter la puissance terrestre russe par sa puissance maritime retrouvée et là où personne ne les attendait, la puissance spatiale retrouvée aussi, mais cette-coi, d’un nouveau genre, d’une vitesse et d’une envergure plus stratosphérique.

Quand le président Poutine affirme et complète son ministre en disant :

“Nous savons tous que nous avons des compétences que d’autres pays ne possèdent pas, mais nous devons y prêter une attention particulière afin qu’elles se développent et puissent être utilisées à l’avenir pour résoudre les problèmes qui se posent, peuvent et doivent être résolus avec l’aide de ces technologies”

« Nous avons des compétences que d’autres pays ne possèdent pas » !

Et ce sont ces pays qui veulent nous primer de la puissance maritime, mais nous allons leur montrer qu’on peut devenir plus d’une puissance maritime, une puissance spatiale, en construisant une centrale nucléaire sur la lune.

Là, le président de la Fédération de Russie, ne parle pas seulement à ses ministres, mais à l’occident, pour leur dire que la page de l’Ukraine est déjà tournée et que la Russie est déjà passée à autre chose de beaucoup plus grand que les Américains ne possèdent pas, la compétence pour la conquête spatiale.
Privée par l’Occident de la puissance maritime, la Russie affirme qu’elle est de retour, pour se désenclaver et s’affirmer là où ses concurrents ont des lacunes, l’espace.

Grace à cette réplique, Poutine relègue la puissance maritime, à quand elle a commencé, au 19ème siècle et fixe la barre du 21ème siècle suffisamment haute pour tout prochain prétendant à la puissance globale, passer désormais de la puissance maritime à la puissance spatiale.

COMMENT EN EST-ON ARRIVE LA ?

Si je vous demande le nom d’un port russe, la plupart d’entre vous serez incapables de me le donner. Alors que tout le monde peut dire que l’Ukraine a un port, c’est celui d’Odessa.

C’est parce qu’après l’effacement de l’Union Soviétique, l’objectif des Etats-Unis était de priver la Russie de ce qui donne et complète la puissance, la mer. La Russie avait beau être un pays aussi grand avec ses 17 millions de km2, mais sans véritable accès à la mer, sans un vrai port en eau profonde, elle ne serait jamais une puissance maritime.

Le vrai triomphe des Etats-Unis sur le Russie a été d’avoir réussi l’impensable : faire de la Russie une petite puissance territoriale et non plus maritime, en la privant de ses meilleurs ports dans les pays Baltes, en Ukraine, sans oublier en Géorgie.

La guerre en Ukraine est avant tout, une guerre pour corriger une anomalie, celle de redonner à la Russie, son accès à la mer à travers des vrais port en eau profonde.

Pourquoi la puissance maritime est-elle plus importante que la puissance terrestre ?

Si un grand pays comme la Chine est devenue une colonie des pays aussi petits que le Portugal, le Royaume Uni ou la France, c’est parce qu’elle s’était limitée à être une puissance terrestre et jamais maritime, même si c’est elle qui invente le système de navigation maritime pour faire des longues distances.

Le défaut de projection maritime de la puissance chinoise jusqu’au 19ème siècle l’a fragilisée et a fait d’elle une puissance moyenne, en dessous des minuscules pays européens, mais maritimes, comme le Portugal, capable de lui imposer un rapport de force défavorable, comme la colonisation de Macao.

Si le minuscule Portugal, 104 fois plus petite que la Chine, avec une superficie d’à peine 92 152 km² et 840 km de cotes a pu obliger la Grande Chine, avec une superficie de 9,60 millions de km2 et ses côtes longues de 18 000 km, c’est parce que ces 18.000 km de cotes chinoises n’étaient pas projectées sur la mer pour posséder une puissance maritime.

A la fin de l’Union Soviétique, les stratèges Américains, britanniques et français ont mis la nouvelle Russie, dans la même situation de faiblesse que la Chine du début du 19ème siècle, une puissance terrestre, mais pas maritime et donc, une puissance moyenne.
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Jean-Paul Pougala

Lundi le 18/03/2024

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