Ruée vers le Niger.

Ballet diplomatique à Niamey. Personnalités civiles et militaires s’y succèdent. Palaces, palais et les ministères bruissent d’intrigues. Nombre de nos concitoyens, plus attentifs aux aux décors fastueux, aux qualités et grades de nos hôtes, qu’aux enjeux cruciaux des pourparlers, magnifient la politique étrangère du Niger et chantent ses succès éclatants. Otto von Bismarck, le Chancelier allemand et ses partisans, Alphonse Chodron de Courcel, ambassadeur de France, coorganisateur de la Conférence de Berlin et les siens, étaient fort probablement dans le même état d’esprit, lorsqu’à la fin du 19e siècle les délégués venus de quatorze pays prirent leurs quartiers à Berlin en attendant de fixer les règles de l’occupation du continent.Berlin, avec son palais Radziwill qui abrita pendant quatre mois, les travaux, n’est pas seulement la capitale de l’Allemagne, elle est aussi la ville symbole du partage de l’Afrique. Niamey n’est pas seulement la capitale du Niger, elle est aussi la métropole africaine, le point de ralliement et l’alliée des vielles hégémonies contre lesquelles le continent épris de liberté se dresse.La procession dont nous sommes les témoins, est la continuation d’une politique étrangère initiée dès 2010. Les pouvoirs qui se sont succédé à Niamey accueillent ou installent sur le sol nigérien d’anciennes puissances coloniales en quête de régénération et des forces voraces poursuivant des proies, dans un enchevêtrement de néocolonialisme, de colonisation et de recolonisation.Niamey est un relais. Entendons le terme dans son sens ancien, c’est-à-dire, comme le lieu, sur un parcours, un chemin ou une route, où l’on change les chevaux fatigués par de nouveaux chevaux.La route, le parcours ou le chemin est celui de l’annexion de l’Afrique. Les chevaux toutes catégories confondues représentent les pays signataires de l’Acte final de la Conférence de Berlin, tenue du 15 novembre 1884 au 26 février 1885, au palais Randziwill. Les chevaux fatigués sont les pays européens qui, après la conférence, ont fondé des colonies en Afrique. Les chevreaux nouveaux sont les pays qui ont pris part à la conférence de Berlin avec le statut d’observateurs.Ce qui fait courir la foule des pays étrangers et qui l’attire vers le Niger, c’est l’importance géostratégique du pays. Sa position géographique offre un accès relativement facile à l’Afrique du Nord, à l’Afrique subsaharienne et au Golfe de Guinée. Les routes migratoires, celles des trafics d’armes et de drogues qui passent par le Niger, de même les activités terroristes menées par Al Qaida, l’EI et Boko Haram au Niger et dans les pays voisins ( Mali, Burkina Faso, Nigeria et Tchad), alimentent l’argument sécuritaire qui sert à justifier les présences militaires étrangères. Enfin, le Niger est à proximité des immenses réserves de ressources naturelles et énergétiques du Sahara, du Sahel, du Liptako Gourma et du Golfe de Guinée.Tout se passe comme si les quatorze (14) participants à la Conférence de Berlin s’étaient donné rendez-vous au Niger pour mettre en œuvre les règles tacites d’une nouvelle conquête du continent. Tout se passe comme si les pays qui n’étaient qu’observateurs à la Conférence de Berlin, qui n’ont donc pas eu de colonies en Afrique, voulaient prendre leur revanche. Il s’agit de la Russie, de la Turquie et des États-Unis.L’Allemagne, la France, l’Angleterre, la France, le Portugal, l’Espagne, la Belgique, l’Italie, la Suède-Norvège, Pays-Bas, le Danemark, l’Autriche-Hongrie, étaient les autres participants. Il est bon de savoir que la Suède, les Pays-Bas et le Danemark ont eu des colonies en Afrique entre les 17e et 18e siècles qu’elles ont vendues à d’autres puissances coloniales ou perdues en les affrontant, que l’Allemagne a perdu ses colonies africaines après sa défaite lors de la 1ere guerre mondiale, et que l’Italie – à l’exception de la Somalie – a perdu les siennes dans les années 40.Tous ces pays européens qui ont participé au partage de l’Afrique se sont retrouvés au Niger dans la Force Takuba (dissoute en 2022), ils se sont depuis lors coalisés dans la Mission de partenariat militaire de l’Union européenne (UEMPM) et ont implanté une base militaire dans la région du Liptako Gourma, à Tillabery.L’Allemagne avec sa base militaire de soutien et de transport installée au Niger fait cavalier seul. L’Angleterre, Brexit exige, ouvre une ambassade au Niger. L’Italie, soucieuse de protéger ses côtes de la marée noire en provenance du Niger, mène une mission militaire de contrôle du territoire et des flux migratoires. La petite Belgique ne s’en laisse pas conter, elle, dont le roi a obtenu de la Conférence de Berlin la propriété de l’immense Congo : son opération dénommée New Nero forme nos militaires dans le domaine de la lutte contre le terrorisme, à Maradi.Quant à la France, ancienne puissance tutélaire, quoiqu’elle ait renforcé sa présence militaire au Niger avec Barkhane et Sabre congédiés du Mali et du Burkina Faso, elle ne cesse d’être dépassée par les États-Unis, à preuve sa base aérienne 101 de Niamey située sur le site de l’aéroport Diori Hamani, et la base americaine Air Base 201 qui s’étend à Agadez sur 25 kms. Au Niger, le dynamisme économique, commercial et sécuritaire (venté depuis matériels militaires, notamment de drones). Le Niger a d’ailleurs signé en 2020, des accords de coopération militaire avec possibilité d’ouverture d’une base militaire.De tous les participants à la Conférence de Berlin, seule la Russie est absente du territoire nigérien. Il existe cependant entre les deux pays des accords de coopération militaire.Le Niger est sans doute le pays d’Afrique occidental où se trouve la plus grande concentration de cantonnements et de missions militaires, c’est un capharnaüm de bases militaires étrangères plus tournées vers la défense des intérêts de leurs pays d’origine que vers la protection de la vie et des biens du pays hôte.Biens malins, ceux qui sauront situer le seuil de tolérance des Nigériens face à ce rush !Farmo M.

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