C’était le 1er décembre 1944 à Thiaroye, que des soldats sénégalais revenus de la Seconde Guerre mondiale se faisaient mitrailler par l’armée française. Ils avaient commis l’erreur de réclamer à plus fort qu’eux les ¾ de ce qui leur était dû : leurs salaires de militaire. Ils avaient été libérés des camps de concentration nazis après la victoire des alliés sur l’Allemagne en 1944. La France alors entrepris de les rapatrier au Sénégal en leur promettant de leur verser leurs soldes. Seulement, ils n’ont touché que ¼ de cet argent lors de l’embarquement et la promesse du montant restant une fois au pays. Mais lors de leur arrivée à Thiaroye, les ex-combattants se rendent compte que l’armée française n’a pas l’intention de tenir sa promesse.

« Il y a donc un mouvement de protestation de la part des tirailleurs qui refusent de repartir chez eux. Cela occasionne la visite du général Dagnan le 28 novembre qui leur assure plus ou moins qu’ils seront payés », explique Martin Mourre, auteur d’une thèse à ce sujet à l’École des hautes études en sciences sociales (EHSS). Cependant, selon les résultats de la thèse de Martin Mourre, la veille du 1er décembre, le même général met sur pied une force de répression, qui a reçu l’ordre de tirer avec des mitraillettes sur les individus qui se sont regroupé. 35 tirailleurs ont ainsi trouvé la mort en essayant de réclamer ce qui leur revenait de droit. Nombreux sont les organismes de défense des droits de l’homme qui ont depuis lors, exigé des réponses de la part du gouvernement français, mais le sujet est rapidement réduit au silence par la ruse politique.

« Les archives dont on dispose sont celles de l’autorité coloniale et militaire. Ce qui apparaît assez clairement, même si je ne peux pas le prouver, c’est qu’il s’agit d’archives falsifiées. L’autorité militaire, qui a ordonné la répression, a bien été obligée de maquiller ce qu’elle a fait pour se justifier vis-à-vis de sa hiérarchie et du pouvoir civil à Dakar et en métropole », ajoute Martin Mourre. Trop de contradictions apparaissent dans les documents présentés par les autorités militaires. Certains parmi ces documents relèvent les militaires de toute faute, car les tirailleurs réclamaient un peu plus, quand bien même après avoir reçu la totalité des soldes à l’embarquement en France. D’autres documents viennent cependant contredire les premiers et attestent que l’autorité militaire n’avait pas respecté ses engagements.

Les mystères autour de cette affaire n’en finissent pas. Plusieurs chiffres sont avancés en ce qui concerne le nombre exact de soldats tués. Il y a un chiffre officiel qui est de 35 morts. Seulement 11 personnes mortes des suites de leurs blessures ont formellement été identifiées. Toutefois, on n’a pas la liste des 24 autres morts, ni le lieu de leur inhumation. Biram Senghor, fils de M’Bap Senghor qui a été parmi les soldats mitraillés, crie toujours justice pour la mort de son père. « Je me suis résolu à vous adresser cette lettre ouverte après avoir, depuis les années 1970, demandé des explications à l’Etat français sur les circonstances de la mort de mon père. Depuis 2015, je n’ai pas reçu le moindre retour à mes courriers au ministère de la Défense puis des Armées me contraignant à saisir la justice », dit-il tout en écrivant plus loin dans sa lettre, la mention « Mort pour la France ».

Source negronews

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