Deux visions politiques irrésolues s’affrontent actuellement au Cameroun : le pouvoir RDPC et les autres. Cette dernière catégorie mérite qu’on s’y attarde. Elle constitue une composante hétéroclite et très clivante car elle intègre la société civile et les partis politiques d’opposition labellisés comme tels. Ce fourre-tout est aussi disruptif qu’imprévisible. Mais que dire de la majorité silencieuse qui n’en peut plus de ronger ses freins ?

Voilà le principal dilemme d’un pays où le changement politique s’impose par les voies de la paix et du dialogue. D’où le devoir légitime de balayer un système politique affaibli par les maux inhérents au néocolonialisme qui a façonné une élite corrompue, docile et soumise. Le drame de cette élite est perceptible à tous les égards. Elle n’a jamais eu confiance en elle et se remet toujours au colon qui a su, au cours des années la diviser pour être plus corvéable et soumise en divisant les camerounais par une politique tribaliste.

Dans le NOSO, la sécession était prévisible. Elle n’a fait que s’ajouter à la fracture politique et sociale qui divisait déjà un pays où la communication gouvernementale ne pouvait plus masquer les inégalités criardes et une corruption généralisée. Seuls les esprits frappés de cécité s’interrogent encore sur la tournure des évènements. Il est vrai que Boko Haram n’a fait qu’ajouter à l’insécurité. Mais le Cameroun gérait déjà les coupeurs de route, les bandits frontaliers et urbains qui alimentent quotidiennement les faits divers.

Ce désordre porte les couleurs de la pauvreté d’un pays qui a vu son pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil. Cette situation a pour origine la dévaluation du franc CFA, l’initiative des PPTE et la baisse des prix des matières premières et agricoles. Les conséquences ont été fatales. Les entreprises d’État ont mis la clé sous le paillasson. D’où un chômage massif qui a engendré la délinquance, la criminalité et l’insécurité.

À partir de ce constat, l’État aurait pu changer de cap par une politique de rigueur budgétaire. Il devait aussi opter pour une politique de décentralisation pour que les régions aient plus d’autonomie dans la gestion de leurs ressources. Il ne l’a pas fait et il a continué à mener son train de vie dépensier et convulsif alors que sa dette du pays explose. À contrario, aucune croissance n’a été observée depuis des décennies. Nous assistons inexorablement au recul du produit intérieur brut (PIB) et à l’explosion de notre balance du commerce. C’est un très mauvais signe pour les futures générations qui vont hériter d’une dette colossale où s’ajouteront inexorablement des pénalités de défauts de paiement.

Satisfaire aux critères des PPTE n’a pas été la bonne solution pour sortir le Cameroun de la galère où il s’est enfoncé par sa gestion approximative. Le Cameroun s’est-il interrogé sur les causes de l’effondrement de son économie ? La pandémie du Covid-19 ne fera qu’amplifier l’effondrement d’une économie moribonde depuis des décennies. Tout cela n’augure pas des lendemains heureux.

Il faudra un changement radical de nos politiques pour développer une économie qui s’appuie sur nos propres forces. Tout ceci est possible par une volonté politique de femmes et d’hommes libres qui ne reçoivent plus d’ordre de nos oppresseurs. Ce changement de cap est la seule solution pour bâtir une économie inclusive qui prend en compte nos besoins et nos aspirations.  

Seul un Cameroun apaisé et uni peut gérer ses ambitions légitimes. Et seule une nouvelle équipe, constituée de femmes et d’hommes libérés peut conduire une politique volontariste et inclusive pour limiter dans un premier temps la mainmise des entreprises étrangères sur l’économie du pays. 

Mais il y a des questions récurrentes que nous feignons d’ignorer. Qui sont les responsables de tous ces échecs ? Sans tergiverser, nous attribuons cette descente aux enfers à l’équipe en place incapable de se réinventer après quatre décennies. Il est légitime de parler d’alternance politique pour mettre fin aux fractures politiques et sociales qui divisent les camerounais.

Le pouvoir RDPC est asphyxié. Il se déchire et il est en déréliction. Ce sont les signes visibles d’une fin de règne pathétique et sans gloire d’une équipe qui s’est servie au lieu de servir son pays.


Par Michel Lobé Étamé
Journaliste

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