L’École de la Souveraineté, Mars 2023,

Emmanuel Macron, en visite au Congo tient devant Félix Tshisekedi ce discours : « Depuis 1994, vous n’avez jamais été capable restaurer la souveraineté de votre pays. (…). Il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur »Cette déclaration prenant à parti le Congo, ancienne propriété du roi Léopold II de Belgique, pourrait être faite à propos de chacune des anciennes colonies de l’AOF et de l’AEF. La déclaration s’entend, mais elle est fausse. Macron parle ici de la souveraineté nationale, c’est-à-dire l’autorité suprême exercée par un pays sur son territoire, indépendamment de tout autre État et de toute instance internationale. Or, cette autorité suprême indépendante n’a existé ni sous le régime colonial ni dans la période post coloniale. Comment peut-on donc restaurer ce qui n’a pas existé et qui n’existe pas, si restaurer signifie remettre une chose dans son ancien état ou dans son état initial ?Pour les anciennes colonies françaises d’Afrique, celle du pré carré, l’inexistence de cette autorité suprême indépendante est attestée par la nébuleuse Françafrique et par les accords secrets signés il y a soixante ans.Il n’y a donc pas de souveraineté à restaurer, mais une souveraineté à acquérir, une souveraineté à faire passer du fictif au réel, ce qui n’est possible que par l’abolition de la dépendance, le rejet de la domination par lesquelles la France, la Françafrique et leurs accords perpétuent la subordination et l’asservissement des pays du pré carré.La Françafrique comme lieu de rassemblement de Français et d’Africains exerçant dans l’opacité un pouvoir prodigieux dans les domaines politique, économique, financier, monétaire, militaire et diplomatique pour garder les anciennes colonies sous l’influence de la France ; les accords dits secrets, comme engagement de deux parties (la France et ses anciennes colonies), à faire ou à ne pas faire quelque chose, consacrent le manque de souveraineté.Cette situation, ce manque de souveraineté, contrairement à ce que Macron laisse entendre, a ses coupables ailleurs (France), et ici (Afrique). Sont concernés d’une part et d’autre, initiateurs de la Françafrique, hommes politiques signataires des accords, organisations mafieuses, sociétés transnationales, agents de renseignement, chefs d’États, hommes liges, hommes d’affaires véreux, fonctionnaires et intellectuels corrompus qui depuis 60 ans ont participé à la marche d’un système ou travaillent encore à sa conservation.En observant les pays du pré carré, je constate que le Mali travaille – le Burkina Faso à sa suite – à la création des conditions d’acquisition et d’exercice de cette autorité suprême, dans l’indépendance. Le Mali en agissant montre que la souveraineté est une méthode, c’est-à-dire un ensemble de démarches réfléchies, raisonnées, suivies pour se soustraire de la domination de la France.Le démantèlement des bases militaires, le départ des troupes françaises, la diversification de la coopération, la relégation du Français au rang de langue de travail, le retrait du rôle de porte-plume à l’ONU c’est-à-dire ce rédacteur des résolutions concernant le Mali, sont autant de mesures qui décroissent l’influence de la France, elles donnent un coup de pied dans le paquet des 11 accords, et font un pied de nez à la Françafrique. Dans ce cadre logique, la rationalité patiente du but à atteindre initiera des démarches complémentaires. La méthode fera sans doute école dans le pré carré, parce que la domestication n’est pas son devenir.

Farmo M.

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