La fraude électorale au Cameroun

 

S’il y a eu un intérêt dans l’élection présidentielle du 7 octobre dernier,  il n’était pas dans l’essence même de la chose.  Dans le mot élection, il y a le verbe élire, qui, en vieux français, signifie : «choisir comme le meilleur».  Par cette action, le votant ou l’électeur, parce qu’il ne peut lui-même assumer une certaine fonction dans la société, décide, par le bulletin mis dans l’urne, de nommer une autre personne qu’il juge mieux qualifiée pour l’exercer en son nom pour une durée limitée dans le temps. Or, la singularité de l’élection qui vient d’avoir lieu dans notre pays réside dans le fait que nul n’avait la garantie que le verdict des urnes produirait «le meilleur». Ce qui est véritablement curieux.

 

Quel intérêt y avait-il donc à se rendre dans les bureaux de votes, certains devant, comme dans le Nord et le Sud-Ouest,  régions en guerre, le faire parfois en risquant leur vie ; d’autres en parcourant de longues distances ou en bravant les intempéries? Il me serait prétentieux de dire avoir une réponse satisfaisante à cette question.

 

Il n’est pas nécessaire de revenir sur le système électoral camerounais, qui est un savant mélange d’archaïsmes et de biométrie partielle. Mais il n’est pas excessif, au regard de ce qui se fait dans les pays voisins au nôtre, à l’exemple du Nigéria, d’affirmer que les élections dans le contexte camerounais s’apparentent à une farce sinon une comédie. L’on aurait pu en rire s’il ne s’agissait pas du devenir d’un pays, de la vie d’honnêtes citoyens, de l’argent des impôts des camerounais. D’autres questions pourraient surgir à ce stade : pourquoi donc la fraude électorale est-elle perçue comme normale dans notre pays, quand ailleurs, elle est anormale? Pourquoi semblons-nous l’accepter? Le régime en place peut-il gagner une élection sans frauder? Si oui, pourquoi verrouille-t-il le jeu électoral, pire, en se positionnant à la fois comme joueur et arbitre?

 

Les audiences du 16 octobre 2018 devant le Conseil Constitutionnel ont étalé à la face du monde, couvrant au passage notre pays de honte, l’étendue de cette fraude. Elle est inqualifiable. Elle dévoile le secret de polichinelle : la raison de la persistance du joueur à vouloir être l’arbitre de la compétition électorale. Il est donc apparu clairement que l’intérêt de cette élection était, à l’ère du numérique, d’exposer comme un hibou à la lumière les fraudeurs au public.

 

Une autre question, inévitable celle-ci, apparaît : pourquoi? Pourquoi diriger par la fraude et non par la vérité des urnes? La réponse à cette dernière réside dans les circonstances même de la naissance de l’État camerounais. Il y a dans notre nation naissante comme un rapport de défiance structurelle entre gouvernants et les gouvernés. Le peuple camerounais, réputé mesuré, a le pardon facile. En toute logique, ceux qui n’ont pas confiance ne peuvent dans ce contexte qu’être ceux qui nous gouvernent. Pourquoi ne croient-ils pas dans le Peuple? Um Nyobè. Fru Ndi. Ces deux noms, de mon point de vue, sont les réponses. Les camerounais pardonnent. Mais, contrairement aux idées reçues, ils n’ont pas une mémoire de poisson : ils n’oublient pas. Il devient dès lors évident que le problème au cœur sinon à la tête de l’État camerounais est celui de la difficile voire de l’impossible rencontre entre légalité et légitimité. Des dirigeants légitimes ne craignent pas leur peuple. Cette crainte chez nous s’exprime par la répression systématique de toute forme d’expression ou de revendication : la fraude électorale en est une. Elle réprime la voix des urnes, la voix du Peuple, la voix de l’Être suprême. Jusqu’à quand?

 

Ogolong Ondimoni Ombano

 

 

 

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