(texte)

Personne, ni le maître ni l’esclave, ni le colonisateur ni le colonisé, ni dominateur ni le domine, ne sort indemne de six siècles d’interactions. Ils traînent jusqu’à leurs descendances les heurs et malheurs des siècles, les stigmates et les blessures de leurs époques. Des séquelles nombreuses de nos relations avec l’Occident et l’Orient sont encore visibles et nuisibles. Elles sont dans la gestions de nos affaires, elles sont dans nos lois et dans nos institutions, dans nos langues, dans nos comportements et nos manière de penser. Personne, en ces temps de libération, ne niera les actions menées dans les domaines politique, économique et culturel pour y remédier. Personne ne niera non plus qu’on ne fait que très peu de cas des séquelles psychologiques. Or, le psychologique interfère avec le politique, l’économique et le culturel. C’est dire que toute libération qui néglige l’incidence du psychologique sur les relations dominé-dominateur aura quelque chose d’inachevé.De nos fréquentations pluri séculaires sont nés des sentences, des croyances, des préjugés , des habitudes, des comportements et des complexes qui perdurent. Des mémoires collectives se sont constituées et ont été transmises de génération en génération. En leur sein , des éléments se sont sédimentés, d’autres se sont cristallisés. Des complexes apparemment inaltérables ont traversé les siècles, et poursuivent leurs actions néfastes.Celui qui dans une relation baptise son interlocuteur, nommé son pays, ses fleuves, ses montagnes, donne un nom à ses villes, érige à l’intérieur des villes des statues à sa gloire; celui qui impose ses lois, sa langue, sa culture, ses croyances et ses institutions, implante des systèmes éducatifs; celui , économique et politique ; celui qui plus est, présente ses coutumes comme normes, et ses mœurs comme des références, et s’accorde le droit d’écrire l’histoire, acquiert une position ascendante et condescendante.

Après quelques réticences et résistances, le dominé, le baptisé, l’aliéné abdique, tourne le dos à sa culture, méprise ses coutumes, ses mœurs et ses croyances; il abandonne la direction de son existence à l’Autre. Il perd tout sens de l’initiative et s’en remet à l’imitation dans laquelle il se complaît. Il a honte de lui-même et de la couleur de sa peau qu’il ne sait pas fondamentale, il a honte de son histoire qu’il n’hésite pas à la falsifier, il a honte de ses ancêtres qu’il tente de blanchir. Quand il ne tombe pas en admiration devant l’homme blanc, il tremble devant lui. Il a beau être grand, il choisit la petitesse face au plus petit blanc. Ce faisant, il se met dans une position d’infériorité qui le handicape. Assez illustratif de la situation est l’humiliant Sommet de Pau, où un jeune président français réunit cinq Chefs d’État africains pour les tancer publiquement. Et l’aéropage docile de nos chefs n’eut d’autre attitude que celle de la soumission.Complexe de supériorité d’un côté, complexe d’infériorité de l’autre, telles sont encore de nos jours les caractéristiques de nos relations avec l’Occident et l’Orient. Les textes que j’emprunte à Kate Brousseau et Aimé Césaire rendent bien compte de la situation dont je traite.Le premier, celui de Kate Brousseau, psychologue américaine est tiré de son ouvrage : « L’Education des Nègres aux États-Unis », il date de 1904, mais il est encore d’actualité, et ce qui y est affirmé peut être étendu à l’Occident et à l’Orient esclavagistes.« La race blanche, dit Kate Brousseau, ne peut admettre que la race noire devienne son égale ; instinctivement, elle se sent au-dessus et ne veut pas être dépossédée de sa supériorité, et malgré certains exemples fameux, elle tient à croire que l’individu noir est incapable de s’élever au niveau du blanc. Il y a des Américains cependant doués d’une grande franchise intellectuelle, qui admettent que ces idées sont des préjugés ; mais la plupart d’entre eux ajoutent qu’il est au-dessus de leurs forces et de leur volonté de vaincre ces préjugés à l’égard de la race noire. Elle est inférieure, il faut qu’elle reste inférieure, elle ne peut pas ne pas rester inférieure ».Le deuxième texte, celui de Césaire est extrait de « Discours sur le colonialisme », m’émet s’il a été produit en 1950, il n’a pris aucune ride.« Je parle, dit-il, de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, ay la danse,à la sagesse. Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouilleront, le désespoir, le larbinisme « Ces complexes, de supériorité pour les uns, d’infériorité pour les autres, agissent à leur insu, transparaissent dans leurs comportements, dans leurs propos ou dans leurs manières de penser. Que l’on observe la gestuelle et le lavage corporel des Chefs d’Etat de France et d’Afrique sur le perron de l’Elysée, et l’on saura de quoi il retourne.Nous réclamons à juste titre une coopération gagnant -gagnant, nous appelons des accords Win Win, mais ceux-ci n’adviennent qu’après des négociations souvent âpres. Même si le principe de ce type de coopération est que chacun des partenaires tirent équitablement profit, on imagine facilement, lorsque des négociations s’engagent entre un partenaire convaincu de sa supériorité, et un autre qui se sent inférieur face à son interlocuteur, lequel des deux tirerait les meilleurs profils.Ni l’indépendance réelle ni la vraie souveraineté ne font bon ménage avec les complexes d’infériorité. Notre psychologie doit être épurée, expurgée de tout ce qui inhibe notre personnalité, de toutes les idées, de toutes les croyances, de tous les sentiments et de tous les comportements qui nous rapetissent.L’idéal aurait été que l’homme blanc se ravise, et que l’abandon de son complexe de supériorité concourt à un nivellement des mentalités. Mais il serait illusoire d’attendre de lui qu’il renonce à l’idée qu’il se fait de lui-même depuis des siècles : celle de la référence, du juge, de l’homme au-dessus de tous les hommes. Somme toute, le choix de sa thérapie lui incombe.Quand à l’homme noir, il est urgent qu’il pose un regard nouveau sur lui-même et sur ses relations avec les autres, il est indispensable que sa mentalité remodelée repose sur une mise à l’endroit de l’histoire, qu’elle s’alimente de vérités scientifiques, et s’épanouisse sans esprit revanchard. Dans cette perspective, les points qui suivent doivent servir de sources :

1. L’humanité commence en Afrique. Les ossements humains les plus anciens ont été découverts en Afrique : Lucy 3,2 millions d’années (Éthiopie); Abel 3,5 millions d’années (Tchad); Toumaï 7 millions d’années (Tchad).

2. Pour survivre dans les conditions de la préhistoire caractérisées par d’intenses rayonnements ultraviolets, l’homme devait être protégé par une couche de mélanine au niveau de l’épidémie, d’où la couleur noire de sa peau.

3. L’homme noir est le premier représentant de l’humanité, et le seul représentant de celle-ci pendant plusieurs millénaires. Homo sapiens négroïde apparaît 150 000 avant JC. L’homme de Grimaldi négroïde migre en Europe 40 000 av. JC. L’homme de Cro-Magnon, ancêtre des leucodermes (Blancs) apparaît 20 000 ans av. JC. L’homme de Chancelade, ancêtre des Asiatiques apparaît 15 000 av. JC. Les Sémites apparaissent 2 700 ans av. JC.

4. C’est à partir de l’Afrique que les autres continents ont été peuplés. L’homme est sorti d’Afrique par le Détroit de Gibraltar et par l’isthme de Suez.

5. Toutes les races humaines sont sorties directement ou indirectement de la race noire. La différenciation raciale s’est opérée sous l’influence du climat, en Europe du Sud. Le premier habitant de l’Europe: l’homme de Grimaldi est un négroïde. L’homme de Cro-Magnon est une mutation de l’homme de Grimaldi. L’homme de Chancelade est un métis de Grimaldi et de Cro-Magnon.

6. La première des grandes civilisations de l’Antiquité: l’égyptien -nubienne est noire. L’Égypte pharaonique à inventé l’écriture, le calendrier, et a initié le monde gréco-romain à la philosophie et à la science..

7. L’Égypte pharaonique est le foyer de la civilisation africaine. L’égypto-nubien joue vis-à-vis de nos langues et de nos culture, le même rôle que le gréco-latin par rapport aux langues et cultures occidentales.Il ne sert à rien de connaître pour se pavaner. Il faut savoir pour réparer le tort fait à l’homme noir, savoir pour rétablir la vérité, savoir pour cesser d’avoir honte de soi-même et de sa race. Il faut savoir pour mettre fin à l’infériorisation et au complexe d’infériorité. Il faut savoir enfin pour ne plus être servile, pour ne plus trembler, pour ne plus s’agenouiller devant personne, savoir pour être l’égal de tous en humanité.L’indépendance de l’État: le fait de n’être soumis à aucune autorité étrangère et/ou coloniale; la souveraineté : le pouvoir suprême de décider pour nous-mêmes, de faire des lois, d’user de nos ressources, et du sens à donner à notre existence, nous concernent tous. Nous concernant aussi les états d’esprit et les mentalités qui s’y attachent.L’Africain dont la mentalité est pétrie de ces connaissances n’est ni impressionnable ni intimidable, il est encore moins asservissable. En chaque homme blanc, rouge ou jaune, il voit son humanité et sa propre image, et à chacun d’entre eux, il pourrait au besoin rappeler ce mot de Victor Hugo : « insensé qui croit que je ne suis pas toi ».

Farmo M.

Related Posts