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Depuis la défaite face à l’Occident et l’Orient, la haine et le rejet de soi sont la chose la mieux partagée des Africains et sont la racine de tous les maux de l’Afrique noire. La conséquence est qu’ils ne connaissent pas leur histoire et n’en parlent que pour diaboliser. Il faut les comprendre, car il est difficile de soutenir et promouvoir une spiritualité qui ne nous a pas protégés contre l’esclavage transsaharien, la traite négrière, la colonisation, la néo colonisation, la misère, la pauvreté, le SIDA, le paludisme, le chômage, les échecs, les humiliations, le rejet…

Scientifiquement, il est constant que les Bamilékés n’adorent pas les crânes, contrairement à une opinion empreinte de racisme, de tribalisme et de haine de soi. NON ! L’expression «cultes des cranes» est fausse et non conforme à la vérité et réalité de la chose. En tant que chercheur, j’affirme que les Bamilékés ne font pas un culte aux crânes, mais plutôt un rituel des crânes (comme certains font le rituel de l’huile, de l’eau, du feu, de la terre, des ossements, un peu comme Israel…) qui lui-même, est l’expression d’un culte rendu aux ancêtres, perçus comme des ponts et intercesseurs vers le grand Dieu. Chez les Bamilékés, le Dieu des ancêtres est aussi le Dieu des vivants. La seule manière pour les vivants d’atteindre Dieu qui est si loin de nous, est de passer par ceux des ancêtres dont la vie fut un exemple de vertus, car les Bamilékés croient que ceux-ci sont plus proches de Dieu. Ils le font en utilisant un objet-symbole : Le crâne qui est la partie la plus importante du corps et le siège de la pensée humaine et l’esprit.

Selon le modèle théologique des Bamilékés qui ressemble quasi-identiquement au modèle biblique d’Israël, Dieu souffle son esprit dans l’Homme pour qu’il vive. A la mort de celui-ci, l’esprit qui fait vivre l’Homme retourne à Dieu du côté où l’Homme était polarisé pendant sa vie terrestre. Si l’Homme était bon, l’esprit qui est en lui ira à la droite de Dieu, et s’il était mauvais, son esprit ira à la gauche de Dieu, car Dieu le père aurait une droite (le bien) et une gauche (le mal). C’est pourquoi la gauche est très mal perçue chez les Bamilékés. Aucun acte positif ne peut et ne doit être posé avec la main gauche.

Donc, chez les Bamilékés, il n y a ni enfer, ni paradis. Il y a le bien et les conséquences du bien sur les vivants ; il y a le mal et les conséquences du mal sur les vivants. L’analyse du système des valeurs et des croyances des Bamilékés fait ressortir quelques constantes qui constituent la matrice de leur spiritualité :

– la croyance que les bénédictions autant que les malédictions se transmettent de génération en génération, et de parents à enfants par les liens de sang (comme dans la bible notamment dans Exode 20 : 5-6 où Dieu dit qu’il punit l’iniquité des parents sur les enfants jusqu’à la 3e et 4e génération)

– la croyance que l’honneur fait aux parents donne les bénédictions (comme dans la bible où il est recommandé d’honorer ses parents). La notion des parents englobent les ancêtres. Il me semble que c’est cette croyance qui a accouché du culte aux ancêtres et surtout du rituel des crânes, notamment en raison de ce que l’histoire de ce peuple est marqué par des mouvements permanents et qu’à chaque fois, ils emportaient les restes de leurs ancêtres pour les enterrer dans la «terre promise» ou le lieu d’établissement définitif, comme à l’image des juifs qui transportèrent les ossements de leurs ancêtres (genèse 50 verset 25 ; Exode 13 verset 19 ; Josué 24 verset 32 ; 2 Samuel 21 verset 12 et 13…)

– la croyance que la parole (y compris la pensée) sont créatrices de réalité, et que les bénédictions et malédictions dans nos vies dépendent des paroles et pensées que nous avons émises nous-mêmes, ou qui ont été émises pour nous ou contre nous par une personne avec qui nous avons un lien spirituel ou de sang (comme dans la bible).

– la croyance que le monde spirituel n’obéit qu’aux sacrifices (comme dans la bible) et que le sang des animaux innocents sacrifiés peut apaiser la gauche de Dieu qui est en action destructrice. Il est vrai qu’avec la venue du Christ, une révolution s’est opérée car Dieu le père a offert en sacrifice, le sang d’un HOMME, son fils, sa droite, afin que ce sang (plus fort que celui des animaux) apaise et empêche définitivement l’action de sa gauche de détruire nos vies. Les Bamilékés fondamentalistes demeurent attachés au modèle des ancêtres basés sur le sacrifice des animaux. Et pourtant, il leur suffirait juste de constater l’inefficacité opérationnelle de l’ancien modèle basé sur le sacrifice des animaux (qui est un cycle sans fin) et se tourner vers le modèle du sacrifice de Jésus pour expérimenter la vraie puissance qui opère définitivement (Ceci est mon avis personnel). De même, les Bamilékés croient que les sacrifices en termes de dons et offrandes faits avec un cœur bienfaisant ouvre la porte des bénédictions (comme dans la bible, notamment dans proverbe 11 verset 27 : «l’âme bienfaisante sera rassasiée, et celui qui arrose sera lui-même arrosé»)

– la croyance à l’existence de la prédestination concomitamment à la possibilité offerte à l’Homme par Dieu de s’extraire de sa condition «naturelle» et de changer le cours de son destin par la lutte, le travail et la foi (comme dans la bible, notamment à travers l’image de Jacob et d’Esaü. Le premier fut prédestiné naturellement à la grandeur. L’autre étant naturellement assujetti à son frère, Dieu lui offrit la possibilité de s’en extraire et de devenir lui-même grand, mais au prix de beaucoup d’efforts, de luttes et de sacrifices : «C’est grâce à ton épée que tu vivras, quant à ton frère, tu lui seras assujetti. Mais, errant çà et là, tu briseras le joug qu’il fera peser sur ton cou». Genèse 27 : 40)

– la croyance à l’immortalité de l’âme humaine et donc que les morts ne sont pas morts. Les Bamilékés croient qu’il existe un lieu où se trouve la communauté des morts de la famille ou encore les ancêtres (comme dans la bible notamment dans Genèse 47 verset 30 où Israël ou Jacob dit à son fils Joseph «Quand j’aurai rejoint mes ancêtres décédés, tu me transporteras hors d’Egypte pour m’ensevelir dans leur tombeau» ou encore dans Genèse 49 verset 29 où «Jacob leur donna ses instructions en disant : « […] Je vais aller rejoindre mes ancêtres décédés, enterrez-moi auprès de mes pères… ») avec qui il est possible d’interagir dans les moments critiques de la vie un peu comme Jésus Christ qui reçut la visite réconfortante de Moïse et d’Elie quelques temps avant son arrestation.

– la croyance que l’être humain tire l’essentiel de sa force spirituelle naturelle et l’essentiel de sa personnalité de sa mère biologique par les liens utérins, car la qualité de l’arbre dépend de la qualité de la terre dans laquelle il est enraciné. C’est pourquoi, il fallait que Marie soit pure pour accueillir, engendrer et éduquer Jésus Christ, la pureté.

Les Africains font une grave erreur d’appréciation en essayant de diaboliser leur civilisation

A travers ces quelques éléments très sommaires (il y a des milliers d’exemples de similitudes qui font dire à plusieurs savants que les Bamilékés sont une tribu d’Israël), je voudrais montrer que les Africains font une grave erreur d’appréciation en essayant de diaboliser leur civilisation. J’assume de dire que l’attitude empreinte d’ignorance crasse, de plusieurs «hommes de dieu» à la formation approximative, vis-à-vis de la spiritualité africaine en général et Bamiléké en particulier, est outrageante et révoltante. Si la spiritualité Bamiléké est diabolique, alors tout l’ancien testament l’est autant. Une chose est constante, Israël doit son rayonnement à sa spiritualité. De même, les Bamilékés doivent leur rayonnement à leur spiritualité.

Au lieu de diaboliser la spiritualité Bamiléké, il convient pour les négro africains d’engager un vrai travail pour la connaître et la comprendre d’abord ; pour la réformer substantiellement de sorte à la rendre compatible avec la spiritualité du Christ (offert en sacrifice pour nous sauver) car l’Occident l’a fait en associant juif et chrétien à travers le concept judéo-chrétien et à travers la ré-union de la Torah (l’ancien testament) et les évangiles (le nouveau testament) dans un livre unique ensuite ; pour récupérer dans cette spiritualité Bamiléké, ce qui est utile et nécessaire pour affronter les défis de notre temps.

Par Rodrigue Kiki, Expert en développement social

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