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Le verdict est tombé jeudi 1er juin 2023. Ousmane Sonko, Président du parti dénommé
Patriotes Africains du Sénégal pour le Travail, l’Ethique et la Fraternité (PASTEF) a été
condamné à deux ans de prion ferme par la Chambre Criminelle du Tribunal de Grande
Instance de Dakar, pour « corruption de la jeunesse ». Reclus à son domicile sous haute
surveillance policière, l’ex-député et actuel maire de Ziguinchor, encoure l’illégitimité à sa
candidature à la Présidence de la République du Sénégal. Depuis, la jeunesse sénégalaise,
très majoritairement acquise à la cause de l’auteur du livre « Pétrole et gaz du Sénégal :
chronique d’une spoliation », est sortie dans la rue où de violents heurts avec les forces
armées sénégalaises ont cours, avec 9 nouveaux morts civils, ce qui porte à une vingtaine les
victimes de la répression violente du pouvoir de Macky Sall.

Macky Sall aux fourneaux pour le sale boulot

Ancien soutien d’Abdoulaye Wade pour la présidentielle de 2000 avant d’être son opposant
farouche lors de sa candidature en 2012 qui le mènera à la victoire, Macky Sall sera réélu en
2019 avec pour second son ancien Premier Ministre Idrissa Seck et pour troisième, Ousmane
Sonko. Seulement, l’actuel Président sénégalais dénonçait déjà avec la plus grande
véhémence, le rétropédalage de son rival politique qui tentait alors par toutes les
manipulations juridiques de briguer un troisième mandat alors qu’il avait lui-même fait
modifier la loi Constitutionnelle qui réduisait la durée du mandat présidentiel à 5 ans, tout
comme elle limitait le nombre de reconductions à deux ans. On se souvient alors de cette
déclaration fort édifiante de Macky Sall : « J’appelle tous les militants républicains et les
sénégalais soucieux de l’avenir de notre pays et de nos institutions de venir nous rejoindre
dans la rue pour faire cesser le processus de monarchisation du Sénégal. Le combat contre le
régime se fera dans la rue ». Les amnésies sélectives dont semble être frappé l’actuel chef de
l’Exécutif sénégalais lui font perdre de vue qu’il est en train de marcher dans les pas de celui
dont il révoquait les manigances. Lors de sa candidature à sa propre succession en 2019, les
accommodations aux privilèges du pouvoir vont le conduire à écarter de la course ses deux
rivaux les plus redoutables d’alors, Karim Wade, fils de l’ancien Président, condamné à six
ans de prison ferme, puis déclaré inéligible, et Khalifa Sall ex-maire de Dakar, dont la
candidature avait également été rejetée après avoir été condamné à 5 ans de prison pour
« escroquerie portant sur les deniers publics ». Manifestement coutumier du fait, le Chef de
l’Etat sénégalais ne fait donc qu’appliquer sur son principal rival actuel, Ousmane Sonko, la
même vieille recette qui consiste à éliminer politiquement les adversaires susceptibles
d’empêcher l’éternisation au pouvoir des monarques africains. Avec la déclaration d’Ismaïla
Madior, Ministre sénégalais de la Justice, qui a fait part de ce que « l’arrestation d’Ousmane
Sonko pourrait intervenir à tout moment, sans délai », on peut considérer que Macky Sall
reprend les mêmes méthodes pour les mêmes résultats. On aurait été tenté de lui accorder

une once de crédit dans son apparente détermination à faire prévaloir la démocratie, en se
débarrassant des vieux démons de l’obsession du pouvoir qui hantent les dirigeants
africains, au vu de ses déclarations fermes de ne pas briguer un troisième magistère telles
que mentionnées dans son livre « Le Sénégal au cœur », paru en 2019, mais ce serait, au
regard de ses manœuvres actuelles, faire preuve d’une regrettable naïveté. L’avidité du
pouvoir à laquelle Macky Sall ne déroge point interroge, au-delà du Sénégal sur le crédit à
accorder à nos opposants en Afrique qui fustigent le pouvoir en place et qui jurent instaurer
la justice, l’intérêt commun et le bien-être des populations. Ces discours éculés de politiciens
opportunistes frappés de malhonnêteté intellectuelle compulsive qui se servent du peuple
pour assouvir leurs ambitions personnelles appellent les électeurs africains à quadrupler de
vigilance.

Le “modèle de démocratie” sénégalais en panne

Depuis le discours de la Baule de 1990 et les transitions “pacifiques” au sommet de l’Etat
sénégalais, les détenteurs du monopole de la norme politique universelle avaient plébiscité
le Sénégal au rang de modèle par excellence de démocratie en Afrique. Souvent cité en
exemple, les autres pays où sévissaient les moindres soubressauts populaires passaient pour
de vilains petits canards. Pourtant, les esprits lucides ne pouvaient tomber dans cette illusion
d’optique, tant il était flagrant que, de l’ancien ministre français Léopold Sédar Senghor à
Macky Sall, en passant par Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, il s’est toujours agi de jeux de
chaises entre petits copains qui, en dépit des apparences de rugueuses rivalités, servaient
tous les mêmes intérêts prioritaires, ceux de la France néocoloniale. Une soumission
assumée à la France au plus haut sommet de l’Etat, au point d’insulter la mémoire et la
dignité de nos ancêtres, lorsque Macky Sall parvient à considérer que des sucreries soi-
disant attribuées aux soldats sénégalais pendant la colonisation représentaient un privilège
au regard des autres soldats africains qui en étaient privés ! Car oui, le 26 mai 2018, l’actuel
Président sénégalais déclarait que « les régiments des tirailleurs sénégalais, quand ils étaient
dans les casernes, avaient droit à des desserts pendant que d’autres africains n’en avaient
pas ». Voilà les déclarations au 21e siècle, du Président du pays d’où ont été déportés des
millions d’esclaves à partir de la tristement célèbre île de Gorée, mais aussi le pays où, le 1 er
décembre 1944 à Thiaroye, ont été froidement assassinés de façon sommaire, des centaines
de soldats africains qui venaient pourtant de libérer la France de l’Allemagne nazie lors de la
seconde guerre mondiale, alors que ceux-ci ne faisaient que réclamer leur solde. Ce niveau
d’allégeance qui dépasse largement les attentes de la France est très révélateur de l’état
d’esprit de l’actuel Chef d’Etat sénégalais.

En clair, ce qui a été présenté comme un modèle en Afrique n’était qu’une parodie de
démocratie. La démocratie comme prétexte de la France et de l’occident pour préserver ses
intérêts en Afrique à travers ses hommes-liges, ce n’est pas de la démocratie, c’est de
l’arnaque. Demandez aux libyens si la démocratie qu’on a dit leur imposer à coups de

bombes françaises et américaines les a sauvé ou plutôt détruit. Il est impératif que les
populations en Afrique subsaharienne dite “francophone” s’en souviennent. Pour preuve,
pour la toute première fois qu’un candidat à une élection présidentielle sénégalaise prend
ses responsabilités et dénonce l’ingérence de la France et de l’occident dans les affaires
africaines aux seules fins de pillage des ressources, la pilule passe mal pour les soumis et
leurs mandants. Comme par hasard, les dépositaires des notions des droits de l’Homme et
de démocratie observent la situation d’injustice flagrante au Sénégal et se taisent. La France
de toutes les lumières se tait, car son protégé est en cause. On ne met pas du sable dans son
propre tapioca. Qui plus est, l’ennemi commun qui veut priver la France de “ses” ressources
africaines est tout identifié. C’est l’homme à abattre, politiquement, socialement ou
physiquement, car il s’agit d’enjeux égoïstes vitaux de ceux qui ont le pouvoir des banques,
de l’armée et de la justice orientée. Le peuple peut toujours s’agiter, on finira encore et
toujours par le mater et par assassiner ses leaders, comme pendant les luttes
d’indépendance en Algérie, au Cameroun ou au Congo dans les années 1950-1960, en Côte
d’Ivoire en 2010 ou en Libye en 2011. La loi du plus fort, pensent-ils est toujours la meilleure.
Reste à savoir de quel côté se trouve réellement la force. La démocratie, tel que le peuple
l’entend et l’attend, c’est pas pour demain. Voilà pourquoi il n’y a absolument rien à
attendre de dirigeants qui ne sont que le prolongement des pouvoirs coloniaux qui n’ont fait
qu’un transfert de compétences à des gens qui nous ressemblent mais qui servent les
intérêts de leurs maîtres.

Soutien sans faille à Ousmane Sonko

Aux adeptes des amalgames dont la lucidité est brouillée par des frustrations personnelles
qu’ils érigent à tort en causes universelles, il faut préciser que la situation du Sénégal est
particulière dans la mesure où c’est la toute première fois que nous avons dans une
ancienne colonie française en Afrique, un candidat de ce niveau de popularité qui assume sa
prise de position sans ambages pour la rupture avec le néocolonialisme et le système
mafieux de la françafrique. Entre autres déclarations fortes, dignes d’un leader politique
engagé pour son peuple, Ousmane Sonko déclarait ceci : « Il est temps que la France lève
son genou du coup de l’Afrique. Sept siècles de misère faits de traite humaine, de
colonisation et aujourd’hui de néocolonisation, ça suffit. Au nom de quoi la France doit nous
imposer des dirigeants, faire des choix à notre place ? Cela doit cesser. L’hypocrisie de cette
France se vit et s’exprime tous les jours. C’est le double langage que la France tient en
Afrique ». L’enjeu majeur pour l’Afrique aujourd’hui c’est de se défaire du joug colonial. Tout
discours de dirigeants politiques africains qui n’intègre pas cette incontournable orientation
n’est pas digne d’intérêt. Voilà pourquoi tout africain qui aspire à la restauration de la
dignité de notre Continent se doit de prendre fait et cause pour Ousmane Sonko. Le Mali et
ses valeureux dirigeants ayant montré le chemin en réussissant à imposer la fin de la
mascarade française, il est tant que d’autres Etats africains emboitent le pas pour amorcer
résolument la marche de l’Afrique vers la liberté totale. Macky Sall joue avec le feu. Le
syndrome du Mali et du Burkina Faso voisins est à sa porte. Au Sénégal, Ousmane Sonko est

clairement la solution. La situation actuelle au Sénégal parle à toute l’Afrique. Il s’agit d’une
occasion pour les électeurs africains de mieux cerner les candidats aux futures échéances
politiques. Le silence des hommes et femmes politiques africains qui ambitionnent de diriger
leurs pays et qui nous promettent monts et merveilles tout en se gardant de prendre
position sur la nécessité de rompre avec les relations de soumission à l’occident sont ni plus
ni moins des opportunistes. Leur silence les aura démasqués, si tant est qu’il y avait encore
une soupçon de crédit dans les discours de certains d’entre eux. Les dirigeants politiques
africains qui évitent de se prononcer sur les injustices à l’endroit d’Ousmane Sonko font un
calcul d’intérêts. Ils évitent de fâcher la France et les dirigeants occidentaux desquels ils
espèrent se faire adouber le moment venu. Cette catégorie de candidats constitue un
véritable danger pour l’Afrique et doit sans hésitation être disqualifiée. Dans ses méthodes
habituelles de manipulation, la France suscite de pseudos opposants acquis à sa cause pour
faire diversion et remplacer au pouvoir le moment venu, leurs pions qui ne sont plus en
odeur de sainteté par d’autres de pions plus dociles, tout ceci au grand dam des populations
qui se font berner encore et encore. Soyons donc vigilants. La démocratie à l’occidentale
imposée à l’Afrique est un canular. Quant à nous, nous assumons et clamons notre soutien
total et indéfectible à Ousmane Sonko qui est victime d’une honteuse conspiration que les
ennemis de l’intérieur ont choisi de sacrifier pour pérenniser la spoliation de l’Afrique et la
paupérisation des africains, sous des régimes néocoloniaux abjectes qu’il faut déloger dans
les plus brefs délais, aussitôt qu’il se présente, comme actuellement au Sénégal, une alternative digne de confiance pour le salut du peuple.

Par Paul ELLA,
Douala, 4 juin 2023

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