Le chef de l’Etat a invité jeudi à l’Elysée près de 300 personnes liées à l’Afrique pour expliquer comment la France compte sur eux pour retisser ses liens avec le grand continent.

 

Deux ans après avoir prononcé à Ouagadougou un discours décapant sur la relation franco-africaine – dans lequel il promettait notamment de renforcer les mobilités vers l’hexagone des étudiants et chercheurs africains et ouvrait la voie à la restitution des œuvres d’art spoliées – Emmanuel Macron remet ça chez lui, à l’Elysée.

Devant quelque 350 invités supposés représenter la diversité de la diaspora africaine en France (simples résidents, binationaux ou afro-descendants), figures médiatiques comme le rappeur Abd al Malik ou simples militants d’associations, le président entend faire à la fois le bilan de ses engagements – tenus ou non – et donner une plus grande visibilité à ce qu’il revendique comme une des principales priorités de sa politique.

« En Afrique les francophones ont entendu le discours de Ouagadougou mais c’est vrai qu’ici en France cela n’imprime pas suffisamment », constate Jules-Armand Aniambossou, un Franco-Béninois condisciple de Macron à l’Ena à qui ce dernier a confié il y a deux ans le pilotage d’un tout nouvel organe, le Conseil pour l’Afrique (CPA).

Prise de risque

Comme à Ouagadougou, où il n’avait pas hésité à affronter un amphi d’étudiants remontés à bloc, Emmanuel Macron veut à tout prix éviter, jeudi dans la salle des Fêtes de l’Elysée, d’adopter une forme compassée. « Je ne veux pas faire un exercice académique, je veux des échanges avec les gens qui seront là », a-t-il explicitement demandé à ses collaborateurs. « Il n’y aura aucun sujet tabou, ni sur la Françafrique ni sur les dictatures en Afrique », affirme Jules-Armand Aniambossou.

Autre prise de risque, Macron s’est assuré la présence à son côté d’un des plus charismatiques mais remuant dirigeant africain actuel, le président ghanéen Nana Akufo-Addo qui n’hésite pas à tenir tête au FMI. Devant lui et ses invités, le locataire de l’Elysée n’hésitera pas, si la question lui est posée, à se dire à nouveau ouvert à toutes les évolutions concernant le Franc CFA – y compris sa disparition réclamée à cor et à cri par une partie des élites africaines qui voient dans cette monnaie de l’Afrique de l’Ouest un symbole néocolonial.

Impatiences et critiques

Jeudi, le chef de l’Etat français devra également répondre aux impatiences. « Moi j’ai eu la triple peine », raconte la jeune entrepreneuse franco-marocaine Noura Moulali : « Je suis une femme, je suis africaine et je ne suis pas ingénieure, qualité souvent exigée pour se lancer dans l’e-commerce ». Un Franco-Guinéen s’emporte lui aussi : « Avec mon passeport européen je peux aller presque partout dans le monde mais avec mon passeport africain je ne peux aller nulle part. Il faut que cela change ! ».

Emmanuel Macron qui, selon nos informations, aurait pris connaissance d’une enquête encore confidentielle sur les pratiques de discrimination à l’égard des Franco-Africains qui subsistent dans certaines grandes entreprises françaises, mesure les progrès qu’il reste à accomplir ici.

L’une des tables rondes organisées par le Conseil pour l’Afrique a noté que les services du ministère des Affaires étrangères « se mobilisent » pour traiter les demandes de visas mais relève de manière diplomatique : « néanmoins, comme le rappellent certains panélistes, des progrès restent à faire. » À voir la longueur des files d’attente devant les consulats, c’est le moins qu’on puisse dire.

Par Philippe Martinat (le Parisien)

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