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20 Décembre 2019-20 Décembre 2025, 06 ans déjà que Néné s’en est allée mais demeure éternellement dans le cœur de ceux et celles qui l’ont aimée. Prions pour son Repos Paisible dans les Vignes Célestes.
Ci-après, le rappel de sa Mémoire, une plume du Gardien de le Mémoire !

NéNé….FOREVER!!!!

LIVRE DE VIE

Soh Monga était un prince babouantou dont la légende dit qu’il arrêtait la panthère vivante.
C’est en raison de sa puissance naturelle qu’il avait été envoyé à la lisière du village au lieu dit Dobpouh pour surveiller la frontière.
Il était polygame.

TIAGE ( TCHODJIEU), une de ses épouses était originaire de Bakoyé par Banka.
Elle mit au monde quatre enfants:
Siewé Jean Gutemberg, Ngeumachi Catherine, Nankam Elie et Ngandeu Elisabeth, benjamine de cette fratrie.

L’histoire situe vers 1928 l’année de naissance de cette benjamine à qui sont ainsi rendus les derniers hommages.

Son aîné Jean Gutembert s’est installé tour à tour à Edéa, puis à Douala. Il embarquera sa sœur Elisabeth avec lui et sera ainsi son tuteur depuis l’adolescence.

Le temps a passé. Elisabeth sera rappelée au village par son père au moment où Jean Djiengoué, ami de son tuteur, et soupirant, nourrissait de sérieuses intentions vis-à-vis d’elle.
Par devoir d’obéissance et malgré la réticence de son tuteur, Elisabeth s’inclinera à la volonté paternelle.
C’est le déjà quasi fiancé qui financera le voyage.
Elle sera accueillie par le père comme le fut le fils prodige des évangiles : avec faste.
Avec assurance, elle présentera son fiancé.

L’enquête immédiate initiée par le “vieux” révélera que l’intéressé était issu d’une famille qui lui avait jadis refusé une de ses filles. L’idée d’une revanche sans voie de recours le traversera et le domptera.
Par suite, son opposition inflexible brisera net le rêve du jeune couple en gestation. La fiancée déçue contera plus tard qu’elle souhaitait pouvoir rembourser un jour à un descendant de son soupirant déchu d’alors le prix du financement du voyage qu’elle considérait comme la seule dette de sa vie.

Opportunément, un demi-frère de Ngandeu Elisabeth, Maurice Yamdjieu, très écouté par Soh Monga, était proche de Jean Mbouendé en lien avec sa mère leudeu qui etait de sa famille. C’est lui qui va souffler au nationaliste la présence de sa sœur bien-aimée et organisera une rencontre dans le sens du mariage.
La mayonnaise prendra et la seule exigence de Soh Monga sera que le mariage se fasse à l’état civil bien que Jean Mbouendé fût déjà polygame.

Le mariage civil se déroulera à la chefferie babouantou en 1950.
De cette union naquirent sept enfants dont quatre encore en vie.

Astaboul était une des épouses du patriarche. La deuxième du rang et d’origine foulbé.
Sa petite sœur s’appelait Néné.
Elle l’aimait beaucoup et en souvenir d’elle, collait le pseudonyme de Néné à sa jeune coépouse Elisabeth dont la serviabilité et l’humilité lui renvoyaient l’image de sa sœur.
On est vers 1950.

Aussi, dès le temps du balbutiement de langage plus d’une décennie après, Mbouendé Awa Madeleine, sixième de la progéniture de sa maman Elisabeth ne trouva pas d’autre formule que Néné pour l’interpeller en place et lieu de Mémé. C’est à partir de là que Néné portera ce pseudonyme qui lui survivra.

Dans la vie au foyer, NÉNÉ était connue pour sa loyauté, sa fidélité, sa générosité et son ardeur au travail. Dès son arrivée, Jean Mbouendé va mettre fin au service du blanchisseur et le confier à NÉNÉ qui l’a excellemment accompli jusqu’au dernier jour du patriarche.

Chaque fois qu’elle devait faire la lessive, la première étape consistait à fouiller les poches des habits et tout contenu inhabituel était rétrocédé intégralement à qui de droit.

Ses relations avec ses coépouses étaient peintes de respect et de convivialité.
En cas d’incident, elle trouvait toujours les mots justes pour ramener la paix.
Sa vie religieuse passe d’abord par le protestantisme avant le ralliement aux Témoins de Jehovah en 1955 par le truchement d’un anglophone au moment où on s’apprêtait à la consacrer « Ancienne d’Église ».

C’est la période de troubles, les émeutes de Mai 1955. Les rumeurs distillent la fin du monde et sa reconversion repose sur ce texte servi par ce frère et qui a été le socle de sa prédication durant toute sa vie:
Mathieu: 24 14 :
« Cette bonne nouvelle du royaume sera prêchée dans le monde entier, pour servir de témoignage à toutes les nations. Alors viendra la fin »

Ce glissement n’est pas du goût de tout le monde et malgré les embûches, elle restera tenace à sa foi et se fera baptiser le 14 Août 1965 après moult discussions à cause de sa présence dans un foyer polygamique.

Mais l’acte d’état civil précédemment établi met fin à toute supputation dans sa congrégation.
Sa générosité agissante permettra qu’elle finance le départ de beaucoup de Témoins de Jehovah de Bafang pour Douala pour échapper à la guerre pendant qu’elle va suivre son mari comme certaines de ses coépouses dans le maquis de ses exploitations agricoles à Kambo-kekem.

Le témoignage de Jean Pierre Nolasque Ngop-Loti ci-après peint éloquemment la personnalité de Néné, Témoin de Jéhovah, dans sa vie familiale:

«En attendant un éclairage, à vrai dire plus anecdotique qu’utile, sur la question de savoir où Néné était allée puiser sa vocation de Témoin de Jéhovah, il est plus qu’intéressant de bien appréhender la valeur marquante – et marchande – avec laquelle elle a vécu cette confession de son choix parmi les siens ( au sens le plus large du terme ).

De mon modeste point de vue, Néné a été un modèle parfait de tolérance. Et elle a sans doute plus compris son entourage que celui-ci ne le lui a rendu…Je témoigne, sans grand risque de me tromper, que Néné aura été un Témoin de Jéhovah quasi solitaire dans son environnement de vie familiale. Mais sans complexe et avec un engagement et un sérieux jamais démentis, Néné s’est accrochée à ce choix spirituel jusqu’à la mort.

Son patriarche de mari a respecté son choix et sans doute l’a respecté aussi pour cette valeur de constance.

Personne, à ma connaissance dans ce moule familial ne l’a raillée. Et c’est tout à l’honneur des uns et des autres d’avoir vécu cela comme cela.

Toutefois, ce qui est le plus significatif à relever, c’est la capacité qu’aura eu Néné toute sa vie à vivre avec le plus grand respect les choix spirituels des autres. Ainsi, dans cette enceinte familiale où le catholicisme est l’expression spirituelle la plus pratiquée sous une certaine impulsion du patriarche lui-même, Néné était toujours présente chaque fois, toutes les fois et là où les circonstances rendaient opportune cette présence.

Sans y mettre le zèle des praticiens du catholicisme et sans transiger avec ses convictions propres, elle s’est toujours accommodée d’assister, d’être là avec respect :

c’est cette vertu de tolérance que je relève avec force et que je magnifie. Le mardi 24 décembre 2019, la famille n’a pas hésité à laisser la part belle au rituel de la spiritualité des Témoins de Jéhovah pour encadrer et accompagner Néné dans sa dernière demeure.

C’était bien comme cela de lui faire droit du respect de ses volontés.

Il n’y a point de doute qu’en activant à son tour ses pratiques catholiques pour dire ses adieux à Néné lors des obsèques officielles du 29 février 2020, la famille rendra à Néné des hommages et des adieux posthumes dont elle ne s’offusquera pas outre tombe. Au nom de la tolérance.

Oui, tolérance! Tolérance encore! Tolérance toujours!

Les descendances et les ascendances naturelles et collatérales encore vivantes de Néné veilleront à tirer le meilleur parti de ce legs. Et à le perpétuer.

C’est à ce prix que les valeurs d’unité et de rassemblement, objets d’appel lancinant tant au cours de sa vie qu’au crépuscule de celle-ci trouveront dans la famille de Néné un socle solide pour se réaliser.

C’est à ce prix que la mémoire de Néné sera perpétuée »

Mami Hélène Nitcheu Epouse Djadji, très proche de Néné va renchérir en envoyant le témoignage ci-dessus depuis la Belgique où elle se trouvait au moment de la disparition de Néné :« Néné tu nous as enseignés les paroles de Dieu par les actes.

Tu avais de l’amour pour tout le monde. Ta bonté a été constante durant toute ta vie.

Tu resteras la femme pieuse que nous avons toujours connue et la mère de tous les enfants.
Peux tu entonner la chanson que nous chantions en permanence après nos échanges
“Djam liè ze le seigneur viendra nous chercher” »

Néné arrive dans la dynastie Mbouendé en 1950, période charnière marquée par l’appel à la souveraineté et à l’indépendance du Cameroun.

Son mari Jean Mbouendé est en plein dans cette mouvance à travers l’UPC dont il est le pionnier en pays bamiléké à travers l’implantation du premier comité central à Banka en juin 1948.

Il est alors la cible focale du pouvoir colonial.
En mai 1955, sa concession est réduite en cendres par les agents du système colonial et il ne doit la vie sauve qu’en se réfugiant durant cinq ans dans le maquis de ses exploitations agricoles à Kambo-Kekem où il sera bien entouré par certains fidèles et ses épouses.

Il continuera à faire accroître la dynastie en faisant des enfants.

Jean Baptiste, Bernard, Elisabeth Kameni, Gertrude naîtront dans ce contexte.

Et c’est l’existence de ces enfants qui donnera aux détracteurs de Jean Mbouendé l’indice de sa présence permanente, lui qu’on signalait plutôt dans le Cameroun occidental.

Ceux-ci vont donc passer le temps dans les bureaux des administrateurs coloniaux pour donner les indications pour la capture ou l’élimination physique du nationaliste contre rémunération.

On avait mis à leur disposition des appareils photos pour le prendre en image et ils l’avaient fait sans tenir compte du mode opératoire de Jean Mbouendé qui diurne était caché sous son baobab et n’effectuait ses travaux champêtres que de nuit.

N’ayant pas pu aller jusqu’à leurs fins, ces calomniateurs pour justifier leur forfaiture diront que chaque fois qu’ils aperçoivent Jean Mbouendé, il se transforme en plan de café.

C’est pourquoi le 15 mai 1959, le pouvoir colonial va envoyer une horde de militaires détruire les plants de café en pleine production dans l’espoir qu’en le faisant ils réussiraient à détruire mystiquement le Nationaliste. Mais en vain.

Fatigués, ils soumettront ses épouses à un interrogatoire bien musclé pour savoir où se trouve l’abri de leur mari. Toutes diront à l’unisson qu’il doit être dans le Cameroun Occidental, pourtant elles connaissaient toutes son abri.

Deux des épouses qui n’avaient pas d’enfants (Kadji Elisabeth et Moukam) sont transportées manu-militari pour la prison de Maroua Salack.
Les autres seront dispersées et c’est ainsi que Néné trouvera refuge dans une grotte à kotcha-Bakassa en suivant les conseils de ses frères en christ qui lui avaient suggéré de ne se réfugier que du côté de la famille de son mari et c’est maman TCHOKOTÉ qui va l’aiguiller là-bas où il retrouvera son demi-frère Maurice Yamdjieu, reconverti en terroriste mais qui néanmoins va la protéger.

La tête de toute progéniture de Jean Mbouendé est mise à prix et elle était avec deux enfants, Jean Baptiste Mbouendé, 04 ans à peine et Bernard Mbouendé, à peine quelques mois.
Sa générosité les a une fois de plus mis à l’abri des malfaiteurs, notamment sa machine à coudre que son frère avait récupérée en lui prescrivant le silence.

C’était pour la confection des tenues de ses compagnons qu’ils appelaient « combattants » mais qui en réalité agissaient contre les idéaux de l’upc en perpétrant des crimes.

il convient aussi de noter le bon comportement de son bébé Bernard qui s’abstenait de pleurer malgré les mauvaises conditions d’accueil.
Et c’est pourquoi Néné n’a jamais caché son amour intense pour ce fils qui leur a sauvé la vie car tout cri aurait été une alerte donnée à l’ennemi pour la commission d’un crime.

Elle n’avait jamais avoué même à son demi-frère protecteur, savoir où se trouvait le nationaliste.

C’est à l’avènement de l’indépendance et à la faveur du mandat donné par le Président Ahidjo à Jean Mbouendé pour la pacification du Haut-Nkam, qu’ils ont pu sortir de ce ghetto pour retrouver la vie civile.

Néné avait une santé de fer.

En Décembre 2014, elle est victime d’un accident de circulation à l’entrée de la concession familiale à Banka.

Une voiture perd le contrôle et la percute. Bilan: 07 fractures, soit les phalanges, le tibia, le péroné et la cheville.

Sa prise en charge est immédiate à l’hôpital Adlucem de Banka où le docteur Achidi met en évidence toute son expertise.

L’entourage de Néné composé de Charles Mbouendé, Paul Mbouendé, Jean Baptiste Mbouendé, la sœur Germaine Mbia et les autres frères en Christ facilite sa remise en forme.

En moins d’un mois, Les plaies sont cicatrisées et elle reçoit enfin une attelle qui lui permettra de poursuivre sa convalescence et sa rééducation à Douala sous l’encadrement affable de sa bru Carole Youngoua épouse Wensileudjam et d’autres bonnes volontés.
Avril 2015, elle est enfin miraculeusement remise et peut reprendre normalement avec toutes ses activités. Sa dernière hospitalisation avant cet accident remontait à il y’a au moins vingt ans, et bien suivie cette fois-la par Marie Christine Whassom qui s’était empressée de l’amener à l’hôpital au bon moment.

Néné avait eu l’opportunité un temps de disposer largement du détergent Madar qu’elle distribuait généreusement dans son voisinage.

Il n’était pas rare qu’elle s’offre même le luxe d’en acheter sur le marché pour une redistribution gracieuse dans les hôpitaux.
Néné, agent publicitaire et mascotte de Madar : pourquoi ne pas lui concéder ce grade honorifique à titre posthume ?

Cinq ans après son accident, elle ressent un malaise le mardi 17 décembre 2019.
Tout ce qu’elle consomme est totalement rejeté.

Le lendemain, elle est conduite à l’hôpital Adlucem où elle est rapidement prise en charge et bien encadrée par ses fils Charles Mbouendé et Régine Mbouendé épouse Monthé.

Tous les paramètres médicaux usuels n’appellent aucune inquiétude.

Elle demande à voir Ange Metougué, un ancien dans la congrégation des Témoins de Jehovah.
Opportunément il vient et Néné lui remet son offrande volontaire.

Elle demande où est son homonyme Elisabeth Kameni Mbouendé. On l’appelle et elles échangent au téléphone. Après cela, elle va exiger avec insistance qu’on la ramène chez elle.

Mais le message n’est toujours pas bien décrypté par tous si ce n’est par Regine Mbouendé qui appelle les uns et les autres le vendredi 20 décembre pour venir échanger avec elle. Tout le monde est là heureusement et sacrifie à ce rituel.

Ses dernières recommandations reposaient sur la paix, l’amour, le partage et l’humilité.
Une évacuation à Douala est souhaitée par la famille pour une meilleure prise en charge. La séparation interviendra le 21 décembre 2019 vers minuit et le matin du dimanche 22 décembre 2019, les modalités de son transfert à Douala sont bouclées.

Elle a été nettoyée dans ce sens et dès que Clément Wensileudjam Mbouendeu lui a annoncé qu’il partait prendre les bagages pour venir la chercher pour Douala, elle a compris et dès qu’il a tourné le dos, elle a juste eu le temps de faire une photo avec sa fille Régine à son chevet depuis le 17 décembre 2019 à l’ultime minute et s’en est allée dans la tranquillité et la sérénité autour de 08h00 rejoindre l’Eternité.
Il faut rappeler que le 28 septembre 2019, sa petite-fille Monga Manuella donne naissance à une fille et par son nom Ngandeu en fait l’homonyme de son arrière-grand-mère.

Le 30 novembre 2019, Clément est à Bafang, Néné qui refusait toute offre de congé hors de son environnement lui dit qu’à son Prochain voyage, elle lui dira le jour où elle Viendrait passer les congés à Douala et lui remet un pagne pour sa belle-fille Carole. Elle réitère à cette occasion ses dernières volontés qui demandaient qu’elle soit enterrée suivant la dignité chrétienne.

Trois semaines après, l’évidence est là et la famille a tenu au respect de ces consignes en laissant la part belle aux Témoins de Jehovah qui l’ont accompagnée le 24 décembre 2019, quelques heures avant la naissance du Christ.
L’an de grâce 2020 est une année bissextile et nous rassemble ce 29 février qui en fait la particularité, car il s’agit du jour supplémentaire qui apparaît tout les quatre ans. Autant de signes du Ciel pour peindre l’arrivée de sa servante.

À nous d’en saisir le message.
Elle était polyglotte sans scolarisation.
Elle laisse quatre enfants, quinze petits-enfants et cinq arrière-petits-enfants.

Clément W. Mbouendeu

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