La politique est très souvent mal perçue par le grand public en Afrique francophone. Dans les pays anglo-saxons d’Afrique, le citoyen est plus éclairé et participe activement à la vie politique. Il jouit d’une culture riche et diverse pour se forger sa propre opinion. C’est donc à juste titre que le citoyen francophone ne se sent pas intéressé par des sujets qui échappent à la logique. Il se tourne alors vers la religion, le fétichisme, le sexe et les faits divers. Il se remet à Dieu.
Le rapport sur le génocide tutsi au Rwanda en est le parfait exemple. Qui sont les responsables de ce génocide ? Les interprétations ne manquent pas de nous traîner de confusions en interrogations. Le mensonge et le jeu trouble des décideurs consistent à nous guider vers des chemins sinueux et impraticables. En francophonie, c’est-à-dire dans les pays d’Afrique francophone, la position de la France est encore plus subtile. Le public est tenu éloigné de la vérité, avec la complicité évidente de tous les médias. C’est ainsi que les opérations militaires de la France en francophonie constituent de véritables nébuleuses. Bien malin qui nous éclairera sur le rôle de l’armée française au Sahel. Une armée suréquipée avec des professionnels rompus aux techniques de la guérilla, mais donc la victoire se fait attendre.

La France, actrice directe dans toutes ses anciennes colonies africaines est-elle encore capable de justifier ses errements ? Qui trop embrasse mal étreint.
Quels enseignements tirer après toutes ces années de servitude ?
Le rôle de la France en Afrique francophone est remis en cause. En effet, le monde évolue. L’Afrique veut s’émanciper d’un tuteur séculaire dont le rôle, au fil des ans, n’a fait que s’amplifier. Cette relation n’est plus supportable par une jeunesse tournée vers le monde et qui veut tracer librement sa voie. Cette jeunesse ne supporte plus les élections d’avance tronquées, des présidents à vie, des choix économiques imposés et qui ont tous échoué.
Face à ce constat amer, l’Afrique francophone a vu des activistes monter au créneau et dénoncer le rôle trouble de la France. Les médias bienveillants ne peuvent plus occulter la vérité. Les réseaux sociaux s’activent à révéler des vérités ou des mensonges qui éveillent les consciences. L’enjeu est très important.
Face à cette nouvelle fronde que la France n’a pas vu venir, la françafrique organise, sous l’égide du Togo, « Les états généraux de l’Eco, la nouvelle monnaie des pays de la CEDEAO, du 26 au 28 mai 2021. La liste des invités est impressionnante. Mais aucun activiste de renom n’a été invité. Pire encore, certains invités ont déjà décliné leur participation à ce sommet qui prolonge la soumission des pays de l’Afrique francophone. Pour eux, Emmanuel Macron a entrouvert la digue du franc CFA car des voix estiment que c’est au prix d’un sabotage de l’éco.
Pour se donner bonne conscience de sa politique africaine, Emmanuel Macron organise un sommet Afrique-France en juillet 2021 à Montpellier. Ce sommet est reporté en octobre à cause de la pandémie. L’invité principal est Achille Mbembé, un intellectuel indépendant qui a d’ores et déjà déclaré, « Les choses ne peuvent plus continuer comme avant ». Que faut-il attendre de ce sommet qui a vocation à prolonger la colonisation française ?
Dans une récente tribune, l’anthropologue français Jean-Loup Amselle titrait : « Des intellectuels africains au secours de Macron ». Pour l’anthropologue, Emmanuel Macron est soucieux de muscler sa « jambe gauche » en montrant une « ouverture décoloniale », qui apparaît à certains comme un « énième rafistolage de la politique africaine de la France ».
Mais ne nous trompons pas. Emmanuel Macron n’est pas disposé à couper la branche sur laquelle la France est assise depuis des siècles. Sa politique coloniale va se poursuivre. Certes, il est disposé à céder sur certains points car les bourrasques de la françafrique s’affichent maintenant au grand jour et écornent l’image de la France, la patrie des droits de l’homme.
La France s’enfonce ainsi, jour après jour, vers un abîme qui détruit son image en Afrique et dans le monde. Le récent rapport sur le génocide rwandais ne l’exonère pas. Elle n’a pas non plus tiré les leçons de la tragédie de l’esclavage et de la colonisation. Elle s’enfonce, inconsciente ou pas vers un néocolonialisme abject.
L’Afrique francophone doit rester en éveil pour devenir maître de son destin. Elle ne doit s’appuyer que sur ses propres enfants martyrisés de l’intérieur et qui ne baissent pas les bras pour dépasser l’esprit de servitude.

Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant

Related Posts