Accusé de « crimes contre l’humanité », Laurent Gbagbo est le premier chef d’État au monde remis à la Cour Pénale Internationale (CPI) par la France et l’ONU. Cette Cour vient d’ordonner sa mise en liberté immédiate ainsi que celle de son ex ministre, Charles Blé Goudé, après un procès fleuve, qui a vu défiler à la barre des témoins à charge qui n’ont pas convaincu les jurés. Ce verdict est un véritable camouflet contre la politique néocolonialiste de Nicolas Sarkozy sous l’égide de l’ONU.

S’il est vrai que la CPI a suspendu la remise en liberté de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, il n’en demeure pas moins vrai que cette suspension n’est que provisoire. Les deux hommes doivent encore rester sous la garde de la CPI jusqu’à ce que l’appel du parquet soit entendu. Ce n’est donc plus qu’une question de temps.

Laurent Gbagbo aura passé sept années en prison, entre quatre murs, loin de son pays natal, sous les projecteurs de néons de la Haye et de la grivoiserie de ses bourreaux. Dans un monde où la morale n’est plus une vertu, Laurent Gbagbo va retrouver la liberté alors que ceux qui l’on conduit dans cet enfer jouissent toujours d’une bonne réputation.

La CPI, très souvent décriée comme le Tribunal des africains n’échappera pas à sa réputation malgré ce verdict. Mais nous pouvons nous réjouir de la décision et du courage du juge Cuno Tarfusser qui a pris le risque de dire le droit sans passion, en des termes justes : « La Chambre fait droit aux demandes d’acquittement présentées par Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé concernant l’ensemble des charges » retenues contre eux et ordonne la mise en liberté immédiate des deux accusés.

L’Afrique est toujours confrontée à ses démons caractérisés par la peur et la soumission aux puissances étrangères qui font et défont à leur gré, les présidents des jeunes États. Laurent Gbagbo n’a bénéficié d’aucune compassion de la part de ses confères africains qui lui ont tourné le dos. Aujourd’hui libre, il reste à leurs yeux infréquentable. Mais les africains en ont fait leur héros.

Le verdict de la CPI est accueilli avec soulagement par de nombreux africains. Le peuple ivoirien devrait saisir cette occasion pour une réconciliation fraternelle car il n’a qu’un seul et même ennemi : l’impérialisme.

Un génocide volontairement ignoré en RDC

Les guerres civiles qui ont ravagé la Côte d’Ivoire et le Rwanda marqueront à jamais les esprits et l’histoire du continent africain. Il est donc de notre devoir d’en parler aujourd’hui et de dénoncer la politique de l’autruche qui est devenue une antidote pour soulager nos consciences sclérosées.

Un drame se poursuit depuis un quart de siècle en République Démocratique du Congo où les stigmates de la colonisation brutale et inhumaine de la Belgique sont toujours vivaces. La RDC est devenue un champ de bataille qui n’attirent jamais l’attention des médias internationaux complices du génocide permanent qui a déjà tué plus d’une dizaine de millions de congolais pour le contrôle des richesses minières de ce pays par les multinationales occidentales.

Le génocide en cours en RDC a commencé en 1993. Ce conflit est le plus meurtrier au monde depuis la fin de la dernière guerre mondiale. Il n’est relayé par aucun média occidental et les massacres se poursuivent impunément avec la complicité des multinationales américaines et européennes. Tous les jours, des femmes sont violées et mutilées. Des enfants et des hommes sont massacrés impunément pour que les ressources minières de ce pays alimentent les usines en occident.

Le rôle trouble de l’ONU, chargée de la protection des congolais, ne saurait non plus masquer les guerres fratricides qui opposent les ougandais et les rwandais au peuple congolais pour servir les intérêts des multinationales. Cette stratégie de diversion n’est rien d’autre qu’une ruse des multinationales pour piller les richesses minières de ce pays.

Le docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix en 2018 n’a-t-il pas dénoncé avec véhémence l’indifférence du monde libre face au drame humain dans un pays riche que les multinationales saignent en toute impunité ? Son discours tant applaudi n’a pas réveillé les consciences.

L’instabilité de la RDC fait le bonheur des grandes firmes occidentales. Elles peuvent ainsi, en toute impunité, influencer les résultats des élections présidentielles, choisir le candidat qui servira leurs intérêts et piller les ressources de ce pays avec la complicité de l’ONU et des pays occidentaux. Les déclarations des chancelleries occidentales après l’annonce des résultats de la dernière élection présidentielle en RDC sont exécrables. Elles sont sont partisanes et ostentatoires.

Le nouveau président élu de la RDC a du pain sur la planche. Le génocide en cours en concerne toute l’Afrique exposée au pillage systématique de ses richesses endogènes. Le rôle de l’Ouganda et du Rwanda ne saurait ni taire ni masquer la vérité. Il met en lumière nos égoïsmes, nos indifférences et nos faiblesses. Il est temps qu’une prise de conscience africaine réveille nos esprits.

L’Afrique mérite plus d’égard de la part des grandes nations. Elle doit être unie et solidaire pour atteindre ses objectifs du millénaire pour le développement car au bout, il y a l’émergence qui garantirait ses droits et sa souveraineté.

Par Michel Lobé Etamé
Journaliste

Related Posts