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1961- 2023, 62 ans déjà comme Jean Mbouendé était installé par le ministre d’État chargé de l’Intérieur Arouna Njoya comme premier maire élu de la commune de plein exercice de Bafang
Les états de service de Jean Mbouendé comme premier planteur et éleveur de la subdivision de Bafang, son engagement à sacrifier sa richesse et sa liberté pour lutter contre la colonisation depuis 1934 et surtout sa contribution à l’œuvre de pacification du Haut-Nkam pour épargner davantage les populations des tueries et son apport remarquable dans la campagne pour la réunification des deux Cameroun vont amener les populations à le porter en cœur et elles vont insister qu’il continu d’être leur éclaireur.
Ainsi, en 1961, presque toutes les populations avaient rallié leurs habitations aussi bien en ville qu’en périphéries, après le maquis. À cette époque, la mairie était dirigée par un administrateur-maire nommé par l’État.
Organisation du scrutin
L’ordonnance n° 59/63 du 21 novembre 1959 érigea les communes urbaines de Bafoussam et de Bafang en communes de plein exercice, avec des maires élus.
Il est bien de noter qu’avant cette loi, le Cameroun ne comptait que trois communes de plein exercice : Yaoundé, Douala et Nkongsamba.
Cette loi sera implémentée en 1961 avec l’organisation des élections municipales.
Sous l’instigation des populations, il était question que Jean Mbouendé, pour services rendus, pose sa candidature. Il a refusé en évoquant qu’il est illettré. Mais les gens se sont entêtés à porter le choix sur lui.
C’est comme ça qu’il adhère à la décision populaire et son objectif dès lors est de réaliser un des nobles objectifs de l’upc à savoir l’élévation du standard de vie de ses compatriotes après l’indépendance et la réunification pour lesquelles il a saigné.
L’arrêté ministériel n°133/INT/SC du 06 mars 1961 va préciser le sectionnement électoral et le nombre de conseillers municipaux à élire dans les communes du Haut-Nkam.
Le 15 mars 1961, le sous-préfet de Bafang et maire, Nguiamba André Robert va informer les populations qu’au terme de l’arrêté ministériel n°136/INT/SC du 08 mars 1961, le collège électoral de la commune de plein exercice de Bafang est convoqué le dimanche 09 avril 1961 en vue de procéder à l’élection des conseillers municipaux. Les déclarations de candidature devaient de ce fait être portées à l’autorité en double exemplaires au plus tard le 29 mars 1961 à minuit par chaque mandataire de liste.
Le 17 mars 1961 à 17h30min Jean Mbouendé sera à la mairie de Bafang pour déposer contre décharge une déclaration de candidature qui comprenait les noms suivants : Mbouendé Jean, Nouage Paul, Nkameni Téclaire, Pétangoué Adolphe,Djiné André et Djomatchoua Sébastien.


La couleur et le signe de leur bulletin étaient respectivement le blanc et l’arbre de paix sous le titre de l’Union Camerounaise. L’arrondissement de Bafang venait d’être muté en département du Haut-Nkam. C’est ainsi que le 29 mars 1961, le préfet par intérim va porter à la connaissance du public les listes des candidats aux élections du 09 avril 1961 et le nombre de siège à pourvoir par section électorale. Il y avait 22 listes pour l’ensemble de 06 sections, soit 99 candidats pour 27 sièges répartis en fonction de la densité de population. Le recensement signalait 10 947 âmes, soit 01 conseiller pour 405,44 personnes.
À l’issue du scrutin du 09 avril 1961, 27 conseillers municipaux sont donc élus dont les 05 premiers sur 06 de la liste de Jean Mbouendé.
Il faut préciser que la loi n°61/4 du 04 avril 1961 promulguée par le président de la République va modifier le périmètre urbain de la commune de plein exercice de Bafang.
Le 22 avril 1961, le conseil sous la supervision du nouveau et premier préfet du Haut-Nkam Obam Mfou’ou Jérémie s’est réuni pour élire un maire et 03 adjoints.
Il y avait 04 candidats en lice : Ngandjui Gaston, chef Bafang, ancien gendarme ; Djomo Isaac, ancien instituteur ; Siekapen Juimo Pierre, étudiant revenu de France et Jean Mbouendé, nationaliste.
Le décompte des voix va donner Jean Mbouendé vainqueur avec 15 voix contre 10 pour Djomo Isaac, 01 pour Ngandjui Gaston et 01 bulletin nul.
C’est ainsi que Jean Mbouendé après son parcours conquérant, devient logiquement le premier maire élu de la commune de plein exercice de Bafang.
Ses adjoints, élus également étaient respectivement : Poualeu Célestin, Wéladji Laurent, et Younga Louis.
Le 19 août 1961, le ministre d’État chargé de l’Intérieur, Arouna Njoya, fera le déplacement de Bafang pour installer le maire dans ses fonctions, dictées par le peuple.
Croc-en-jambe du préfet
Obam Mfou’ou Jérémie, nommé préfet du nouveau département (Haut-Nkam) va travailler dans un premier temps en étroite collaboration avec l’exécutif communal. Pendant les douze premiers mois, ses relations avec les conseillers municipaux, le sous-préfet et le maire étaient harmonieuses.
Malheureusement cette cohésion va rapidement voler en éclats. Dès la deuxième année, Jean Mbouendé va commencer à avoir les démêlés avec le Préfet parce que celui-ci voulait l’amener à distraire les fonds de la mairie à des fins autres que celles qui étaient prévues par les textes de la commune. Il voulait à tout prix qu’usant et abusant de son pouvoir de signature, que Jean Mbouendé lui débloque des fonds pour des objectifs exogènes au travail de la mairie.
Le maire lui a fait valoir que les fonds qui existaient avaient les objectifs sociaux qu’il fallait atteindre et qu’en aucun cas, il ne pouvait accepter d’apposer sa signature pour lever les fonds à des fins distinctes de celles-là.
L’intransigeance du maire va ainsi outrer le préfet qui aura désormais pour objectif de perpétrer un coup de force pour le déposer
Forfait du préfet
Bafang devait recevoir le chef de l’État, le président Ahmadou Ahidjo les 19 et 20 juin 1962 dans le cadre d’une visite officielle. La population va se mobiliser pour lui garantir un accueil chaleureux
Dans la journée du 19 juin, le président va recevoir les autorités de la villes et quelques élites à déjeuner à la résidence du préfet sur invitation.
N’ayant reçu aucun ticket d’invitation du préfet, le maire Jean Mbouendé sera absent à la réception. Le chef de l’État va rapidement remarquer cette absence et va demander au préfet les raisons de cette situation anormale. Il est coincé.
Toutefois, il va rapidement dépêcher Poualeu Victor, maire de la commune mixte rurale d’aller appeler Jean Mbouendé. Le maire de la commune de plein exercice va rétorquer à Poualeu Victor de se faire respecter parce qu’il est le maire de la commune mixte rurale et ne doit en aucun cas accepter que le préfet l’utilise comme son commissionnaire ou son planton.
Il va ainsi opposer une fin de non recevoir à l’invitation verbale du préfet.
Le préfet se retrouve ainsi dans un pétrin. L’absence de Jean Mbouendé a été remarquée par le chef de l’État en matinée et risque de l’être aussi au dîner du soir. Ainsi, le préfet va raviser et envoyer à la hâte un billet d’invitation en bonne et due forme au maire Mbouendé. Les civilités ayant été respectées, Jean Mbouendé, accompagnée d’une de ses épouses , va répondre à l’invitation préfectorale, mais sur le site de la préfecture et non à la résidence où se trouvait le chef de l’État, tout étant mis en œuvre pour éloigner le maire du président.
Autour de 22h, le sous-préfet Tchouassi Christophe, à la demande du chef de l’État va aller chercher Jean Mbouendé sur le deuxième site. Le couple va s’installer à proximité du président et celui-ci va ordonner au préfet de ramener tout le monde sur le site de la résidence. Les agapes vont aller bon train jusqu’à la fin de la cérémonie.
La matinée du 20 juin 1962 était consacrée aux audiences.
À 10h, c’était le tour des conseillers municipaux d’être reçus. Le président est informé des pesanteurs orchestrées par le préfet pour faire entrave au travail de la municipalité. Il a pris bonne note et rendez-vous à été pris pour l’après-midi dans le cadre du meeting de clôture de la visite.
C’était à la place de l’indépendance et le chef de l’Etat va clôturer le ballet des communications par un discours dans lequel il a explicitement félicité Jean Mbouendé pour sa contribution à l’œuvre de pacification et de construction du Cameroun. Il n’a pas manqué de le citer comme exemple de droiture et de courage.
Il mettra par le suite le cap sur Nkongsamba.
La démission collective des conseillers
À l’aube du mois d’avril 1963, le maire va adresser un rapport à Yaoundé pour informer la hiérarchie du non renversement des recettes d’impôts et autres taxes communales dans les caisses de la mairie. Cette obstruction visiblement montée bloquait l’exécution optimale du programme des travaux.
Cette attitude va une fois de plus heurter et outrer le préfet, instigateur de cette barrière.
Face au refus catégorique du maire de collaborer avec lui dans ce jeu malsain, le préfet va instrumentaliser les conseillers municipaux dans l’optique de faire plier le maire.
Ainsi, il va initier une lettre de démission collective le 25 avril 1963 qu’il va faire signer nuitamment par tous les conseillers à l’exception de deux qui ont refusé de jouer à ce jeu : Komessi Martin et Nankam Célestin.
Ensuite le préfet va convoquer le maire pour l’informer de cette situation et lui demander de démissionner à son tour. Jean Mbouendé a refusé en sollicitant que le préfet convoque les démissionnaires pour que devant eux ils disent ouvertement les motifs de cette démission collective. Le préfet a ignoré cette proposition au motif qu’il n’était pas habilité à juger les conseillers et que seul le gouvernement pouvait le faire.
Le maire lui a rappelé que le préfet est le représentant du gouvernement dans le département. Il va rester de marbre et indiquer au maire que s’il refusait de démissionner, il serait obligé d’acheminer la lettre de démission des conseillers à Yaoundé.
Jean Mbouendé va dire au préfet que si les conseillers s’estiment incapables de travailler, lui il va continuer seul et attendre la réaction du gouvernement. Il va ensuite prendre congé du préfet et va effectivement diriger la mairie seul pendant quatre mois et demi.
Le 24 mai 1963, le maire est notifié par lettre n°127/L//DHK de la démission des conseillers municipaux, un mois après le dernier entretien entre les deux hommes.
Par lettre n°101/L/CPE/BFG, le maire va accuser réception de cette notification et rappeler au préfet le caractère rancunier et dédaigneux de sa démarche, née de la dénonciation de ses convoitises non satisfaites dans la trésorerie municipale.
Sur ce, le préfet va envoyer la lettre de démission des conseillers à Yaoundé. Ici on s’en étonne d’autant plus que la commune de Bafang était parmi celles qui fonctionnaient le mieux au Cameroun. Les persécutions préfectorales ne vont pas s’arrêter là.
La destruction du pont des singes
Le préfet Obam n’entendait pas capituler ainsi. Il va mettre en œuvre un autre plan, deux mois après l’entrevue avec le maire.
Ainsi, le 06 juin 1963, il va instruire le sous-préfet de Kékem de détruire le pont des singes qui qui permettait de rallier la plantation du maire au motif fallacieux qu’il servait de passage aux terroristes. Aussitôt informé de cet acte, Jean Mbouendé va se plaindre auprès du préfet pour s’entendre rétorquer qu’il ne pouvait pas faire entorse à cette action. C’en était de trop et le maire s’est refusé de continuer à subir ces injustices préfectorales sans réagir.
Ainsi , il va se rendre à Yaoundé. Il va d’abord informer le ministre Kanga Victor de la situation . Il devait participer à un conseil ministériel. Après cela, il va lui rétorquer le lendemain que la situation sera réglée. Le ministre Enock Kwayeb va inviter le maire à déjeuner chez lui et pendant le festin, voici ce qu’il va dire au maire : « papa, nous avons pris connaissance des problèmes que le préfet Obam pose. Il faut retourner à Bafang. Tout va rentrer dans l’ordre. Même le pont des singes détruit sera refait ».
Sur ces mots, ils vont se séparer et le maire va retourner à la résidence du ministre Kanga. Son absence non signalée à Bafang depuis trois jours va créer la panique et Nouaga Paul, conseiller municipal démissionnaire est envoyé à Yaoundé pour informer le ministre Kanga de la disparition du maire. Ils vont donc tous se rencontrer à la résidence ministérielle au crépuscule de la journée. Jean Mbouendé va lui faire savoir qu’étant donné que les conseillers ont refusé de continuer à travailler avec lui, qu’il n’était plus utile pour lui de les informer sur quoique ce soit.
Le maire va donc reprendre la route pour Bafang.
À son arrivée le 10 juin 1963, le préfet va l’inviter dans son cabinet pour savoir les raisons de son absence pendant 04 jours. Il lui a répondu qu’il était à Yaoundé pour informer le chef de l’État sur le désordre qu’il a orchestré dans le Haut-Nkam et que malgré son absence, les autorités ont pris la température. Courroucé après ces propos du maire, le préfet lui a dit avec hargne de quitter son bureau. Ce que le maire va faire en restant dans la politesse. Mais la rancœur préfectorale va rester tenace.
Tentative de délogement
Le lendemain 11 juin 1963, le maire va recevoir la lettre confidentielle n°36/cf/DHK lui donnant jusqu’au 01er juillet 1963 pour libérer la maison de fonction qu’il occupait.
Le maire va immédiatement faire suivre le courrier à Yaoundé. La réaction est immédiate et enjoint le préfet de surseoir à ce désordre et de laisser le maire faire son travail.
Le maire va aussi répondre à la sommation du préfet le 14 juin 1963 en relevant que c’est le chef de l’Etat qui lui avait affecté ce logement en attendant la réhabilitation de sa concession, dont il attendait un financement bancaire à propos, détruite par le pouvoir colonial le 29 mai 1955 à cause de son engagement en faveur de la souveraineté nationale.
Acculé par Yaoundé, le préfet va tenter un rapprochement avec le maire.
Enquêtes du gouvernement
Les ministres Enock Kwayeb et Mohaman Lamine vont faire le déplacement de Bafang le 24 juin 1963.
L’émissaire du gouvernement, Mohaman Lamine, secrétaire d’État à l’intérieur chargé des affaires communales vient toucher du doigt les réalités de fonctionnement de la commune après la démission des conseillers. Il va alors instruire le préfet de convoquer tous les conseillers et le maire pour une réunion le lendemain matin à la salle de conférence de la préfecture. Le 25 juin 1963 à l’heure prévue, tout le monde est présent.
Le secrétaire d’État demande aux conseillers les raisons ayant conduit à la démission alors que la commune fonctionne bien.
Voici ce que Komessi Martin, conseiller va dire : « Monsieur le ministre, nous n’avons rien contre le maire. Le planton du préfet s’est présenté chez moi une nuit de la part du préfet et m’a demandé de signer la lettre ».
Un autre conseiller, Nankam Célestin va lui emboîter le pas dans le même sens.
Le ministre va se retourner vers le maire pour savoir sa démarche après cet incident.
Celui-ci va restituer les faits tels que déjà racontés et ajouter que depuis lors, il travaille seul.
Les autres conseillers voulaient renchérir, le ministre a refusé et a dit avoir compris l’essentiel. Il a enfin promis que le gouvernement allait prendre ses responsabilités.
Quelques semaines à peine passées, notamment le 06 juillet 1963, le secrétaire de la mairie, Banen Daniel, complice du préfet va présenter au maire un procès-verbal tronqué de la séance avec le ministre, qui ne ressortait pas les déclarations des deux conseillers qui ont exposé le préfet et celles du maire. Ils les avaient déjà envoyés à Yaoundé.
C’était devenu une habitude pour ce dernier de vouloir tronquer les lettres qu’il présentait au maire parce qu’il le savait illettré en ignorant sa sagesse.
Jean Mbouendé va réagir à l’immédiat par lettre de protestation n°115/P+C03 pour compléter ce procès-verbal et demander à Yaoundé le licenciement de monsieur Banen.
Yaoundé va directement approuver la proposition et Jean Mbouendé va le remplacer avec Ngangué, excellent joueur de football dont la présence devait aussi contribuer à renflouer l’effectif de l’unisport de Bafang en mal de célébrités.
Avant cela, le 15 juin 1863, Jean Mbouendé avait envoyé une correspondance à l’inspecteur fédéral d’administration de l’ouest pour mettre en garde Banen et dénoncer une fois de plus les agissements nauséabonds du préfet .
Yaoundé va demander à ce préfet de réunir le maire et les conseillers pour un conseil de réconciliation. Cela est fait. Le conseiller Siekapen, absent le jour de la séance avec le ministre, va écrire au maire le 31 juillet 1963 pour lui témoigner son soutien.
Le 29 juillet 1963, deux semaines après la séance ministérielle, le préfet est affecté à Douala comme secrétaire général d’inspection fédérale d’administration du littoral, une sorte de promotion à reculons. Il est également sommé de rehabiliter avant son départ le pont des singes qu’il avait fait vandaliser dans la plantation du maire.
Le préfet va appeler les deux maires pour les informer de la nouvelle de son affectation et accuser justement les méfaits sur le pont comme étant à l’origine de son départ.
Voici la réponse de Jean Mbouendé au préfet : « nous sommes désolés pour ce départ mais selon nous, il s’agit d’une promotion car vous quittez la campagne pour la ville ».
Le lendemain, ils vont se rendre à Kékem où le préfet va enjoindre le sous-préfet de reconstruite le pont cité plus haut.
Le remplaçant du préfet Obam est Koungou Edima Ferdinand et ses relations avec la commune sont harmonieuses, basées sur le développement de la cité.
Réalisations du maire
Bafang était une ville à construire et Jean Mbouendé va résolument s’y atteler, implémentant ainsi l’un des objectif du nationalisme. Il avait une indemnité mensuelle de 25 000 Fcfa et s’en contentait.
Sa première véritable œuvre est la construction et l’équipement du CEG( Collège d’Enseignement Général) de Bafang à Ndokovi et de l’ École des Filles.
Ensuite, l’adduction d’eau avec des fontaines publiques dans tous les quartiers.
L’électrification de la ville à travers une Centrale Électrique acquise par la commune et installée à Badoumga.
L’aménagement des bacs à ordures.
Les routes secondaires sont créées dans tous les quartiers. Ndokovi était un des quartiers hostiles où certains habitants, disposant des pouvoirs mystiques, empêchaient les engins de démarrer.
Par son entregent et son charisme exceptionnel, Jean Mbouendé descendait lui-même sur le terrain et avec son bâton de commandement, traçait la route et l’engin le suivait, sa présence contribuant à chasser les « prestidigitateurs ».
Le tracé actuel de Bafang correspond en fait à ce que Jean Mbouendé a fait en son temps.
La municipalité va acquérir un nouveau stade. À ce sujet, il est important de préciser ce qui suit :
Jean Mbouendé crée en 1952, Tortue Football club de Bafang.
D’autres équipes suivront après à l’instar de Jupiter FC et Génie FC dont la fusion ultérieure avec Tortue donnera naissance à Unisport de Bafang, aujourd’hui Unisport du Haut-Nkam.
Souvenons-nous également que dans le cadre de sa bataille en faveur de la justice sociale et de la souveraineté, une décision avait été prise par le haut -commissaire du Cameroun Roland Pré pour neutraliser et assassiner le nationaliste.
Le document avait été signé à la chefferie Bafang qui a abrité les chefs Bamiléké et leurs guerriers qui vont réduire en cendres la concession de Jean Mbouendé le 29 mai 1955 avec le concours de l’armée coloniale.
Jean Mbouendé n’a la vie sauve que parce qu’il s’est réfugié dans ses exploitations agricoles à Kékem où il passera cinq ans en dormant sous un baobab.
À la faveur de l’indépendance du Cameroun français et surtout de la loi d’amnistie générale et inconditionnelle proclamée par le chef de l’État Ahmadou Ahidjo, le nationaliste retrouve la vie normale en mai 1960 et contribue à pacifier le département du Haut-Nkam.
Viennent alors les élections municipales d’avril 1961 dont on est sur le chapitre. Le chef Bafang Ngandjui Gaston sera battu à plat de coutures par Jean Mbouendé. Commencent alors les grands travaux parmi lesquels, la construction du stade municipal.
Il fait le choix du site actuel qui chevauche sur le village Banka et Bafang, frontière litigieuse.
Pour ce faire, il va solliciter et obtenir l’onction des chefs de ces deux villages avant de commencer l’indemnisation des Populations déguerpies.
Ainsi nait le nouveau stade municipal de Bafang.
À la mort du chef Bafang Ngandjui Gaston, par ailleurs membre du conseil municipal, le maire Jean Mbouendé, du haut de sa grandeur, va suggérer au conseil municipal de baptiser ce stade au nom du chef défunt et par délibération municipale N°5/DM/CPE du 16 Octobre 1963, ce chef d’œuvre devient STADE MUNICIPAL NGANDJUI GASTON DE BAFANG.
Et l’histoire continue.
Sa bonne collaboration avec le chef Banka Tienkwemo va permettre que le monarque mette à sa disposition des parcelles pour la construction des édifices publics, même après lui, notamment :

  • La résidence actuelle du préfet,
  • Le CES aujourd’hui lycée classique de Bafang,
  • La mairie de Bafang,
  • Le lac municipal,
  • Une partie du Stade municipal
  • Un grand espace à Djenkaaté s’extrapolant à Djessah pour la construction d’un aérodrome.
    Le maire va construire beaucoup d’autres écoles primaires et les bâtiments de l’hôpital départemental encore bien solides aujourd’hui
    Le préfet Koungou ne mettra pas du temps à Bafang et sera remplacé par le préfet Djongang Isaac le 18 juillet 1964. Il est affecté à Yabassi et l’harmonie va continuer de régner entre la mairie et son successeur pour le grand bien de la cité.
    Mais les projets notamment la construction de l’aérodrome et autres vont disparaître avec son arrestation arbitraire en juillet 1965, suite à une fausse accusation forgée et montée toute pièce depuis Douala par l’ex préfet Obam et son frère commissaire Mfou’ou Nvondo, selon laquelle Jean Mbouendé était un financier d’Ernest Ouandié et pourtant le maire était connu pour être un apôtre de la non violence. C’étaient les conséquences de la rancune alimentaire.
    Son dossier restera vide, mais n’empêchera pas que le maire passe 05 ans et 06 mois dans les geôles et les pénitenciers les plus cyniques du territoire, sans jamais être jugé, récompense de sa bonne gestion.
    C’est ainsi que Bafang sera aussi privé de ses plus belles couleurs dont le fondement a pris naissance dans le nationalisme.
    NB : Toutes les victimes liées aux casses du développement étaient recensées et indemnisées au franc près.
    Anecdotes
    Qui ne se souviendra de ces récits anecdotiques empruntés à tort ou à raison au maire illettré Jean Mbouendé, paraphrasés par ses admirateurs dans les chaumières et les gargottes ?
    1- Je suis votre maire, Ngueuh Nsièh meuh Mayi( faisant allusion à la mère suivant sa traduction en Bafang) ;
    2- Les routes sont « vénéneuses », c’est-à-dire parsemées d’herbes. J’utiliserai le Caterpillar pour « catepilariser » les routes et le « naak-naak »(galion) pour « naak-naakliser » ;
    3- Je construirai les écoles normales pour les filles et les écoles « normaux » pour les garçons ;
    4- Unisport, que « joue joue vous » ? À Nkongsamba on vous bat, à Bangangté on vous bat, à Bafoussam on vous bat, à Bafang ses sep on vous bat. Prenez cette pauvre prime et allez au carrefour Bounga. Si vous voyez le « management, mangez-vous » si vous voyez « le boivement, boivez-vous »
    La culture du café s’était aussi identifiée au maire, son parrain à l’ouest au point où pour dire que ça va à la question de « Yamelah », on répondait : « yah meuh lah cafi massa Jean Mbouendé » comme pour dire que ça marche comme les rangées de caféiers de monsieur Jean Mbouendé.

Moralité
Si Jean Mbouendé a effectivement tenu les discours qu’on lui prête là parce qu’il était non scolarisé, il faudrait plutôt saluer sa bravoure et sa grande capacité à faire entendre sa pensée. S’il l’a dit, il l’a fait. Puisse son exemple inspirer la nouvelle classe politique.

Clément W Mbouendeu
Gardien de la Mémoire de Jean Mbouendé

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