Yaoundé était en ébullition pour accueillir la 15ème session ordinaire de la Conférence des chefs d’Etats de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) le 17 mars 2023. Cette assemblée des hauts dignitaires de la sous-région marquait aussi le passage de témoin entre le président en exercice Paul Biya et son homologue de la République Centrafricaine, Faustin Archange Touadera.
Attendue depuis plus deux ans, cette conférence devait aussi aborder des pistes de réflexion pour réformer le franc CFA. Il n’en a rien été. Les présidents des pays participants « ont décidé de ne pas décider ». Cette décision est un véritable pied de nez à tous les détracteurs du franc CFA convaincus que l’avenir monétaire de l’Afrique francophone ne se fera pas avec une monnaie coloniale qui brise tous les efforts de développement des pays concernés.
La décision des chefs d’Etats de la CEMAC nous interroge sur l’attitude de nos dirigeants face à des sujets qui conditionnent l’avenir de l’Afrique. L’occasion était pourtant belle face à un parterre qui réunissait, une fois n’est pas coutume, tous les dirigeants en présentiel.
Les détracteurs du franc CFA trouveront ici une nouvelle occasion de cracher leur venin à l’égard de leurs dirigeants incapables de débattre d’un sujet qui passionne l’Afrique francophone.
La colère des détracteurs du franc CFA est légitime car le sujet cristallise tous les enjeux politiques, économiques et sociaux.
Qu’est-ce qui peut justifier la frilosité des dirigeants d’Afrique francophone chaque fois qu’ils ont l’occasion d’aborder ce sujet ? Le sujet a été abordé officiellement en 2019 quand le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, déclarait : La France est ouverte à « une réforme ambitieuse » du franc CFA. Il rappelait toutefois que c’est aux Etats membres de la définir.
A ce jour, les dirigeants africains francophones rasent les murs sur le sujet. Les débats qui ont lieu à la CEMAC ou à la CEDEAO restent stériles. Il n’en sort rien.
L’histoire postcoloniale de l’Afrique francophone n’est pourtant pas sans éclats. Des présidents africanistes des premières heures de l’indépendance ont osé dénoncer le franc CFA. Ils ont été sauvagement assassinés ou poussé à l’exil. Ce traumatisme hante-t-il toujours les dirigeants actuels ou ont-ils choisi la servitude volontaire en échange de mandats illimités qui garantissent la succession à leurs enfants auprès de leurs mentors ? Dans les deux cas, l’Afrique francophone doit débattre des dossiers urgents qui alimentent les débats qui inondent les médias et les réseaux sociaux. La jeunesse africaine et la diaspora ne sauraient reporter les échéances alors que l’Afrique est entrée, malgré elle, dans la mondialisation.
La peur étrille sans doute nos dirigeants car leur légitimité est discutable. Se prononcer publiquement sur le franc CFA est synonyme de désobéissance et de trahison de ses maitres. La peur d’une sentence violente qui les éjecterait de leur siège est redoutée.
Ce statut quo ne va pas apaiser la colère des détracteurs du franc CFA. Il risque d’apporter de l’eau dans leur moulin. Cette colère est justifiée. Elle va animer les débats dans la diaspora et la jeunesse. Elle va aussi allumer la flamme des africanistes qui mènent un combat juste contre le néocolonialisme. Les chefs d’Etats de la CEMAC sont-ils frappés de cécité ? Autour d’eux, la rue bouillonne.
Ces chefs d’Etats constituent le dernier rempart de la françafrique. Avec leur départ, la jeunesse africaine va recouvrer sa souveraineté qui est indispensable à l’entrée de l’Afrique vers le mondialisme.

Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant

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