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AU SENEGAL
le 6 octobre 2025, le gouvernement sénégalais a annoncé triomphalement la venue du Forum Invest in Sénégal 2025 (Fii 2025) soi-disant pour accélérer l’afflux de capitaux étrangers dans le pays.
Le président du Sénégal Diomaye Faye mentionne dans la présentation du forum, trois secteurs déterminants :
1) Énergie : l’exploitation du gaz naturel de Yakaar-Teranga, combinée à des investissements dans le solaire et l’éolien, vise à faire du Sénégal un hub énergétique régional, à la fois exportateur et compétitif en coût d’électricité.
2) Infrastructures : le Port de Ndayane (1,2 milliard de dollars), le corridor Dakar-Bamako et les projets hydrauliques de grande envergure doivent renforcer la connectivité logistique et sécuriser l’approvisionnement en eau.
3) Numérique : le développement d’un cloud souverain, d’un centre national de données et le soutien à un écosystème de startups dans la fintech, l’IA et la cybersécurité cherchent à diversifier l’économie au-delà des secteurs traditionnels.
Source : https://www.afp.com/de/node/3798910
Pour notre analyse d’aujourd’hui, contentons-nous juste du premier secteur : l’énergie.
Si le président sénégalais cherchent des investisseurs pour le secteur de l’énergie, on appelle cela en économie : la privatisation de l’énergie.
Nous avons déjà un pays qui a recouru à cette solution, c’est le Royaume Uni où une telle pratique a plutôt plongé le pays dans la crise économique n’est d’un manque de compétitivité.
En effet, la privatisation de l’électricité au Royaume-Uni a entraîné une hausse des prix, une perte de souveraineté énergétique et une précarisation des consommateurs, nuisant à la compétitivité globale du pays.
Voici les principaux enseignements que les pays africains pourraient tirer de l’exemple britannique mais qu’ignore le président sénégalais Diomaye Faye :
Après la privatisation dans les années 1980 sous par la première ministre britannique, Margaret Thatcher, qui était convaincue que s’il y a de nombreux concurrents dans tous les secteurs de l’économie, y compris le secteur électrique, les prix devraient baisser, on a plutôt constaté que les prix de l’électricité ont augmenté de manière continue. Les promesses de baisse durable des coûts grâce à la concurrence ne se sont jamais concrétisées.
Perte de Souveraineté :
En plus de la hausse des tarifs pour les consommateurs, on a surtout constaté une perte de souveraineté énergétique du pays : Les infrastructures énergétiques britanniques sont aujourd’hui majoritairement contrôlées par des groupes étrangers, notamment EDF (France), E.ON et RWE (Allemagne). Cela limite la capacité du gouvernement britannique à orienter sa politique énergétique selon ses intérêts nationaux. Mais ce n’est pas tout.
Précarisation énergétique :
Des millions de foyers ont été contraints d’utiliser des compteurs à prépaiement, qui coupent automatiquement l’électricité en cas de crédit épuisé. Ce système, facilité par la dérégulation, a aggravé la précarité énergétique, surtout en période de crise.
Concentration du marché :
Malgré l’ouverture à la concurrence, le marché est devenu oligopolistique. Les concurrents, au lieu de se livrer à la guerre des prix espérée par madame Margaret Thatcher, ils se sont accordés, pratiquant tous les mêmes prix élevés. Résultat des courses : les consommateurs n’ont aujourd’hui qu’un choix limité entre des offres souvent opaques, et les petits actionnaires n’ont aucun pouvoir réel sur les décisions des grandes entreprises électriques du pays.
Le plus grave, Impact négatif, sur la compétitivité nationale :
L’instabilité des prix de l’énergie, la dépendance à des acteurs étrangers et l’absence de vision stratégique publique affaiblissent la compétitivité industrielle du pays. Les entreprises britanniques sont exposées à des coûts énergétiques volatils, ce qui nuit à leur performance sur le marché mondial.
Pourquoi la privatisation voilée de l’électricité voulue par Diomaye Faye peut être contre-productive ?
L’énergie est un bien stratégique : Elle conditionne le fonctionnement de tous les secteurs économiques. Une gestion publique permet de garantir l’accès, la stabilité des prix et une planification à long terme. L’invitation faite aux entreprises privées étrangères à travers le forum Invest in Senegal 2025 est une forme de privatisation cachée à travers laquelle, le profit privé va forcément entrer en conflit avec l’intérêt général : Les entreprises privées cherchent à maximiser leurs bénéfices, parfois au détriment des investissements dans les infrastructures ou de la protection des consommateurs.
L’exemple britannique nous montre que les entreprises privées qui vont produire l’électricité au Sénégal, ne seront pas pressées pour renouveler les infrastructures, mettant comme priorité, la distribution des dividendes aux actionnaires.
Au final, il faudra que l’État mette en place des mécanismes de contrôle très coûteux pour encadrer les opérateurs privés, qu’on espérait inviter pour sauver le pays, avec des résultats souvent insuffisants, constatés au Royaume Uni.
En conclusion
L’exemple du Royaume-Uni montre que la privatisation de la production d’électricité n’a pas amélioré la compétitivité du pays. Elle a plutôt engendré des déséquilibres économiques, sociaux et stratégiques. À l’inverse, un service public bien géré peut favoriser une énergie accessible, stable et orientée vers les besoins collectifs.
Source 1 : https://www.fnme-cgt.fr/notre-blog/royaume-uni-le-pays-du-liberalisme-enterrera-t-il-les-marches-de-lenergie/
Source 2 : https://multinationales.org/fr/a-chaud/actualites/comment-le-royaume-uni-a-privatise-son-electricite
Mais le plus grave de toute cette histoire n’est pas ce que je viens d’écrire, mais ce qui suit.
Le plus grave est que si vous accusez Diomaye Faye ou Sonko de vouloir privatiser l’électricité du Sénégal, ils vont jurer que ce n’est pas leur intention. Et vous savez quoi ? Il aurait raison de le dire, il serait en train de faire une telle affirmation en toute honnêteté, en véritable bonne foi.
Et c’est ici que nous avons le lien avec le Niger.
Les africains croient qu’il existe dans ce monde, des investisseurs internationaux qui ont tellement d’argent à jeter par la fenêtre qu’ils sont prêts à investir sur n’importe quels projets qu’on leur présenterait en Afrique.
Ils croient que ce qui est prioritaire pour eux, l’est forcément pour le monde entier. Ils ne font jamais l’effort pour se mettre à la place de l’investisseur, pour se poser les bonnes questions, comme, pourquoi choisir le pays africain et non un pays asiatique ?
Pour attirer ces investisseurs, les pays africains font des promesses alléchantes sans à aucun moment se rendre compte que c’est précisément ce qui va les conduire dans 10 ou 20 ans devant une cour d’arbitrage qui à 70% donne raison au privé investisseur.
Diomaye Faye pourrait vous jurer qu’il n’est pas en train de privatiser l’électricité du Sénégal, parce qu’il est en bonne foi convaincu qu’il y a des possesseurs de capitaux qui vont venir mettre leur argent dans des entreprises publiques sénégalaises, comme celles de l’électricité sans chercher à un moment donné ou à un autre d’en prendre le contrôle.
Les africains ne lisent pas ce que les investisseurs internationaux écrivent à leurs actionnaires des bonnes affaires sur le continent africain.
Il ne s’agit pas d’un simple malentendu, mais il y a une des deux parties au contrat qui n’a pas bien lu les clauses ou n’a pas lu toutes les clauses.
Il y a surtout un petit détail que les africains ne lisent pas et qui va nous introduire le prochain sujet sur le Niger, c’est qu’en cas de litige, c’est la Banque Mondiale qui en sera l’arbitre, notamment à travers, le Cirdi.
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Jean-Paul Pougala
Vendredi le 10/10/2025