Les élections présidentielles au Cameroun ou le bal des putatifs.

(édito)

Ils ont osé ! Ce que redoutait la population est arrivé. Le candidat Maurice Kamto a été recalé. Le pouvoir
politique qui règne sans partage depuis quarante décennies n’est pas disposé à quitter le pouvoir en
organisant des élections transparentes. Il faut dire qu’il n’est pas à sa première lubie. Il n’est pas facile et
aisé pour un système complotiste et boulimique de renoncer à des pratiques dénoncées qui ont vu
s’enrichir une clique de parvenus.
Le pouvoir rend-il donc cynique ? On peut le croire. Un homme, Paul Biya, s’accroche au pouvoir, au
mépris de son bilan calamiteux qu’il ne peut défendre. Ses lieutenants s’en chargent et prennent en otage
un peuple lessivé, usé, appauvri, malade et sans espoir. L’heure n’est plus aux promesses. Tout est échec
dans le pays. La jeunesse s’accroche à l’espoir. Et il peut tout changer au cours des élections qui se
profilent. Pour cela, il faut battre dans les urnes le pouvoir politique RDPC qui est au bout du rouleau.
Les subterfuges ne manquent pas. Le pouvoir ou le chao, entend-on ici et là. Le chao surtout car cette élite
qui règne sans partage n’est pas disposée à faire le vide. Elle ne peut plus s’appuyer sur ses mensonges.
La dernière carte est abattue, celle du recalage des candidats sollicités pour un vrai changement. Le
RDPC, comme un roi nu en fin de règne n’hésite pas à jouer ses dernières cartes. Non seulement il faut
disqualifier celles et ceux qui lui font ombrage, ce pouvoir vorace ne lésine pas sur les moyens. Ce sera le
RDPC ou rien. Le chao est programmé.
Dans ce contexte, les élections auront bien lieu. En tête de liste, Paul Biya suivi de son armée de putatifs.
Ces faire-valoir savent qu’ils n’ont aucune chance. Mais comme le dit la vielle rengaine, tout fait nombre.
Le monde ne risque pas de s’émouvoir car la pratique est courante dans les autocraties. Mais au
Cameroun, un critère nouveau vient ternir le candidat de toujours : l’âge de Paul Biya ne lui permet pas de
solliciter un nouveau mandat.
La constitution sur mesure lui permet tous les abus, même les plus soporifiques. Il n’y a pas de limitation
d’âge ni de mandat. Le clan des hyènes en profite. Le vieil homme est présenté, sous un verbiage
dithyrambique, comme un nouvel homme dans un pays en déshérence.
La publication de la « liste officielle » des candidats pour la prochaine élection présidentielle trahit, à n’en
pas douter, la peur des tenants du pouvoir. Un climat délétère s’installe. La jeunesse éveillée n’est pas
disposée à avaler, une fois de plus, ces couleuvres indigestes qui font miroiter un avenir certain. Tout est
échec dans le parcours chaotique du vieux Lion qui n’a pas été capable de se réinventer.
Faut-il redouter un désordre social dans ce climat gangrené par le népotisme ? La mise à l’écart de
Maurice Kamto est l’expression d’un pouvoir aux abois, anarchique, gangrené par la peur et qui doit
rendre compte des abus qui ont émaillé son règne long et arbitraire. Entre le désespoir et les protestations,
le Cameroun saura-t-il faire preuve de sagesse en organisant des élections libres transparentes à l’image
du Sénégal ou du Bénin ?
Les élections présidentielles au Cameroun sonnent comme le glas des dirigeants impotents et
irrévérencieux qui présentent, une fois de trop, des putatifs aux électeurs avisés. Le peuple souverain du
Cameroun mérite mieux. Il a été soumis trop longtemps à la galère du jour, à la maladie et tout
simplement à la pauvreté matérielle et d’esprit qui jettent dans la rue des générations d’enfants sacrifiés.
Certes, les putatifs sont nombreux pour éparpiller les voix, mais un constat retient l’attention : qui pour
barrer la route à Paul Biya dont les lieutenants sont disposés à bourrer les urnes d’électeurs morts ?
Dans la liste restrictive qui interroge, des noms masquent la mascarade en cours. La jeunesse sollicite un
homme de consensus qui n’est pas marqué par le tribalisme systémique en cours et la corruption qui sont
devenus la marque de fabrique du régime RDPC. Et si cet homme s’appelait Cabral Libii que la jeunesse
sollicite ?

Par Michel Lobé Etamé
Journaliste Indépendant, Romancier et Essayiste.