Accord pour l’exploitation/Projet de gaz naturel de Yoyo dans le bassin de Douala

En marge de la 15ème session de la conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de la CEMAC, le Président camerounais et son homologue de la Guinée Équatoriale ont signé dans la soirée du 17 mars 2023 un accord pour l’exploitation des champs pétroliers et gaziers transfrontaliers de Yoyo (Cameroun) et Yolanda du côté de Guinée Équatoriale. Jusqu’ ici les détails de l’accord n’ont pas été divulgués et il n’en demeure pas moins que le constat soit clair ; le Cameroun vient de marquer par-là son accord que le gisement de pétrole et gaz de Yoyo soient exploités à partir de la Guinée Équatoriale ce qui fait de camerounais des rentiers à part entière.

 On nous présente les projets gaziers de Yolanda et yoyo comme deux gisements ; ce qui est complètement faux. Dans notre métier de géologue ; un gisement est différent de l’autre quand les deux appartiennent à deux structures géotectonique différente ; dans le cas d’espèce, Yoyo est la continuité de Yolanda dans la zone maritime camerounaise en langage simple nous avons ici à faire à un gisement unique car on ne saurait exploiter Yolanda sans Yoyo au nom du principe des vases communicantes.

L’idée d’exploiter conjointement ces projets ne vient pas de l’intelligence de nos politiciens ou de nos conseillers spéciaux ; mais de la nature qui impose l’unification des deux projets pour en faire un seul car il n’existe qu’un seul gisement qui s’étend dans les deux états.

 Comme vous pouvez le constater sur la carte ci-dessus, il ne faut pas être un expert pour voir que le projet gazier Yoyo est proche des cotes maritimes camerounaises. Il est surprenant de constater que l’accord autorise l’opérateur d’extraire le gaz de Yoyo pour aller le transformer à Punta Europa dans la presqu’îles de Bioko ce qui fait deux fois la distance entre Yoyo et Limbe.

Comment est-ce possible ? On nous fait comprendre que la Guinée Équatoriale a déjà les infrastructures en place (gazoduc, station de traitement LNG et LPG), devrions-nous pas se demander comment la Guinée a pu se doter de ces infrastructures et le Cameroun pas ?

Pour rappel l’exploration du pétrole commence au Cameroun en 1947, la production commerciale commence en 1972, en 1977 le Cameroun devient un pays producteur du pétrole tandis que la Guinée Équatoriale devient pays producteur du pétrole en 1996, 21 ans plus tard après Cameroun. Aujourd’hui, la Guinée Équatoriale impose au Cameroun sa vision du développement sous régional en matière d’énergie. Ceci est réalisable grâce à une stratégie nationale du développement du secteur des hydrocarbures bien définie et mise en application, ce qui n’est pas le cas au Cameroun où le secteur pétrolier est resté pendant longtemps un sujet tabou et géré de manière opaque.

Pourquoi un pays comme le Cameroun qui veut faire du secteur pétrolier et minière la flèche de lance de son économie n’a jamais pris la décision de créer un ministère du pétrole et un ministère des mines ? Le Cameroun s’est juste limité à créer la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) et la Société nationale des mines (Sonamines) qui, a tort substituent le rôle des ministères et pourtant leurs missions sont définies dans leur décret de création.

Le Cameroun n’a pas de stratégie, ni de vision ou même de master plan du développement du secteur pétrolier ou minier. Nous faisons de la navigation à vue sans aucune connaissance de notre sous-sol, aucune maîtrise de nos ressources minières, nous sommes dépendants des opérateurs qui nous imposent les règles de jeu. Ce qui emmène le Cameroun à signer des contrats et des accords léonais.

L’accord qui a été signé à Yaoundé le vendredi dernier est un accord à caractère symbolique car ce n’est ni l’état guinéen, ni l’état camerounais qui exploitera ce gisement, il reviendra à un opérateur de le faire. Actuellement, c’est la compagnie américaine Chevron qui détient les droits sur ces deux projets qui précédemment appartenaient à Noble Energy .

Situé à environ 50 km à l’est de l’île de Bioko, dans 896 mètres d’eau, le champ gazier de Yolanda a vu son premier puits I-3 foré en 2007 à une profondeur totale de 2 890 mètres. Le puit a été testé avec des débits de condensat de 371 b/j et de gaz naturel de 36 mcf/j.

 D’autre part, le champ gazier de Yoyo est situé à 528 mètres d’eau, à l’est de Yolanda, son puit YoYo-1 foré en 2007 a été testé avec des débits de condensat de 330 bpj et de gaz de 31 mcf/j

 Le développement des découvertes de gaz de Yolanda et YoYo pourrait être facilement exécuté en utilisant l’infrastructure existante de la Guinée Équatoriale et en traitant le gaz à Punta Europa, où la Guinée Équatoriale dispose d’une infrastructure de traitement du gaz, y compris un terminal LNG, une usine de méthanol et une usine de LPG.

 Libérer le potentiel de la coopération gazière régionale dans le golfe de Guinée nécessite plusieurs accords commerciaux et juridiques multipartites et multi gouvernementaux qui ont jusqu’à présent retardé les projets. Si l’accord signé à Yaoundé cette semaine envoie des signaux positifs, sa nature reste inconnue.

 En plus, le développement conjoint de Yolanda et YoYo nécessiterait des accords supplémentaires avec l’opérateur Chevron. La présence à long terme du Major “chevron” dans la région reste incertaine. En décembre 2021, Chevron a signé un contrat de partage de production (PSC) pour le bloc d’exploration EG-09, juste au sud de ses blocs O et I. Mais quelques mois plus tard, Reuters a rapporté que la major avait engagé la banque d’investissement Jefferies pour vendre ses actifs dans le pays.

 Dr Bareja Youmssi

Enseignant -chercheur

Expert en pétrole et mines.

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