Par J.F. WANDJI K.

Professeur de Droit public

Depuis le déclenchement de la « guerre sanitaire » contre le Corona virus, des « scientifiques » et autres quidams se succèdent à gorge déployée sur les plateaux de télévision française pour réclamer que des tests du vaccin contre cette maladie soient rapidement effectués en Afrique subsaharienne, jusqu’alors épargnée par la pandémie.

A ce stade le moins que l’on puisse relever, c’est que cette initiative défie l’imagination mais  révolte la conscience humaine seulement sur les réseaux sociaux, dans l’indifférence des autorités de régulation des médias et des hommes politiques alors même leurs auteurs et complices portent atteinte à la dignité humaine et à l’égalité des races ou des peuples.

Dans ces conditions, comment ne pas prêter une oreille attentive à la thèse du complot qui enfle chaque jour ? Sans pour autant vouloir y verser, on est bien forcé de constater qu’un certain nombre de choix et silence interrogent, car ils tendent à donner à cet appel médiatique à la violation des droits  intangibles des africains un caractère politique.

D’abord, il y a la récurrence du rôle relais de la télévision qui offre une tribune et du temps d’antenne aux partisans d’un test à grande échelle sur les africains subsahariens, au motif qu’ils sont pauvres et surpeuplés,  comme si ces médias consentaient à préparer l’opinion à accepter les  violations  à venir, et comme s’ils avaient la conviction que l’État en Afrique noire  avait démissionné à assumer son rôle de protection de sa population.

Ensuite, comment expliquer la coïncidence entre un programme de vaccination de masse en Afrique subsaharienne et les déclarations d’un certain nombre d’acteurs de la scène internationale sur l’imminence de millions de morts en Afrique dans un avenir proche par suite du coronavirus.

Enfin le dernier choix qui interroge, c’est la coïncidence entre les pays choisis pour  la campagne  de test de vaccin Covid 19 et le caractère démocratique discutable des régimes en place, leurs chefs d’État étant soit mal élus, soit susceptibles d’être l’objet d’une incrimination devant la Cour pénale internationale.

Quant au silence qui interpelle, c’est celui des personnes physiques ou morales investies du pouvoir de la parole officielle : les chefs d’État (notamment ceux des États autoproclamés défenseurs des droits de l’homme ou gendarme international) et l’Organisation des Nations-unies, ce d’autant que la raison d’être de cette dernière réside dans la protection des droits humains  et de la coexistence pacifique entre les nations ou les peuples. Dans les faits, au sein de l’organisation universelle, ce but s’est traduit par l’adoption de nombreux  textes  (généraux  ou catégoriels) sur les droits humains ou par la caution à la création de la Cour pénale internationale dont le Statut interdit notamment le crime de génocide,  et plus généralement  le crime contre l’humanité.

 La question que l’on peut maintenant se poser, c’est celle de savoir si les politiques ont un temps perdu de vue que ces qualifications graves peuvent  être  retenues en cas de vaccination de masse forcée ; à tout le moins, ont-ils oublié une de leurs obligations fondamentales, c’est-à-dire l’obligation de protéger qui pèse sur la Communauté internationale en cas de violation ou de tentative de violation des droits humains intangibles, inviolables en toutes circonstances  ?  Au minimum, cette responsabilité de protéger contraint les porte-paroles des États a fortiori  de l’ONU à manifester au plus vite leur désapprobation en condamnant par la parole ou par l’écrit  les propos des auteurs des appels à tester le vaccin du Coronavirus sur la population africaine au seul motif qu’il s’agit d’un continent pauvre et surpeuplé .

Au demeurant, la qualification de crime contre l’humanité susceptible d’être retenue n’est pas excessive pour peu qu’on établisse un lien entre ce qui se prépare et la notion. Pour faire simple, d’abord la vaccination projetée est décriée comme inhumaine parce qu’elle demande à être effectuer à grande échelle : c’est la condition de sa validation, et par cela elle  est de nature à causer des souffrances ou des atteintes graves à la santé physique ou mentale d’un nombre suffisamment  important de personnes choisies non pas avec leur consentement mais  exclusivement sur la base d’un critère racial ( noir et pauvre).  Ensuite, il entre dans l’appréhension du crime contre l’humanité deux éléments, le premier  c’est l’existence  d’une discrimination de masse dont fait l’objet la cible concernée, et le second est le caractère politique de la commission.  

A regarder  la cible test préconisée par les scientifiques et la liste des États déjà officiellement  retenus (Burkina Faso, Gabon, Côte d’ivoire, Mali, RDC, Sénégal, …..), même le plus étourdi d’entre nous saisit qu’il s’agit  d’une discrimination à l’échelle d’un peuple. Et pour cause, une population clairement identifiée par la race est visée, celle de l’Afrique noire à l’exclusion de l’Afrique blanche et des autres continents.   On pourrait alors nous rétorquer qu’il ne s’agit pour l’heure que d’un appel, qu’importe ! Il n’en est pas moins répréhensible que la commission elle-même.

Le caractère politique d’une telle initiative relève non seulement du mutisme des politiques déjà relevé face à la récurrence de l’appel à vacciner les noirs d’Afrique,  mais  plus encore de la caution apportée par des gouvernements africains là où ils ont l’obligation d’agir pour  décourager  tous tests médicamenteux sans le respect des conditions minimales, à savoir  avec le consentement des cobayes et la mise en place d’un protocole de prise en charge en cas de problèmes éventuels. On pourrait même imaginer qu’ils aient  déjà accepté ou reçu  des compensations financières, auquel cas, comme l’accoutumée, elles feront l’objet de détournement.

Aussi, à l’attention des chefs d’État qui les auraient acceptées  de bonne foi,  peut-être qu’une incursion dans l’Histoire lointaine ou récente devrait-elle  les aider à surmonter leur apparente naïveté. Alors qu’ils se souviennent, à partir d’un seul exemple, qu’en échange de l’aide alimentaire dans les années 70, l’Inde sous Indira Gandhi  a effectué  sur son territoire des campagnes à grande échelle qui a conduit à la stérilisation de plus de 6 millions d’hommes et 8 millions de femmes sans le consentement des victimes.  Pire, les effets de cette campagne sont encore visibles aujourd’hui dans la population.

Par conséquent, si on veut faire mentir la thèse complotiste et arrêter de faire prospérer l’idée selon laquelle le seul crime d’Hitler, c’est finalement  d’avoir tenté  de faire en Europe ce qu’on croyait possible seulement  ailleurs,  il est temps que la Communauté internationale siffle la fin de cet appel incessant à la discrimination médicale fondée sur la race, que les ONG de défense des droits humains,  pourtant promptes à se saisir de la moindre croix gammée inscrite sur une quelconque sépulture,  fasse ce travail de veille pour lequel elles reçoivent des dons, sauf à  faire croire qu’elles craindraient d’en perdre.

Dans l’attente, il semble impératif que la population des indignés, qui fort heureusement  transcende les races, continue avec la même pertinence et de manière toujours  non violente à manifester son droit de résistance à l’ignominie. Elle a pour elle la justesse de la cause et les réseaux sociaux, et si ce projet lugubre venait après tout à se matérialiser, il y a fort à parier que les responsables répondraient de leur crime moins devant les tribunaux que devant l’Histoire, celle qui s’écrit avec un « h » majuscule. Pour mémoire, rappelons que les auteurs d’antan de crimes contre l’humanité  (en ce compris l’esclavage et la colonisation), condamnés ou pas,  sont encore vilipendés aujourd’hui, ce qui a le don d’agacer bon nombre au-delà de leur descendance propre.  Dans celle-ci, il faut  assurément compter celle de la progéniture des hommes politiques africains  actuels complices du test  parce qu’elle sera certainement écartée de la population cible au détriment des enfants pauvres des quartiers populaires déjà victimes de leur incapacité à mettre en place une véritable politique de santé et de réduction des inégalités sociales. La double sanction en somme, mais qu’ils se consolent de savoir que la sanction de l’Histoire est plus forte encore, car seule la vertu rend éternelle les actes et le nom.

10 avril 2020

J.F.Wandji K, Professeur de droit public

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