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La COP 28 s’est achevée ; opportunité ou menace pour l’Afrique ? Par exemple dans le secteur du bâtiment ? L’Afrique a-t-elle à gagner ou pas pour rendre possible la promesse de 63 états du monde à limiter leurs émissions liées au refroidissement ?

Le 05 décembre 2023 à Dubaï, lors de la COP 28, 63 états ont pris le pari de limiter leurs émissions liées au refroidissement de 68% en 2050, par rapport à 2022(Global Cooling Pledge)1. Parmi ces états, nous avons le Kenya, le Tchad, l’Ethiopie, le Ghana, la Côte d’Ivoire, au milieu d’autres comme la Belgique, le Canada, le Chili, l’Allemagne. C’est une initiative qui va contribuer à limiter l’augmentation de la température moyenne à l’échelle du globe en dessous de 1,5°C avant la fin de ce siècle. Les technologies de refroidissement concernées par cette promesse sont la réfrigération des aliments et des médicaments ainsi que la climatisation. Pourquoi agir sur le refroidissement ? Parce que ses technologies rejettent dans la couche d’ozone des fluides frigorigènes (présence de fuites au niveau du circuit frigorifique des équipements) ayant un potentiel de réchauffement global sur un siècle, 1000 à 7000 fois plus important que le CO22.

Prenons le cas de la climatisation en Afrique. Elle est omniprésente dans nos bâtiments. Que ce soit au Plateau à Abidjan ou à Victoria Island à Lagos. Mais aussi dans les maisons car c’est un marqueur social, au même titre que posséder une voiture Allemande dans son parking à Bondoukou, Kisangani ou à Abeokuta. D’aucuns diront que vivre sans la climatisation en zone équatoriale n’est pas possible. Ou alors, le dire c’est faire preuve d’hypocrisie, car c’est encore aux Africains de faire des efforts de privation et revenir à l’âge de l’empire Mandingue. Nous répondons non à cette vision ! Il est possible de tendre vers une utilisation raisonnée pour limiter l’impact sur l’environnement. Mieux encore, cela peut représenter une opportunité économique et sociale pour les pays Africains.

En effet, si certains pays industrialisés ont déjà des politiques publiques dans le bâtiment, pour le rendre confortable en réduisant le recours à la climatisation active lors des phénomènes climatiques extrêmes comme des canicules, force est de se poser la question de savoir comment en Afrique au Sud du Sahara, va-t-on faire pour que la climatisation ne soit plus la seule réponse pour améliorer le confort thermique dans le bâtiment ?

Dans un monde où les possibilités technologiques en termes déconstruction ne cessent d’évoluer, il est important de repenser l’habitat en Afrique. Cela va aider à concevoir des modèles d’habitations efficaces sur le plan énergétique, et qui s’adapteraient davantage à nos tropiques, assurant ainsi une meilleure qualité de vie. L’Afrique peut changer de paradigme en matière d’habitat, comme le dit le Burkinabé Diébédo Francis Kéré lauréat du prix Pritzker 2022, plus haute distinction du monde de l’architecture.

Le bio climatisme architectural une idée à fort potentiel

Mère Thérèsa disait : « ce qui me scandalise ce n’est pas qu’il y a des riches et des pauvres, c’est le gaspillage » Pour le bâtiment nous pouvons réduire grandement les besoins de fraicheur active, par l’orientation du bâtiment et éviter le gaspillage énergétique et financier. Cette orientation est déjà primordiale, si l’on veut sortir du tout clim. Ainsi, si la façade principale est orientée plein nord, (ce qui, dans l’hémisphère sud, est idéal pour profiter d’apports solaires), alors les apports thermiques des rayons du soleil seront moindres sur les parois du bâtiment. Or la composition des parois des bâtiments de la ville Africaine postcoloniale est marquée par des constructions d’inspiration occidentales, en béton, vitrages peu isolants thermiquement. Elle est engendrée par des processus d’acculturation culturelle qui dictent un imaginaire du progrès comme étant celui qui tend le plus vers la culture occidentale.

Pour éviter d’avoir des parois chaudes qui, par les principes de la thermodynamique, vont augmenter la température ambiante, la végétalisation des abords des bâtiments est aussi une autre solution. Tout comme utiliser des matériaux géosourcés et biosourcés (bois, argile, raphia, terre) ayant une résistance à la conductivité thermique élevée et des énergies renouvelables. Des éléments telles que les fines ouvertures en façades ou des vérandas à l’avant des maisons sont des procédés bioclimatiques qui favorisent aussi l’apport en ombre et la ventilation naturelle. En combinant ces approches, le confort sera garanti et le besoin d’utiliser la climatisation diminuée considérablement.

La massification de ces solutions doit s’opérer à travers les politiques publiques d’habitat engagées, et durables et moins dépendant de la clim. Sans oublier d’amplifier la formation des thermiciens tropicaux, la recherche dans ce domaine en rapprochant les entreprises et le milieu académique, et la promotion des innovations portées par des startups.

Avec ce triptyque il y a des gisements d’emploi pour la jeunesse Africaine, car les projections de croissance démographique urbaine à l’horizon 2050en Afrique feront la part belle aux besoins de logements. Mais des logements qui doivent s’adapter aux changements climatiques. Par ailleurs, des économies d’énergie sont au rendez-vous pour les ménages, quand on sait que remplir le groupe électrogène, avec des coupures répétitives de l’électricité, coûte très cher. Enfin les Contributions Déterminées au niveau National (CDN)4 des différents pays Africains peuvent-être amplifiées.

Il est donc intéressant pour l’Afrique de s’investir durablement et ce dès à présent, au terme de cette COP 28, à tenir cette promesse du Global Cooling Pledge. Au moins dans sa partie climatisation. Le reste est encore à réfléchir. Les solutions sont là ! Il y a plus qu’a…C’est aussi ça penser global et agir local comme le disait Jacques Ellul en 1930 ! Le «en même temps quoi».

Par Guillaume Amon MANGA ETAME

Spécialiste des économies d’énergie et la maîtrise des usages dans le bâtiment

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