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Dans une sortie au vitriol, le Professeur agrégé de droit privé Moïse Timtchueng démonte, point par point, les arguments avancés par Jean De Dieu Momo alias Fo’o Dzakeutonpoug, qui conteste la validité de la candidature de Maurice Kamto. Sur la légalisation des actes par la police et la supposée double appartenance politique, l’universitaire oppose une rigueur juridique implacable aux approximations du ministre délégué à la Justice.
UN PETIT COURS DÉDIÉ DE DROIT DU NIVEAU LICENCE 2 À MONSIEUR JEAN DE DIEU MOMO DIT FO’O DZAKEUTONPOUG
Je viens de lire, sur les réseaux sociaux, une sortie de Monsieur Jean De Dieu MOMO dit FO’O DZAKEUTONPOUG, prétendant que la candidature du Professeur Maurice KAMTO, investi par le MANIDEM, pour la présidentielle du 12 octobre 2025, sera invalidée pour deux raisons tirées de l’incompétence de la Police à légaliser un acte d’une part et de la dualité d’affiliation politique du Professeur Maurice KAMTO d’autre part.
I. SUR LA PRÉTENDUE INCOMPÉTENCE DE LA POLICE À LÉGALISER UN ACTE
Les fonctionnaires de la Police doivent bien se marrer en lisant les propos de celui qui est par ailleurs ministre délégué chargé de la Justice. Par sa sortie, le ministre délégué remet en cause les attributions traditionnelles des auxiliaires de la Justice que sont les policiers, fragilisant à l’occasion l’efficacité de tout l’appareil judiciaire. Dans un pays normal, cette sortie devrait valoir immédiatement son poste. Personne n’ignore en effet, que la très grande majorité des actes probants produits en justice émanent de la Police dont la certification est le critère qui permet de leur conférer l’autorité nécessaire.
Dans tous les cas, si l’intéressé s’exprime comme un juriste, il devrait se départir de ses émotions pour simplement fournir les bases textuelles, jurisprudentielles, les principes généraux du droit et, dans une certaine mesure, les sources doctrinales de ses allégations. Curieusement, il ne cite aucun texte ni du Code électoral qui préciserait l’autorité apte à légaliser un dossier de pose de candidature à une élection présidentielle, ni du décret n° 2012/539 du 19 novembre 2012 portant statut spécial du corps des fonctionnaires de la Sûreté nationale qui leur interdirait de s’immiscer dans cette matière, ni même du décret n° 2008/377 du 22 novembre 2008 fixant les attributions des chefs de circonscriptions administratives qui leur réserverait cette compétence particulière.
Plus sérieusement, à la lecture du décret de 2012 portant statut spécial du corps des fonctionnaires de la Sûreté nationale, il ressort à l’article 2 (1) que « le corps des fonctionnaires de la Sûreté nationale, force régulière, est chargé, concurremment avec d’autres forces, d’assurer le respect et la protection des institutions, des libertés, des personnes et des biens ». Cette mission suffisamment globalisante, inclut pourtant et nécessairement la légalisation des engagements qui s’inscrit justement dans l’optique de prévenir les abus contre les atteintes aux individus et aux biens. C’est d’ailleurs une mission traditionnelle qui, en l’absence de texte formel, découlerait simplement de la coutume, source du droit.
Dans tous les pays du monde en effet, la Police en tant qu’auxiliaire du ministère public chargé des enquêtes judiciaires, est l’administration publique compétente pour attester de la sincérité et de la fiabilité d’une signature tant en amont (dans le cadre de la formation des conventions diverses) qu’en aval, en cas de contentieux déjà né.
Ce n’est qu’en matière d’actes d’état civil que les usages consacrent le monopole des officiers d’état civil ; ce qui n’est pas le cas dans l’espèce en analyse. En parcourant le Code électoral et le décret fixant les attributions des autorités administratives, je n’ai trouvé aucune disposition qui tendrait seulement à faire de ces autorités les titulaires exclusifs du droit de légaliser un acte du dossier de candidature politique.
II. SUR LA SUPPOSÉE DUALITÉ D’AFFILIATION POLITIQUE DU PROFESSEUR MAURICE KAMTO
Encore une fois, l’illustre illuminé ne fournit pas d’autre base juridique à son analyse en dehors de l’article 3 (4) de la loi sur les partis politiques. Je conviens avec lui que la législation camerounaise proscrit l’appartenance à plus d’un parti politique à la fois. Mais techniquement, c’est une situation pratiquement impossible, à moins d’imaginer une adhésion concomitante à plus d’un parti politique. Dans les faits, les adhésions sont successives et pour peu que l’on maitrise les techniques de la science juridique, l’on devrait savoir que toute nouvelle adhésion entraine de plein droit révocation de la précédente pour ne laisser subsister que la nouvelle.
Les juristes dignes de ce titre savent qu’il est de principe que chaque fois qu’un texte interdit une dualité de statut, toute manifestation de nouvelle volonté contraire révoque d’office la volonté antérieure et place l’auteur, pour l’avenir, uniquement sous le nouveau statut. Le principe de solution est qu’en cas de conflit, on ne doit retenir que la manifestation de la dernière volonté. Dès lors, l’acceptation de l’investiture par un nouveau parti politique a pour effet instantané de rompre tout lien avec l’ancien parti et de placer le candidat sous la bannière du parti qui l’a investi. Voilà pourquoi le candidat n’est pas techniquement celui de son parti antérieur, mais du parti qui le présente. Point n’est besoin d’une lettre de démission formelle avant l’acceptation d’une telle investiture. Maurice KAMTO est désormais le candidat du MANIDEM et non du MRC, ni d’aucun des partis de la coalition qui soutient sa candidature.
Rien n’interdit au candidat de démissionner formellement, avant ou même après, mais rien ne l’y oblige. Par son acceptation de l’investiture par un autre parti, il rompt le lien avec son ancienne formation politique et devient d’office membre du nouveau parti. Les illustrations de cette technique juridique sont multiples et l’on peut évoquer, sans prétendre à l’exhaustivité, le cas de la perte d’office de la nationalité camerounaise par acceptation d’une nouvelle nationalité étrangère (article 31 du Code de la nationalité), la révocation de plein droit du mandat antérieur par un nouveau mandat portant sur la même mission (article 2006 du Code civil), la caducité du testament antérieur par la signature d’un nouveau testament portant sur le même objet (article 1035 du Code civil) et l’annulation des inscriptions précédentes sur les listes électorales au profit de la dernière en date (article 73 du Code électoral). Dans chacune de ces hypothèses, point n’est besoin de requérir la préférence du concerné. Le choix lui est imposé d’autorité par la seule volonté du législateur ou du juge. L’article 3 (4) de la loi sur les partis politiques commande la même solution dans l’hypothèse extraordinaire où il y aurait pluralité d’affiliation politique.
[18/07, 18:05] ChatGPT: Quoiqu’il en soit, nulle part à l’article 122 du Code électoral, unique disposition à fixer la composition du dossier de candidature à l’élection présidentielle, il n’est fait mention d’un éventuel acte de démission du candidat de son précédent parti avant son investiture par un autre parti. Ce silence mérite d’être respecté comme signifiant que le candidat n’a aucune obligation de démission. Et la question discutée portant sur le droit de candidature (ou de participer à la gestion des affaires publiques) qui est un droit fondamental, toute restriction n’est admise que si elle émane d’un texte formel de loi (article 26 de la Constitution).
La loi sur les partis politiques, invoquée par certains pour soutenir une prétendue obligation de démission formelle n’a aucune place dans ce débat. Le formalisme prévu pour la création ou la transformation d’un parti politique est inapplicable quand il s’agit des élections. Il s’adresserait d’ailleurs plus au MRC qu’il a quitté qu’au Professeur Maurice KAMTO lui-même. C’est l’occasion de citer la maxime latine specialia generalibus derogant, récemment invoquée erronément par un estimé collègue qui donne primauté à la loi électorale sur toute autre loi en matière électorale qui en est l’objet. Cette loi se suffit par elle-même en ce qui concerne le dossier de candidature.
Que le professeur Kamto ait démissionné expressément en ayant notifié un acte y relatif à la personne habilitée au sein du MRC (SG ou Premier vice-président), un parti politique étant par nature une association privée, ce serait au MRC d’accomplir ensuite les diligences nécessaires pour en informer l’administration afin d’éviter qu’elle ait, pour l’avenir, à s’adresser au Professeur KAMTO pour les affaires intéressant un parti dont il a cessé de faire partie.
EN CONCLUSION, La sortie de Monsieur Jean De Dieu MOMO dit FO’O DZAKEUTONPOUG est l’illustration parfaite du droit du quartier, un raisonnement dénué de tout fondement juridique vérifiable, qui fait valoir des sentiments ou des émotions sur les règles établies consignées dans des instruments juridiques constitutifs du droit positif camerounais.
Par Professeur Moïse TIMTCHUENG,
Agrégé de droit privé,
Enseignant à l’Université de Dschang.