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Le Groupe ERAMET décide de ne pas exploiter le projet Rutile d’Akonolinga

 Selon les résultats publiés le 26 octobre 2023 sur la place boursière, le groupe français ERAMET fait mention des études de faisabilité du projet rutile d’Akonolinga, qui ont révélé des rationnels économique et environnemental éloignés des attentes et annonce par la même occasion sa décision de non-investissement.

 En langage simple, le Groupe ERAMET ne développera pas le projet Rutile d’Akonolinga comme annoncé.

Et pour cause…

Avec un Chiffre d’affaires ajusté de 980 M€ au 3ème trimestre 2023, supporté par la croissance des opérations minières, ERAMET est un groupe minier et métallurgique qui est présent en France, Argentine, Gabon, Sénégal, Nouvelle-Calédonie, Indonésie, Norvège, USA, et Cameroun. Il exploite des minerais tels que le Manganèse, nickel, sables minéralisés, le lithium et le cobalt. ERAMET valorise et développe les métaux indispensables à la construction d’un monde plus durable.

En novembre 2019 le groupe Eramet obtient 4 permis de recherche par appel d’offre sur les rutiles d’Akonolinga; pendant 4 années d’études de faisabilité technique et environnementale. Le groupe a investi 9 milliards de francs CFA dans le projet en ressources humaines et techniques, et en contribution sociale, réalise plus de 2000 sondages sur les 4 permis de rutile d’Akonolinga; a mis à jour 89 millions de tonnes de ressources étendues sur 3400 hectares avec une épaisseur, relativement faible, d’une moyenne 1,7 mètre et une teneur moyenne de 0,96%. Les études environnementales ont montré que la gestion des eaux et des particules ultrafines particulièrement importantes sur le gisement et dont 75% ne décantent pas naturellement pouvaient impacter l’environnement et la biodiversité, même si la décantation était faite à grands renfort de floculant chimiques. Seul 1/4 des ressources, soit environ 200 000 tonnes sont économiquement exploitables.

Avec un cout d’investissement de 118 milliards de francs CFA, des réserves pas assez importantes pour supporter un tel cout et un risque environnemental très élevé, le Groupe ERAMET annonce que leur Comité Exécutif n’a pas approuvé la continuité du projet en vue de son passage à la phase d’exploitation.

Par la même occasion, il propose une démobilisation responsable et respectueuse selon les lois locales par une réhabilitation du site aux normes internationales, une restitution des permis et une transmission des études réalisées sur les Rutiles d‘Akonolinga à l’Etat du Cameroun. Il en est de même de l’usine pilote qui sera transférée à l’état à 1 euro symbolique.

Enfin, les, salaires et primes prévues par la loi camerounaise et la convention collective nationale des mines seront versées au personnel du projet.

Un exemple de sérieux et de responsabilité sociétale des entreprises.

En effet, la décision d’ERAMET de se retirer du projet ne peut que surprendre les profanes et ceux qui ont une connaissance superficielle de l’industrie minière. Cela servira également de leçon aux politiciens qui pensent qu’on exploite un gisement par décret.

 Il y a des préalables nécessaires à la prise d’une décision de développer un projet minier. Aucune compagnie minière sérieuse et de surcroît qui est cotée en bourse ne prendra de risque pour faire plaisir aux politiciens au détriment de ses actionnaires.

La décision de mettre un projet en exploitation ou non dépend de plusieurs facteurs comme notamment les ressources, sa teneur, les procédés de traitement, les infrastructures et surtout les aspects environnementaux.

L’Étude de faisabilité a certes montré qu’il y a de la ressource mais elle n’est pas suffisante pour justifier le coût du projet ; en dehors de cela, il y a les teneurs qui sont relativement faibles; il y a des soucis métallurgiques qui posent un problème grave pour l’environnement et la biodiversité.

Le Groupe ERAMET, soucieux des problèmes environnementaux et étant l’une des compagnies mondiale qui milite pour la mine verte, ne prendrait jamais un risque qui peut créer des problèmes environnementaux. Aucune compagnie minière ne développe un projet minier pour perdre.

 La rentabilisation du projet doit d’abord être prouvée. Si tel n’est pas le cas, la décision de se retirer devient simple et rapide.

Je profite de l’occasion pour suggérer aux autorités du ministère des mines de reprendre les inventaires du potentiel minier du sous-sol camerounais; car le travail qui avait été fait par le passé était assez médiocre. Tant que nous aurons une connaissance approximative de notre sous-sol, on aura de la peine à maintenir les compagnies minières de renommée établie au Cameroun. Conséquence, notre pays deviendra une province de la chine et les chinois viendront vandaliser nos gisements en laissant derrière eux une catastrophe environnementale.

Dr. Bareja Youmssi

Expert en Mines et Pétrole

Enseignant -Chercheur

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