(texte)
Alger accueille, les 30 novembre et 1er décembre 2025, la Conférence internationale sur les crimes du colonialisme. Organisée à l’initiative de l’Union africaine (UA), cette rencontre marque une étape décisive dans la revendication africaine des réparations liées au passé colonial.
L’ouverture de la Conférence, placé sous l’égide de l’Union africaine, s’est tenue en présence de responsables algériens, de membres du gouvernement et de représentants diplomatiques, dans le cadre du thème officiel de l’UA pour l’année : “Justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine à travers les réparations”. La décision d’organiser cette conférence a été validée par la Décision 903(XXXVIII) adoptée lors du sommet d’Addis-Abeba en février 2025.
De la mémoire à l’action : criminaliser le colonialisme
Le média d’information algérien TSA nous indique que l’objectif de la Conférence, qui se tient dimanche 30 novembre et lundi 1er décembre au Centre international des conférences (CIC) d’Alger, est de passer du discours mémoriel parfois symbolique à une démarche politique et juridique destinée à considérer dans un premier temps le colonialisme, l’esclavage, la ségrégation raciale et l’apartheid comme crimes contre l’humanité, puis à réclamer reconnaissance et réparation.
Le sommet réunit ministres, juristes, historiens et universitaires venus d’Afrique, des Caraïbes et issus des diasporas. Les débats vont porter sur l’ensemble des dimensions du colonialisme : violations humaines, spoliation économique, destruction du patrimoine culturel, traumatismes intergénérationnels et impacts environnementaux, notamment les essais nucléaires menés sur des populations civiles. Les participants explorent également les voies juridiques pour établir un mécanisme africain permanent de réparations et de restitution des œuvres d’art en Occident.
Le choix d’Alger s’explique par son histoire : pays lourdement marqué par le colonialisme, l’Algérie s’est imposée dans les années 60 comme un refuge pour les mouvements de libération. La capitale est d’ailleurs longtemps appelée “Mecque des révolutionnaires”, rappelle le site d’information Afrik.com. Le Festival panafricain de 1969 avait déjà consacré Alger comme une capitale mondiale du panafricanisme. En 2025, le pays entend renouer avec cet héritage politique et se positionner comme central dans ce combat continental pour la justice.
Vers un programme collectif de reconnaissance
L’un des enjeux majeurs du sommet est avant tout d’unifier les positions des États africains face aux anciennes puissances coloniales : la France, le Royaume-Uni, la Belgique, de l’Allemagne, Portugal, l’Espagne ou l’Italie. L’objectif est de présenter une démarche collective au niveau du continent auprès des instances internationales.
Et ce n’est pas une mince affaire. Interrogé par de nombreux médias, dont Berbere Télévision, l’enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar, Idrissa Ba, explique qu’il y a au moins trois étapes à respecter pour aller au bout de la démarche d’une telle Conférence. La première serait de réussir à quantifier le nombre de victimes du colonialisme, et pour cela, il faut remonter loin dans l’histoire. “Il faut aller dans le détail des chiffres concernant les massacres, les dégâts coloniaux. Je suis pour qu’on invoque la durée longue et qu’on remonte au moins jusqu’au 15e siècle”, explique-t-il.
La deuxième étape pour le chercheur serait d’obliger les pays anciens colonisateurs à reconnaître ces crimes et à faciliter l’accès aux archives. “Il y a une tendance à la demi-mesure qui consiste à ne reconnaître qu’une partie des crimes commis, à minimiser l’ampleur des dégâts sur le plan humain.”, détaille-t-il, avant de poursuivre. “Il va se poser la question très importante de la mise à disposition des chercheurs africains, des archives coloniales dans leur complétude. [Il faut] que ces puissances-là arrêtent de nous mettre à disposition des archives tronquées, javelisées qui ne permettent pas de reconstruire la vérité historique”.
Enfin viendra l’étape “la plus sensible” des réparations pour l’enseignant. “Comment poser cette question, tout en étant dans un monde avec de nouvelles formes de solidarité qui se sont créées ?” se demande Idrissa Ba. “C’est assez délicat. C’est pourquoi je préfère, au vu des informations dont je dispose à ce jour, ne pas aller dans le fond des analyses” déplore-t-il.
Les travaux et débats doivent aboutir à l’adoption d’une “Déclaration d’Alger”, qui devrait codifier les crimes coloniaux, reconnaître leurs impacts et fournir une stratégie africaine coordonnée concernant les réparations. Le texte sera soumis au sommet de l’Union africaine de février 2026 afin d’être examiné et validé.
Source: TV5MONDE avec agences – 30 NOV. 2025 À 17H01
















