(édito)
Le mal être de la jeunesse et le désespoir affiché du citoyen caractérisent l’ambiance
morose au Cameroun. Ce constat est encore plus affligeant en cette période post-électorale
où le pouvoir politique a choisi de faire taire les contestataires des résultats d’une élection
présidentielle par une violente répression.
Le Cameroun est malade. L’homme politique au pouvoir en porte la responsabilité car le
pays se délite et la cohorte de la pauvreté a perdu tout espoir d’un nouveau paradigme.
Les causes des échecs, depuis quatre décennies sont bien connues : le tribalisme, le
népotisme, la prédation systémique des femmes et des hommes détenteurs d’un pouvoir
absolu.
La prédation systémique.
La prédation systémique désigne l’exploitation continue et organisée des ressources
publiques par les dirigeants pour un enrichissement personnel au détriment de l’intérêt
général. Au Cameroun, cette pratique est largement observée dans la gestion politique,
économique et administrative. Elle constitue un frein majeur au développement du pays.
Depuis l’investiture de Paul Biya à la présidence de la république du Cameroun, une partie
significative des élites dirigeantes s’est appropriée les ressources publiques via des
mécanismes variés : détournements de fonds, clientélisme, népotisme, corruption
endémique et surfacturation des contrats publics.
Ces pratiques sont facilitées par une faible transparence institutionnelle, l’absence de
contre-pouvoirs efficaces et un système judiciaire souvent défaillant et soumis aux
influences politiques.
La prédation des dirigeants s’inscrit dans une logique de préservation du pouvoir. En effet,
en contrôlant les ressources économiques, les élites s’assurent la fidélité d’un large réseau
de clients et de partenaires par la distribution de privilèges, ce qui renforce leur mainmise
sur l’appareil d’État et la scène politique.
Ce cercle vicieux contribue à l’affaiblissement des institutions démocratiques et à la
marginalisation des populations les plus vulnérables.
Les conséquences de cette prédation sont lourdes : sous-investissement dans les secteurs
clés comme l’éducation, la santé, ou les infrastructures ; exacerbation des inégalités
sociales ; montée du chômage et de la pauvreté ; limitation des opportunités économiques
pour les citoyens ordinaires.
Par ailleurs, cette situation engendre un climat de méfiance et de désenchantement envers
les autorités et le système politique de Paul Biya.
Plusieurs tentatives de réforme ont été engagées, notamment sous la pression des
organisations internationales et des mouvements citoyens pour améliorer la gouvernance,
renforcer la transparence et punir les actes de corruption. Cependant, l’absence d’une
volonté politique réelle et la complicité interne rendent ces efforts insuffisants.
Les scandales sont nombreux et restent impunis. C’est le cas de Glencor, de la SNH, la
gestion du Covid ou les fonds pour développer les infrastructures routières.
En résumé, la prédation systémique des dirigeants camerounais est un phénomène
profondément enraciné qui entrave la bonne gouvernance et le développement durable du
pays. Sa lutte requiert non seulement des réformes institutionnelles ambitieuses, mais aussi
un engagement fort de la société civile, des médias et des citoyens afin de promouvoir une
gestion plus juste et responsable des ressources publiques.
Cette réforme est-elle possible avec des dirigeants séniles dont l’objectif est de léguer le
pouvoir à leurs progénitures pour couvrir leurs forfaits ?
Par Michel Lobè Etamè,
Journaliste Indépendant, essayiste et romancier















