Le Président du Sénégal, Macky Sall, s’est violemment attaqué au chef de l’Etat du Cameroun, Paul Biya. En quoi faisant ? Macky Sall, qui ne cache pas son opposition à Paul Biya, aurait offert un passeport diplomatique à Achille Mbembe, un opposant camerounais.

L’affaire fait grand bruit en Afrique de l’Ouest et de l’autre côté, en Afrique Centrale. Et elle est considérée comme un gros pavé jeté par le dirigeant sénégalais dans le jardin de son homologue camerounais.

La réaction de l’opposant camerounais

C’est toujours délicat de traiter en public d’affaires privées. Mais la nouvelle est à présent publique. A la République du Sénégal, je voudrais donc publiquement exprimer ma très profonde gratitude. Le Sénégal représente un très grand pays dans notre histoire intellectuelle, artistique et culturelle. Il nous a légué certains de nos plus grands penseurs et écrivains, des femmes et des hommes sans lesquels il nous aurait été difficile d’aller fièrement au-devant du monde, et de dialoguer avec celui-ci les yeux ouverts.
J’ai, pour ma part, puisé à pleines mains dans ce riche héritage et j’ai, plus que de raison, été l’objet des soins de ce pays. J’ai, à titre d’exemple, passé des années cruciales de ma propre vie à Dakar, l’une des rares « villes ouvertes » de notre continent. J’habitais à Yoff, tout près de l’aéroport Léopold Sedar Senghor. Mes deux voisins étaient le romancier et cinéaste Sembene Ousmane et le grand sculpteur Ousmane Sow. Je travaillais non loin de l’Universite Cheikh Anta Diop.

Le premier Président camerounais, Ahmadou Ahidjo, repose dans un cimetière non loin de Yoff. Et l’un de mes premiers gestes en arrivant à Dakar en 1996 consista à aller me recueillir sur sa tombe, alors même qu’en rapport avec ceux dont je suis le descendant en esprit, il fit preuve d’une grande cruauté. Dans un autre des cimetières dakarois repose l’un de mes amis intellectuels les plus proches, Tshikala Kayembe Biaya, Congolais né dans le Kasai, et sans doute l’un des esprits les plus curieux de son époque.

Je retourne à Dakar chaque fois que j’en ai l’occasion et je suis fier de contribuer au rayonnement intellectuel du Sénégal et de l’Afrique par le biais, entre autres, des Ateliers de la pensée de Dakar qu’avec Felwine, nous avons mis en place. Pas une seule fois au cours de ces longues années aurai-je été traité comme un étranger. Nous ne choisissons ni le lieu de notre naissance, ni nos parents. Je suis né en Afrique. L’Afrique est notre promesse à tous et à toutes. Mon sort est lié au sien tout comme à celui de notre monde dans son ensemble. Avec beaucoup d’autres, mon grand rêve est qu’elle se mette debout sur ses propres jambes et qu’elle devienne sa puissance propre, un vaste espace de libre séjour et de libre circulation pour tous ses enfants.

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Ainsi, chacun d’eux comptera véritablement et, bravant des risques mortels, aucun ne sera obligé de se transporter au loin, dans des pays où nul ne l’attend, ou nul ne veut de lui, et où de toutes les façons, il finira par être brutalisé et à jamais blessé. Beaucoup d’entre nous, le long du chemin, sont contraints ou choisissent de vivre loin de leur pays de naissance. Certains optent pour d’autres nationalités. Je suis fier que le Sénégal – et donc l’Afrique – m’offre un abri et un lieu de repos pour l’esprit, un lieu où je ne suis pas mis constamment en demeure de justifier qui je suis, voire persécuté.

Je ne reviendrai pas sur la façon dont le Cameroun aura traité certains de ceux qui sont passés avant nous – Ruben Um Nyobe, Félix Moumie, Abel Kingue, Osende Afana, Mongo Beti, Engelbert Mveng, Jean-Marc Ela, Fabien Eboussi Boulaga et plusieurs autres. Je n’évoquerai pas l’extraordinaire calvaire ni le stress et l’angoisse qu’éprouvent les siens qui vivent à l’extérieur dès qu’il s’agit d’obtenir des papiers ou de les renouveler.
Qu’un Etat normalement constitué choisisse consciemment d’exposer les siens de cette manière en ces temps de suspicion de l’étranger, de nationalisme régressif et de clôture identitaire, voilà quelque chose qu’il m’est très difficile de comprendre. Je voudrais, avec d’autres, nourrir l’espoir qu’un jour prochain, il en ira autrement.

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