Pourquoi la question du nucléaire divise-t-elle autant ?

Vu comme une bombe à retardement par certains, comme une solution d’avenir non-polluante pour d’autres, le secteur du nucléaire divise la classe politique française. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés aux différentes propositions des candidats aux élections présidentielles de 2022 en matière de nucléaire.

Le débat peut porter sur la défense ou non des milliers d’emplois que cette industrie génère. D’autres fois, certain·e·s politiques contestent le bilan carbone du nucléaire, par le transport et l’exploitation des métaux lourds et dénoncent le manque de sécurité des installations en invoquant les nombreuses catastrophes passées.

Au contraire, les candidat·e·s assurent les progrès techniques en matière de sécurité et soutiennent que le nucléaire est la seule énergie capable de se conformer aux exigences écologiques en termes d’émission de CO2.

D’un point de vue économique, la crise énergétique mondiale que nous traversons remet la question du nucléaire au centre du débat politique. Le coût de l’électricité s’envole et inquiète plus que jamais les ménages.

Pour les besoins de cet article, nous traiterons ici des candidat·e·s présumé·e·s, bien qu’ils et elles ne se soient pas encore officiellement présenté·e·s ou n’aient pas rassemblé les fameuses 500 signatures.

Qui défend le maintien du nucléaire et son développement ?

Celles et ceux qui défendent le nucléaire :

Valérie Pécresse LR, Emmanuel Macron LREM, Marine Le Pen RN, Éric Zemmour et Fabien Roussel PCF.

Dans le camp des opposants fermes au maintien du nucléaire, on retrouve les deux candidats de gauche ayant le meilleur score dans les sondages en ce mois de janvier 2022, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon.

Une sortie rapide pour Mélenchon

Pour le chef de la France Insoumise, il faut stopper net le chantier des nouveaux EPR et sortir au plus vite du nucléaire. Le gagnant de la primaire des verts, lui, projette une sortie douce de cette énergie sur une période de 20 ans.
Mélenchon considère que personne n’est à même de contenir l’énergie nucléaire lorsque celle-ci se déploie lors d’une catastrophe. De même l’enfouissement des déchets nucléaires ne serait pas une solution viable à long terme et risquerait d’endommager les sols puisqu’il n’existe encore aucun moyen de s’en débarrasser proprement ou mieux encore, de les recycler.

Pour Jadot, une sortie douce est inévitable

Yannick Jadot, s’il rejoint les constats de la FI, ajoute que l’énergie nucléaire aurait un coût de très loin supérieur aux énergies renouvelables. Pour lui, le budget alloué au nucléaire serait beaucoup trop important pour un retour sur investissement très pauvre.
Il en veut pour preuve les chantiers des EPR en cours qui sont interminables et de plus en plus coûteux alors que l’investissement dans le renouvelable peine à satisfaire les besoins et les capacités des installations. La situation actuelle donne plutôt raison à ce constat si l’on se fie aux prix actuels du kWh.

Le NPA, historiquement anti nucléaire

Dans les plus radicalement opposés au maintien du nucléaire, on compte également Philippe Poutou, qui exige une sortie en dix ans maximum. Depuis plusieurs années, on retrouve régulièrement le NPA dans les différentes manifestations anti-nucléaires qui émergent à travers le pays.

Qui n’a pas de position claire sur le sujet

Celles et ceux qui hésitent :

Nathalie Arthaud LO, Anne Hidalgo PS.

Pour Lutte Ouvrière, l’emploi d’abord

Nathalie Arthaud reste, elle, sur la ligne qu’est celle de Lutte Ouvrière depuis maintenant dix ans. La lutte anticapitaliste doit prévaloir sur le combat contre le nucléaire. Au regard des milliers d’emplois générés par l’industrie, les partisans de Lutte Ouvrière ne voient pas la sortie du nucléaire comme une urgence absolue, mais comme une étape secondaire d’un changement plus large.

Si la situation est, à leurs yeux, bel et bien urgente, il faudra d’abord passer par une refonte complète de notre système économique avant de décider si oui ou non, le maintien du nucléaire est nécessaire.

Le PS toujours hésitant

Au PS, Anne Hidalgo considère que la sortie du nucléaire ne devra se faire que lorsqu’une alternative suffisante sera mise en place. Défavorable à la décroissance et à la politique écologique d’urgence, cette dernière préconise une transition lente sans délai imposé. De son côté, Christiane Taubira ne s’est pas encore fait entendre de manière claire et précise sur la question.
À l’instar des partis de droite, Roussel, Hidalgo et Arthaud défendent également la souveraineté énergétique et économique permise par le nucléaire. L’exemple cité est bien sûr l’Allemagne qui, pour sortir définitivement de sa dépendance au nucléaire, doit parfois consommer l’électricité des pays voisins.

Que pensent les Français·e·s ?

D’après plusieurs sondages commandés par l’IFOP, l’institut de radioprotection et de sûreté du nucléaire ou encore par EDF les Français·e·s sont divisé·e·s en deux parties égales sur le sujet. Que la question porte sur la construction de nouvelles centrales ou simplement sur le maintien de l’énergie à l’échelle nationale, on compte environ une moitié pour et une moitié contre. Pour plus d’informations sur le sondage IFOP en partenariat avec le JDD, cliquez ici.

C’est une évolution importante si l’on fait la comparaison avec les années 1990 où un tiers seulement des Français·e·s considérait le nucléaire comme une bonne chose pour le pays. On note alors que la position des candidats n’est pas complètement représentative de l’opinion publique puisque les opposants au maintien de l’énergie ne récolteraient, à eux trois, qu’un quart à peine des suffrages.

On remarque toutefois qu’à l’exception de Fabien Roussel, la frontière tracée par la division sur le nucléaire se situe, une fois n’est pas coutume, entre la gauche et la droite. Rien d’étonnant à cela puisque l’on a d’un côté une posture conservatrice à qui l’on reproche des risques ignorés et, de l’autre, la promesse d’un changement radical qui effraie par son issue incertaine.

Cependant, l’opinion a tendance à évoluer rapidement avec la crise énergétique actuelle. Le nucléaire est montré du doigt pour son coût et malgré les initiatives gouvernementales pour maintenir le tarif réglementé au plus bas, la confiance des ménages envers le nucléaire est mise à mal.

L’enjeu du nucléaire est basé sur un nombre considérable d’incertitudes. Une énergie sera-t-elle en mesure de remplacer le nucléaire ? Est-il seulement souhaitable de la remplacer pour maintenir notre consommation énergétique ? Quand cela sera-t-il possible ? Les centrales seront-elles à risque à cause du réchauffement climatique ? Et bien d’autres encore.

Les avis sont basés sur des prévisions qui divisent même les plus grand·e·s spécialistes du sujet. Il appartient donc à chacun·e de déterminer les intérêts défendus par celles et ceux qui s’expriment afin de se forger une opinion.

Sources : Agence France Electricité

Redactor

Julie Roussel,Rédactrice experte des sujets en énergie

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