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La période :
De 1950 à 1958
Le Cameroun est sous domination française en principe, ce n’est pas la colonisation, mais la France se comporte comme un colon devant le regard approbateur des Nations Unies. Elle écrase la civilisation locale et spolie le pays. Des veilletés de résistance naissent et sont conduites particulièrement par les peuple Bassa et Bamileke.

La France utilise tous les moyens pour mater la résistance du peuple Bassa qui est par ailleurs meneur du mouvement dans la lutte pour l’indépendance du Cameroun.

La France tue, égorge, massacre, élimine les Bassa dans leurs villages même et procède à de très nombreux enterrements dans les fosses communes.

La France multiplie des arrestations et remplit de résistants Bassa les prisons du Cameroun, même très loin du département de la Grande Sanaga Maritime ( qui comprend le Nyong et Kele à l’époque).

Donc plusieurs résistants Bassa, de leur propre chef, quittent les villages pour se cacher dans la brousse et organiser l’attaque de l’occupant depuis ces cachettes que l’on appelle les maquis, terme qui veut juste dire un lieu retiré et difficile d’accès.

Mais l’occupant français va donner au terme maquis une connotation péjorative, en ajoutant que les gens s’y cachent car ils ont fait qq chose de mauvais et sont recherchés. Du coup un maquisard devient donc un terroriste, un assassin, un hors la loi.

Voilà comment les combattants pour l’indépendance du Cameroun sont passés de la noble désignation de résistants, au qualificatif méprisant et accusateur de maquisards.

De 1958 à 1975
Les résistants Bassa et Bamileke, mais surtout Bassa, exigeaient une indépendance immédiate et sans conditions, avec unification immédiate des deux parties du Cameroun et expulsion de l’occupant français.

Les Français ont donc compris que le peuple Bassa ne pouvait jamais être leur allié et pour mieux maîtriser la situation et faire très bonne figure auprès des Nations Unies, ont très rapidement donné une fausse indépendance au Cameroun, mais plutôt à ceux qui ne l’avaient jamais demandé et que l’on plaça à la tête du pays comme le très docile Ahmadou AHIDJO, une sorte de meilleur élève.

Le Cameroun fut donc ainsi la toute première colonie française à accéder à l’indépendance et servit en même temps de grand Laboratoire Français d’expérimentation de toutes les méthodes de répression. La France venait en effet de perdre la guerre d’ Indochine, fut expulsé du Vietnam et envoya la plupart de ses anciens officiers Indochine au Cameroun. Ces derniers deversèrent sur les populations Camerounaises et plus particulièrement le peuple Bassa la haine et la colère récoltées en Indochine.

Il fallait donc, par tous les moyens, faire taire toute résistance au Cameroun.

L’ UPC fut interdite et condamnée à la clandestinité. Au lendemain de l’ Indépendance et pour mieux maîtriser la situation, la France fit sortir, dans les territoires Bassa, les populations des villages dans les forêts et les installa toutes le long des routes. On appelle cela les regroupements.

Les résistants, refusèrent naturellement de suivre les regroupements et desertèrent aussi les anciens villages pour aller dans les maquis.

C’est donc comme cela que, du côté des Ndog Ñem, situé à droite de Song Mbengue en allant de Puma à Ngambe, il y eut un certain résistant du nom de YETNA LEBA, qui sévissait même jusqu’à Poutkak.

YETNA LEBA maquisard ? Nous venons de comprendre que ce fut un indépendantiste, un résistant qui refusa la colonisation de la France.

YETNA LEBA assassin ? Il faut se demander qui il assassinait et qui lui avait donné des armes.

C’est donc pour refuser le colon que YETNA LEBA prend le maquis et donc en toute logique, il ne va pas en vouloir aux populations Bassa locales, qui ne sont rien d’autre que ses frères et sœurs, cousins et cousines…il en veut aux Blancs et à leurs partenaires.

Les partenaires du colon sont soit des militaires Camerounais ( Toupouri et Beti), soit des Bassa traitre que l’on appelait cocon.

Depuis son maquis, YETNA LEBA qui n’y était pas seul au départ organisait les attaques des militaires. Il était un très grand guerrier et un fin stratège. Après chaque assaut, lui et ses complices récupéraient les armes et les munitions des militaires abattus. Il s’est ainsi retrouvé à la tête d’une très grosse artillerie, sans avoir un partenaire extérieur qui sponsorisait son combat et pouvait le ravitailler.

YETNA LEBA était aussi réputé initié dans des grandes loges traditionnelles Bassa, et disposait des astuces qui lui conféraient une certaine invisibilité. On raconte qu’il avait 3 marmites disposées à 3 endroits différents, que l’on pouvait voir YETNA LEBA et l’identifier, mais qu’il restait capable de disparaître même au dernier moment.

De temps en temps, on tuait l’un de ses partenaires, YETNA LEBA changeait alors de maquis et montait un assaut sanguinaire et sans pitié contre les militaires.

Avec son groupe, en brousse, il fallait qu’ils mangent, boivent et assouvissent leurs appétits sexuels. C’est donc comme cela que YETNA LEBA a dû enlever qq femmes des villages pour s’occuper d’eux. Quand l’une de ces dernières devenaient enceinte, YETNA LEBA la relâchait, de fois en lui coupant une oreille ou un doigt pour lui donner une idée de ce qui l’attendait si jamais elle montrait sa cachette.

YETNA LEBA a donc fait beaucoup d’enfants avec énormément des femmes du coin. Par la force des choses, on avait tué tous ces acolytes, il est resté seul et c’est là qu’il est devenu très redoutable, d’autant plus qu’il gardait la capacité de disparaître à tout moment.

Entre temps, comme YETNA LEBA faisait beaucoup de victimes dans l’armée régulière constituée de non Bassa, on a créé un corps spécial, composé presque exclusivement des Bassa, et dont le rôle était de traquer les maquisards, car il n’y avait pas que YETNA LEBA. Il y avait des résistants sur l’ensemble du territoire Bassa.

Malheureusement, ces commandos n’étaient pas des militaires de profession, ils s’agissait des chômeurs que l’on recuperait dans les villes Bassa, des anciens prisonniers ou petits délinquants pour certains, que l’on envoyait, sans entrainement, sans connaissance ni des armes et ni du terrain pour traquer les maquisards.

Des ces commandos, YETNA LEBA en a tué des masses et fait de nombreuses veuves et orphelins.

La zone Ndog Ñem et les régions autour jusqu’ à Poutkak étaient devenues presque désertes, à cause de la résistance que YETNA LEBA organisa de ce côté. Tout le monde habitait le long des rues et il fallait beaucoup de courage pour aller dans les champs, ou à la chasse. On pouvait retrouver votre cadavre si après une rencontre avec YETNA LEBA, vous refusiez de collaborer avec lui ou si vous parliez mal de lui.

On voit donc que sans voiture, l’impact de YETNA LEBA ne pouvait se limiter qu’à une région. On ne peut pas réellement, sachant que ce fut indépendantiste, un nationaliste qui opposa une résistance à l’occupant, dire que YETNA LEBA semait la terreur, sinon qu’auprès des militaires de l’occupant.

YETNA LEBA ne s’attaquait réellement pas volontairement aux villageois. Il cherchait des femmes car lui et ses hommes, comme tous les hommes, avaient besoin de femmes. Il cherchait aussi de la nourriture pour manger avec ses hommes car l’alimentation est une nécessité vitale.

De fois YETNA LEBA arrêtait des villageois de retour des champs ou de la chasse, et les relachaient au bout de quelques jours sans leur faire le moindre mal, juste en prenant quelques précautions pour que l’on ne montre pas sa cachette.

En 1973, avec la complicité de l’ Abbé MBOGLE qui était présenté comme un oncle de YETNA LEBA et de quelques villageois, une stratégie fut mise en place pour le tuer. Il fallait donc neutraliser la puissance qui permettait à YETNA LEBA d’être invisible. L’Abbé MBOGLE s’y serait exercé d’une manière ésotérique que je ne saurais décrire. Il fallait donc convaincre discrètement quelques personnes de la famille pour faire mourir YETNA LEBA. Le prête s’y attela et ne rallia les autres qu’après avoir brandi la menace du Gouverneur de la Province du Littoral de raser la région Babimbi de la carte du Cameroun des Mars 1973, si YETNA LEBA n’était pas livré. Il fut conseillé à l’ Abbé MBOGLE d’aller rencontrer une vieille sorcière de la famille qui s’y connaissait en invisibilité. La suite, le prêtre le fit avec la plus grande discrétion et la famille de YETNA LEBA ne fut plus tenue au courant de rien.

Un bataillon militaire, avec à sa tête l’ Abbé MBOGLE, se mit un jour aux trousses de YETNA LEBA. Après une longue traque consistant à la localisation des 3 marmites et à leurs neutralisation suivant un rite que l’ Abbé MBOGLE dictait à un soldat Bassa, on repéra YETNA LEBA entrain de manger.

Les militaires avaient les consignes de l’attraper vif. Il rapprochèrent à pas feutré ; mais quand ils virent le gabarit de YETNA LEBA, ils eurent peur d’un combat face à face et ouvrirent le feu. Sous les balles, YETNA LEBA fit un bond et essayait de déclencher des tirs avec son arme. Les soldats tirèrent de nouveau et YETNA LEBA tomba dans une marre de sang. Le soldat Bassa qui avait neutralisé ses 3 marmites lui trancha alors la gorge. La course de YETNA LEBA s’acheva le 13 Mars 1973 dans les forêts Ndog Ñem en zone BabimbiI.

Il fut donc abattu par trois colonnes de véritables militaires que conduisaientl’ Abbé MBOGLE. Ainsi décapité, on promena sa tête et son corps dans tout le département de la Sanga Maritime. Sa tête et son corps furent exposés au marché public d’ Edéa, sur les feuilles de bananiers, en face du Dispensaire Delangué, pendant 3 jours. L’école fut suspendue dans tous les établissements de la ville, et on invitait les enseignants à amener leur élèves voir la tête du maquisards et se rendre compte du traitement réservé à tous ceux qui s’opposaient à l’occupant.

Quelques années auparavant, l’autre résistant, MAKANDA MA POUT qui sévissait chez les Log Héga et autour de Ngambe fut abattu avec plusieurs de ses compagnons. En fait, MAKANDA MA POUTH fut un nom de guerre, car il s’agit plutôt de MPOUMA KILAMA Théodore. YETNA LEBA était un lieutenant de MAKANDA MA POUTH que l’on appelait vulgairement MAKANDEFOUR. Il y avait dans la même bande BAPIA Étienne alias NKUL NDUTU et André SINGUI alias SI NDUTU. Seul YETNA LEBA avait refusé un nom de guerre. Tous étaient des combattants de l’ Armée Nationale de Libération du Kamerun ANLK. ” Vaincre ou mourir “, telle était leur devise.

A l’ Ouest, ce fut les Martin SINGAP, Paul MOMO les TAKALA Celestin, Noé TANKEU, WAMBO le courant qui furent arrêtés, condamnés à la peine capitale et exécutés sur le champ de tir de Bafoussam, de mémoire en 1970/71. Ernest Ouandjié sera arrêté dans la même période, mais en léger différé, avec l’aide de l’ Évêque de NKONGSAMBA, Mgr Albert NDONGMO dont personne n’a encore réellement compris le jeu. Ernest Ouandjié sera aussi exécuté en 1971, au champ de tir de Bafoussam. Il y aussi au Sud OSSENDE AFANA, WOUNGLY MASSAGA dit commandant Kissamba (apparemment le seul survivant de nos jours et résidant au Cameroun après un très long exil à l’étranger).

YETNA LEBA apparaît donc comme le tout dernier résistant qui fut neutralisé. Dans la réalité, comme Ruben OUM NYOBE, Rolland Félix MOUMIE, Ernest OUANDJIÉ, OSSENDE AFANA…et bien d’autres, YETNA LEBA fait partie des vrais indépendantistes et nationalistes des vrais combats de la liberté du peuple Camerounais.

Ces résistants méritent des Monuments au Cameroun pour commémorer leur vie et leurs combats, car ils sont morts pour la nation et sans eux on aurait eu un Cameroun pire que ce que nous avons connu.

Des archives de l’histoire du Cameroun sont encore retenues en France et gardées à Vincennes. Aucun gouvernement Camerounais n’a encore eu le courage de faire la demande pour récupérer ces archives.

La vraie histoire du Cameroun ne pourra jamais s’écrire sans ces archives qui sont à Vincennes.

Mais rien n’empêche de commencer.

La Rédaction

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