VISION 4 ET BRUNO BIDJANG PRIS LA MAIN DANS LA MARMITE DE NAM WONDO

(Texte)

Dans une vidéo publiée sur sa page Facebook le 08 juin 2023, Monsieur Bruno Bidjang s’est aussi essayé à écrire son histoire du traitement du dossier Bakassi. Il convient de rapprocher la vidéo de Bruno Bidjang à un article anonyme publié sur internet autour du mois d’août 2021. Bruno Bidjang s’en inspire abondamment, quand il ne reprend pas in extenso des parties entières. L’esprit et la lettre des deux productions se confondant, nous en attribuerons la paternité à Bruno Bidjang pour les besoins de nos observations dans les lignes qui suivent. Il y a au moins trois points communs entre la vidéo de Bruno Bidjang et celle de Monsieur Ananie Rabier Bindzi qui a fait l’objet de notre publication du 08 juin 2023 sur Facebook. Ces deux vidéos partagent premièrement un goût certain pour l’approximation, l’affabulation et la manipulation. L’intention ultime de leurs auteurs est, deuxièmement, de minimiser autant que possible le rôle de Maurice Kamto dans ce dossier d’importance et, enfin, troisièmement, de réciter tous les hosannah du monde à l’endroit du créateur du ciel et de la terre au Cameroun, Monsieur Paul Biya pour son action dans l’affaire. L’un des points distinctifs de la vidéo de Bruno Bidjang est la mise en perspective assumée d’un groupe particulier d’individus dans la coterie des révisionnistes partisans du « Kamto n’a rien fait dans l’affaire Bakassi ». Seraient-ils les commanditaires de la vidéo ? Il s’agit en tout cas d’un groupuscule qui se cache derrière le label de « l’équipe des diplomates conduite par le Ministre d’Etat Ferdinand Léopold Oyono ». Comme je le démontre dans les quelques lignes qui suivent, l’exercice de Bruno Bidjang constitue, pour l’essentiel, un ramassis de contrevérités, d’inexactitudes, d’affabulation et d’anachronisme.

CONTREVERITE- D’après Bruno Bidjang, le Cameroun aurait souscrit une première fois à la clause facultative de compétence obligatoire de la Cour internationale de justice avant de la dénoncer. Il serait donc revenu à Ferdinand Léopold Oyono, alors Ministre des Relations Extérieures du Cameroun, de « réintroduire la clause d’adhésion plusieurs années après son retrait… » (2 :34 de la vidéo). Il s’agit d’une contrevérité manifeste. De toute son histoire, le Cameroun n’a souscrit qu’une seule fois à la clause dont il est question et ce fut à l’occasion de l’Affaire Bakassi. Dans le cadre de la seule affaire antérieure portée par notre pays devant la Cour internationale de Justice, la base de compétence invoquée par le Cameroun pour porter plainte contre la Grande-Bretagne fut l’article 19 de l’Accord de tutelle de 1946 sur le Cameroun sous administration britannique qui dispose : « Tout différend, quel qu’il soit, qui viendrait à s’élever entre l’Autorité chargée de l’administration (Le Royaume Uni de Grand Bretagne et d’Irlande du Nord) et tout autre membre des Nations Unies, relatif à l’interprétation ou à l’application des dispositions du présent Accord de tutelle, sera, s’il ne peut être réglé par négociations ou tout autre moyen, soumis à la Cour internationale de Justice, prévue par le Chapitre XIV de la Charte des Nations unies.» Ce qui précède peut être vérifié sur le site internet du bureau des affaires juridiques du Secrétariat de l’ONU pour ce qui est du nombre de déclarations du Cameroun (UNTC) ou sur le site internet de la CIJ pour ce qui est du dossier du Cameroun Septentrional (Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni) (icj-cij.org)).

INEXACTITUDE – Toujours selon Bruno Bidjang, « le Cameroun va donc déposer sa déclaration et sa plainte le 3 mars 1994. » Si la déclaration a bel et bien été déposée auprès du Secrétariat des Nations Unies le 3 mars 1994 (enregistrée sous le numéro 30793; voir le  Recueil  des Traités des Nations Unies, vol. 1770, p. 27.), la requête initiale n’a été déposée que le 29 mars 1994. La source de référence écrite de M. Bidjang évoquée plus haut prétend que, d’après les archives du Ministère des relations extérieures, « c’est l’Ambassadeur BILOA TANG (Ambassadeur du Cameroun en France), qui sera chargé de déposer  ladite  ”clause”  à La CIJ à La Haye, ainsi que ”la plainte du Cameroun contre le Nigéria.» Inexactitude de plus. Quand Pascal Biloa Ntang dépose au Secrétariat des Nations Unies, et non à La Haye, la déclaration du Cameroun, il sert à cette époque comme Représentant permanent du Cameroun auprès des Nations Unies et non comme ambassadeur en France. La preuve du dépôt est publique. Il suffit de consulter à cet effet le site internet de l’ONU. (UNTC) La requête introductive d’instance (la plainte) du Cameroun, signée par Maurice Kamto, a été déposée au Greffe de la CIJ par Mme Isabelle Bassong, ambassadeur du Cameroun en Belgique avec juridiction sur les Pays-Bas qui abritent le siège de cette institution. Cette information est aussi d’accès libre sur internet. (https://icj-cij.org/fr/affaire/94/introduction-instance)

AFFABULATION et ANACHRONISME- Monsieur Bidjang ajoute ceci en rapport avec le dépôt de la déclaration du Cameroun : « Sans ce travail préalable suivi de près par le Chef de l’Etat il n’y aurait jamais eu d’affaire Bakassi et aucun des intervenants cités pompeusement sur la toile ou dans les médias, voire même dans les milieux politiques, n’aurait été sollicité par l’Etat du Cameroun. L’équipe restreinte ayant joué un rôle fondamental autour du Ministre Léopold Ferdinand Oyono était composée de personnalités de très haut vol à l’instar de Samuel Mvondo Ayolo, alors Directeur des Nations Unies au MINREX ; Nkoe Ntonga, Inspecteur au MINREX également… Ils seront rejoints plus tard par une cinquantaine d’experts dans des domaines divers sollicités par le Chef de l’Etat.» N’en déplaise aux révisionnistes, la requête introductive d’instance  du Cameroun enregistrée à la CIJ le 29 mars 1994 a bel et bien été signée par le Professeur Maurice Kamto en sa qualité de co-agent et Me Moutome comme agent. (https://icj-cij.org/fr/affaire/94/introduction-instance)Le Professeur Maurice Kamto n’a donc pas rejoint ultérieurement une quelconque équipe fantoche qui aurait joué on ne sait quel rôle fondamental autour du Ministre Oyono. Petit indice d’évaluation du sérieux des élucubrations des commanditaires de la vidéo de Bruno Bidjang : en mars 1994, lorsque l’affaire Bakassi est portée devant la CIJ, le Directeur des Nations Unies au ministère des Relations extérieures est Monsieur Guy Lucien Sao et non Samuel Mvondo Ayolo. Il se peut que, en sa qualité de « collaborateur » officieux de Monsieur Oyono à l’époque, il se prenait déjà pour le directeur du département concerné. Il le deviendra par la suite, mais bien plus tard. Des sources concordantes font remonter sa nomination à 1997. La page Wikipedia de ce dernier, notamment, indique cette date. Quant aux autres « personnalités de très haut vol » (Bruno Bidjang dixit) ayant joué un « rôle fondamental autour du Ministre Léopold Ferdinand Oyono », on ne peut manquer de mentionner l’un de leurs faits d’armes sous l’administration Oyono au MINREX, à savoir la recommandation au Président de la République d’une stratégie visant à empêcher le recrutement de Camerounais de certaines régions du pays à accéder à des fonctions au sein des organisations internationales.

A y regarder de près, le bénéficiaire principal de la vidéo de Bruno Bidjang et de sa source écrite ne serait personne d’autre que Monsieur Samuel Mvondo Ayolo, Directeur du Cabinet civil à la Présidence de la République du Cameroun.  On apprend en effet ceci : « Les archives du MINREX  l’attestent clairement, le collaborateur du Ministre d’État, Ferdinand OYONO, chargé par ce dernier, de rédiger « la Clause Facultative de Juridiction Obligatoire »,  ainsi que « la plainte », c’est bel et bien, Samuel MVONDO AYOLO ( le Directeur des Nations-Unies au MINREX), qu’assistait Thomas FOZEIN. » Une fois de plus, en mars 1994, Monsieur Mvondo Ayolo n’était pas Directeur des Nations Unies. Il occupait des fonctions dans l’une de ces directions dites de « garage » au Ministère des Relations Extérieures. Hier comme aujourd’hui, on ne lui connaît pas de compétences particulières en droit international public, a fortiori dans l’écriture d’actes de procédure devant la CIJ.

CONTREVERITE- Enfin, Bruno Bidjang affirme: « Ce qu’il faut rappeler pour la petite histoire c’est que le Professeur Maurice Kamto  a rejoint l’équipe de Bakassi après son rôle joué  dans l’élection présidentielle de 1997 où il avait soutenu l’UNDP.» L’obnubilation révisionniste conduit malheureusement à des contrevérités déroutantes. Comme on l’a dit à plusieurs reprises, le dossier Bakassi est introduit en 1994 et la requête introductive d’instance est rédigée et signée notamment par le Professeur Maurice Kamto. Comment peut-on dès lors affirmer qu’il n’a rejoint l’équipe de Bakassi trois années après l’introduction de la plainte ? Par ailleurs, le Professeur Maurice Kamto n’a soutenu aucun parti politique lors de la présidentielle de 1997. S’il a apporté publiquement son soutien au candidat de l’Union pour le changement lors de l’élection présidentielle de 1992, il n’était membre d’aucun parti politique.

Voici donc des faits, qu’une indispensable OPERATION LUCIDITE-VERITE ne peut que confirmer. Après 40 années de désastre managérial, le régime BIYA essaye désespérément de s’accrocher à la seule « réalisation » de son règne : la victoire du Cameroun dans un contentieux devant la Cour internationale de Justice, l’opposant au Nigéria, au sujet de la presqu’île de BAKASSI. Ce faisant, il tente malicieusement de réduire, de diluer, d’invisibiliser, la contribution intellectuelle majeure, du Professeur Maurice KAMTO, probablement le meilleur expert en droit international en Afrique et l’un des meilleurs au monde. Cette « anthropophagie » intellectuelle est inacceptable.

Amédée Dimitri TOUKO TOM

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