Le débat démocratique hante toutes les couches sociales en Afrique. C’est un sujet préoccupant. Emportés par cet élan, nous oublions d’autres sujets essentiels tels que la vitalité de nos universités qui doivent former nos futurs dirigeants. Avons-nous conscience que la qualité de l’enseignement détermine la place d’un pays dans le concert des nations ?

Ils sont nombreux, les maux qui minent la prospérité des universités africaines et des étudiants. La pandémie en cours vient s’ajouter à leurs difficultés de fonctionnement et de leur administration. Ces institutions de « prestige » ont vocation à former les femmes et les hommes appelés à bâtir une autre Afrique, bien différente de celle de leurs ainés volontairement confinés depuis les indépendances.

Nous ne nous penchons pas assez sur la problématique de nos universités. Les principales victimes ne sont autres que les étudiants, le corps enseignant et son administration. Cette situation précarise les étudiants et les enseignants qui ne disposent pas de moyens matériels et de revenus pour assurer un enseignement à la hauteur des attentes du monde professionnel.

Dans un univers mal structuré, les problèmes s’empilent. Ils sont d’ordre matériel et psychologique. Les étudiants manquent de tout. Du simple polycopié des cours magistraux jusqu’aux livres de référence absents des bibliothèques fantômes.

Mais l’incivisme de certains est aussi déplorable quand ils arrachent des pages entières des manuscrits mis à leur disposition dans les bibliothèques. Les conditions d’incertitudes actuelles sont nombreuses. La crise sanitaire, la paupérisation générale (étudiants et enseignants, et l’absence des outils pédagogiques. L’administration universitaire est soumise au même régime. Elle ne peut assurer sa vocation d’accompagnement. L’attribution des bourses scolaires reste très arbitraire et profite essentiellement à la classe privilégiée.

Dans ce contexte, serions-nous surpris qu’aucune université africaine ne figure dans le top 100 des universités du classement de Shanghai ? Nos universités ne publient pas suffisamment de recherches pour espérer figurer dans un palmarès aussi prestigieux. On retrouve dans le top 1000 de Shanghai quelques universités d’Afrique du sud, d’Egypte et du Maroc. L’Afrique francophone est la grande absente de ce palmarès.

Faute de budget ou de crédit, nos universités ont cessé de nouer des liens avec les universités et les écoles de prestige à travers le monde pour des travaux pratiques et des échanges d’informations. Elles sont en retrait d’une science qui avance au galop.

La détresse matérielle

La pauvreté matérielle des étudiants et du corps enseignant est une des causes majeures de la faillite intellectuelle qui pénalisent la qualité de l’enseignement. Cette faillite existe depuis des décennies. Elle concerne l’accompagnement des étudiants, le niveau des bourses, la couverture sociale et le logement. Les maux sont plus nombreux et jaillissent au grand jour à cause du Coronavirus qui met en crise notre système social si fragile.

Le mal est profond. L’étudiant est de plus en plus précarisé. Il ne peut s’assurer un repas journalier. La vérité est que l’ascenseur social de l’après-indépendance s’est grippé.

La crise sanitaire n’est pas la seule responsable d’une situation qui se désintègre régulièrement. La situation des étudiants est très préoccupante depuis trois décennies. Elle est plus inquiétante aujourd’hui parce qu’elle est mise en lumière grâce aux médias et surtout les réseaux sociaux.

A la vétusté des structures sanitaires des universités vient s’ajouter l’état de délabrement des bâtiments qui sont si peu soumis à une restauration. Les outils numériques aujourd’hui indispensables peuvent être une solution pour se hisser parmi les meilleures. Mais tout est lié à une volonté politique qui ne semble pas se dégager.

La détresse psychologique

Les promotions arbitraires des enseignants perturbent leur carrière, leur état d’esprit et affectent très souvent la qualité de leur prestation. Ce volet est très important. Il reste une des principales causes de la dépréciation des cours et de la mobilisation pour un enseignement de qualité. S’il est vrai que l’enseignement est un sacerdoce, il n’en demeure pas moins vrai que l’enseignant a besoin de se sentir utile pour la mission qu’il accomplit. La déprime est très courante dans le corps enseignant qui dénonce régulièrement les conditions dégradantes dans la recherche et l’enseignement. Elles affectent la qualité des cours. Mais, il y a aussi la rémunération des enseignants qui frôle le ridicule. Peut-on garantir un enseignement de qualité quand on gagne un salaire de misère ?

Certains enseignants fragilisés par le système sombrent dans l’alcool car l’horizon est bouché et les rêves s’envolent. Les étudiants, de leur côté, quittent plutôt les bancs de l’université pour rejoindre les rangs d’une délinquance galopante.

Toutes ces problématiques doivent être débattues. L’Afrique ne peut continuer à occulter un problème qui est connu. Elle est, malgré elle, soumise à l’arbitraire qui tue toutes les velléités de progrès social, d’épanouissement individuel et du progrès industriel ?

La Corée du Sud l’a bien compris. Ses enseignants sont les mieux rémunérés du monde et ses universités sont les mieux placées dans le classement incontournable et élitiste de Shangaï. Ce pays sans matières premières dispose, pour un développement inclusif, de ses propres cabinets et laboratoires pour la recherche et développement et la production industrielle.

En Afrique, l’accès aux grandes écoles obéit à une règle décriée qui n’est pas le mérite, mais l’appartenance à la caste dirigeante. Ce système qui perdure forme des femmes et des hommes qui vont accéder à leurs tours à des postes de responsabilité. Dans ce contexte, nous ne pouvons offrir une parenthèse aux rêves enchantés des étudiants.

La détresse psychologique des étudiants est criarde et pousse très souvent à une prostitution déguisée de jeunes filles dont les clients attitrés sont les hauts fonctionnaires. Les étudiants en fin de cycle traversent des moments de doute et de psychose. Trouveront-ils un emploi à la fin de leurs études dans un système où le relationnel étouffe le mérite ? Les suicides sont nombreux et peu de psychologues osent aborder le sujet.

Faut-il pour autant désespérer de nos enseignants et de nos étudiants ? Un mouvement de résilience prend corps. Il veut relever les défis par un débat dépassionné. Nous devons encourager leur indignation pour que les lignes bougent.

Par Michel Lobé Étamé
Journaliste Indépendant

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